Christophe Boltanski est journaliste et romancier. Correspondant pour Libération à Jérusalem, puis à Londres, il rejoint le Nouvel Observateur en 2007 avant de fonder le site d’information Rue 89. Auteur d’enquêtes choc comme « Minerais de sang », il consacre pour l’instant ses talents de romancier à l’évocation de sa famille : La Cache, maison de son enfance, prix Femina 2015, et Le Guetteur, une histoire de sa mère. Qui était cette femme solitaire et secrète ?
Famille, je vous raconte
Dans La Cache, Christophe Boltanski rendait hommage à la figure tutélaire de sa grand-mère paternelle, régnant sur une famille d’asociaux géniaux dans une communauté refermée sur elle-même. Dans Le Guetteur, il se penche sur le destin tourmenté de sa mère, Françoise. Asociale elle aussi, ancienne porteuse de valise du réseau Curiel pendant la guerre d’Algérie sous le pseudo de Sophie, elle souffrira de paranoïa, d’un syndrome de persécution. Après sa mort, l’auteur récupère quelques documents, premiers éléments pour tenter de reconstituer toute une existence.
Le guetteur, c’est qui ?
Le guetteur est le titre d’un des nombreux romans inachevés de sa mère. Un ou deux chapitres seulement, toujours des polars, récupérés après sa mort. C’est l’histoire d’un homme qui observe les femmes, les épient par leurs fenêtres pour mieux les harceler ensuite.
Le guetteur c’est aussi ce voisin par lequel Françoise se dit persécutée, qui la poursuit malgré ses déménagements successifs, délégant au nouveau voisinage le soin de continuer son travail de harcèlement.
Ce pourrait être le fils, qui cherche à mieux cerner cette mère, toujours très secrète et qu’il pense avoir négligée. Il fait ce qu’il sait mieux faire : le journaliste mène une enquête sur son passé, son quotidien, l’écrivain tente de terminer ce roman inachevé qui résume si bien ce dont Françoise pensait être la victime.
Mais on découvre que ce guetteur pourrait aussi être une guetteuse. Cette militante de la cause anticolonialiste à qui le FLN a peut-être confié des missions de filature en préparation d’attentats sur le sol français…
Les récits d’une vie
Deux récits s’entremêlent au gré des chapitres. L’enquête de l’auteur, qui rencontre les anciens voisins, des ex-membres du réseau, la psy… Et l’histoire d’une vie, reconstituée à partir de souvenirs d’enfance, de quelques confidences maternelles, de l’enquête. Une histoire en plusieurs épisodes, de la jeunesse « à risque » de Françoise à ses engagements de femme mûre, jusqu’à sa folie et son quotidien de vieille dame malade et coupée du monde.
Christophe Boltanski s’était donné pour tâche de terminer un des romans de sa mère, le plus élaboré, celui qui sans doute lui tenait le plus à cœur. Mais c’est surtout le roman de sa vie qu’il restitue, redonnant une carrure, une dimension à cette femme diminuée par la maladie. C’est pour le lecteur une enquête prenante, l’évocation d’un pan de notre histoire encore tabou et le bel hommage d’un fils à sa mère.
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Parution le 22 août 2018 – 288 pages