Il y a 30 ans déjà, Marguerite Yourcenar nous quittait, laissant derrière elle une œuvre littéraire colossale marquée par le succès des Mémoires d’Hadrien (1951). Traduit dans le monde entier, ce livre philosophico-historique met en lumière un parcours étonnant, celui d’un empereur libre et moderne.
Un être-sujet
L’idée de départ de Marguerite Yourcenar est particulièrement judicieuse. Mal en point, l’empereur Hadrien sait qu’il va bientôt mourir mais il veut laisser un dernier souvenir. Il s’attelle alors à rédiger une longue lettre destinée à Marc-Aurèle, son petit-fils et probable successeur, où il narre les moindres détails de sa vie, les bons comme les mauvais. Celui qui a régné sur Rome entre 117 et 138 est un homme à part : fasciné par la Grèce, Hadrien est un érudit qui a consacré sa vie aux voyages dans le but de structurer et de pacifier l’Empire. Ces Mémoires d’Hadrien, imaginées par la romancière française mais basées sur des sources réelles, s’étalent sur six parties et permettent ainsi de mieux saisir la destinée d’un empereur lucide et passionnant.
Un chef d’œuvre en deux temps
Marguerite Yourcenar démontre à quel point un roman historique peut être un objet littéraire à la fois poétique et précis. Pour obtenir un tel résultat, l’académicienne a effectué un long travail de réflexion qui a pris une vingtaine d’années. Son projet initial était d’écrire un texte sur la vie de l’empereur à travers le regard de son compagnon et ami intime, Antinoüs. Après plusieurs versions toutes refusées par les éditeurs, l’écrivaine brûla ses écrits et abandonna le sujet. Un quart de siècle plus tard, elle décide de s’y remettre en changeant de point de vue. C’est le « je » d’Hadrien qui permet d’en savoir plus sur sa vie sans l’emploi d’un intermédiaire. « Il est des livres qu’on ne doit pas oser avant d’avoir dépassé quarante ans », a expliqué la romancière dans son « carnet de notes ».
Passion romaine
Par ailleurs, le choix de Marguerite Yourcenar de porter la vie d’Hadrien sur papier n’est pas un hasard : elle voue une fascination immodérée pour le IIe siècle, une période pleine d’incertitudes. « Si cet homme n’avait pas maintenu la paix du monde et rénové l’économie de l’empire, ses bonheurs et ses malheurs personnels m’intéresseraient moins », explique l’intéressée. En relisant ce chef d’œuvre, on est frappé par l’incroyable modernité de cet humaniste qui reste, quelque part, immortel.
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Parution originale en 1951
Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar (Gallimard), sur Fnac.com
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