John Green, l’auteur le plus en vogue auprès d’un public adolescent sort chez Gallimard Tortues à l’infini, un roman sur les troubles mentaux, le droit à la différence et la difficulté d’habiter le monde quand on n’est pas comme les autres. Un roman très personnel et plein d’espoir par l’auteur de Nos étoiles contraires.
Aza, ado pas comme les autres
Aza aimerait dire qu’elle est une adolescente comme les autres, mais ce serait mentir. Depuis toujours, elle souffre d’un trouble obsessionnel compulsif qui lui a fait développer une phobie contre les bactéries. Manger à la cafétéria, embrasser un garçon : tout est propice au mélange de germes, et elle s’enferme dans sa coquille, que sa pétillante meilleure amie Daisy essaye tant bien que mal de fissurer. Derrière le roman psychologique se cache également un polar qui débute lors de la disparition du père de Davis, un ancien ami de primaire d’Aza, milliardaire au passage. Daisy, Aza et Davis partent à sa recherche et se rapprochent en traversant les épreuves : des amitiés se forment, des amours aussi. Mais comment aimer quand on ne se supporte pas soi-même ? Davis est-il seulement intéressant en raison de son argent ? Tortues à l’infini interroge la construction d’une identité à l’adolescence, la difficulté des premiers amours, les déceptions amicales et l’espoir d’être un jour un adulte accompli et affirmé. À l’image de Nos étoiles contraires, le plus grand succès à ce jour de John Green, Tortues à l’infini est un roman poignant qui aide les adolescents à passer un cap et à se diriger doucement vers l’âge adulte.
Toutes ces tortues les unes sur les autres
Aza, germaphobe, est envahie de pensées superstitieuses qui l’empêchent de vivre comme les adolescents de son âge. Quand ses médecins lui affirment qu’il n’y a aucun danger, elle balaie leur avis médical d’un revers de la main. Cette attitude explique le titre énigmatique, Tortues à l’infini. Lors d’une conférence où un scientifique explique l’origine de la Terre, une femme interrompt son discours : « La vérité c’est que la Terre est une surface plane posée sur le dos d’une tortue géante. Cette tortue repose sur une autre tortue géante, et ainsi de suite : ce sont des tortues à l’infini. ». Même si les pensées obsessionnelles d’Aza ne sont pas fondées et n’ont aucune raison objective d’exister, elles sont pourtant là, elles habitent dans son esprit, comme habitent les croyances farfelues dans l’esprit de cette femme. Tortues à l’infini nous prouve que chaque être sur terre vit avec son histoire et ses croyances personnelles et que celles-ci lui donnent une raison d’exister. En cela, il s’agit de les respecter tout en aidant l’autre à voir le réel se dessiner à l’horizon.
Une histoire très intime
John Green souffre lui-même d’une maladie mentale et a mis beaucoup de sa personne pour écrire Tortues à l’infini. Assez discret sur le sujet, l’auteur a pu facilement se glisser dans la peau d’Aza : ils partagent tous deux le sentiment d’avoir un bout de leur vie volé par la maladie. Même si John Green et Aza ne souffrent pas des mêmes troubles, ils ont en commun des pensées obsessionnelles et envahissantes, les empêchant de mener leur vie comme ils l’aimeraient. John Green est un bel exemple de réussite pour tous les adolescents en proie à des difficultés d’ordre psychique. Il prouve que, malgré un handicap, on peut devenir un écrivain reconnu, trouver l’amour, fonder une famille et vivre presque comme si de rien n’était. Encore un très beau roman initiatique qui fait vivre aux adolescents de premières expériences d’une rare intensité.
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Parution le 10 octobre 2017 – 352 pages