En 2006, à l’âge de 39 ans, Jonathan Littell recevait le Prix Goncourt pour son roman Les Bienveillantes. Douze ans plus tard, il revient avec Une vieille histoire, recueil composé de sept nouvelles, sept variations autour de thèmes universels. Là se « jouent et se rejouent, à l’infini, les rapports humains les plus essentiels ».
L’art du non-roman
Jonathan Littell est un auteur discret, ni vraiment amoureux des médias, ni tout à fait prolifique. Après la vague médiatique qui a submergé Les Bienveillantes (Prix Goncourt et Grand Prix de l’Académie française en 2006), mémoires fictives de Maximilien Aue, officier SS qui a participé aux massacres nazis, l’auteur franco-américain d’origine juive a fait ses adieux provisoires au roman. Enfin, roman, pas vraiment, puisque l’auteur ne considère ni Les Bienveillantes, ni Une vieille histoire, sa nouvelle parution aux éditions Gallimard, comme un roman. Auteur singulier, œuvre singulière : Une vieille histoire – nouvelle version, reprend un récit en deux chapitres publié en 2011 sous le titre Une vieille histoire.
La piscine
« Si l’écriture d’un livre est une expérience, la publication y met un terme, définitif. Or, pour une fois […], cela n’a pas été le cas. » annonce Jonathan Littell sur la quatrième de couverture du récit. Ainsi, il fallait rouvrir le dossier : réécrire, reprendre, réinventer, s’y replonger à bras le corps. Le dispositif littéraire est le même : à chaque chapitre un narrateur (homme, femme, transgenre) sort d’une piscine, se rhabille et se met à courir dans un couloir gris. Les portes qui jalonnent ce couloir sont autant d’ouvertures sur le monde et la valse des rapports humains s’y danse. Sept fois. Le sexe, la guerre, la famille, le couple. Des territoires que le narreur explore avant de replonger dans la piscine. Et tout recommence. Mais pas tout à fait pareil.
Bis repetita
La répétition gêne : on nous a toujours appris à l’éviter. Sept fois de suite se rejouent les mêmes scènes. Scènes de sexe, scènes de guerre, scènes de famille. Il faut le temps de rentrer dans le rythme du texte et de l’apprécier telle une chanson : certes, nous connaissons le refrain mais les couplets ou les solos d’instruments sont autant d’occasions d’apprécier les variations, la liberté dans le morceau. La lecture devient inquiète, inquisitrice, on recherche un détail, un changement, un indice… Chacun doit révéler une nouvelle parcelle de l’humanité, jeter un éclairage sur ces « rapports humains les plus essentiels ». Une vieille histoire est une ritournelle pour un public qui n’a pas peur de se confronter au réalisme et au dévoilement les plus extrêmes (ici, pas de pudeur), qu’il s’agisse de sexe ou de violence. Le tableau est cru, mais incroyablement maitrisé et Jonathan Littell opère comme un magnifique chef d’orchestre.
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Parution le 8 mars 2018 – 384 pages
Une vieille histoire – nouvelle version, Jonathan Littell (Gallimard) sur Fnac.com
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