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Ramsès II aux portes de la folie

22 septembre 2017
Par Dominique
Ramsès II aux portes de la folie
©dr

Après Deux hommes tout nus et Momo, Sébastien Thierry retrouve une nouvelle fois son complice de planches François Berléand (cette fois-ci uniquement en tant qu’auteur) dans une des comédies les dérangeantes de la rentrée. Manipulation, mensonges et fous rires : Ramsès II joue avec la vérité et nous transporte le temps d’une soirée aux limites de la folie.

L’apothéoseRamsès-II-écrit

Une fois de plus Sébastien Thierry, trublion théâtral au style unique et à l’humour noir décapant passé maître en l’art de faire naître des situations plus absurdes les unes que les autres, prend le spectateur par le col et ne le lâche plus, entraînant la salle dans une spirale, drôle, infernale et inquiétante…

Avec ce Ramsès, je pense que Thierry signe le spectacle le plus surprenant et réjouissant de cette rentrée théâtrale mais aussi certainement sa pièce la plus aboutie et réussie.

Un thriller psychologique intense

Dans leur maison de campagne isolée, Jean (François Berléand) et Élisabeth (Évelyne Buyle) attendent pour déjeuner leur fille et leur gendre de retour d’un voyage en Égypte. On sonne, Mattieu (Éric Elmoslino) arrive seul, sans sa femme Bénédicte (Élise Diamant). La conversation, d’abord aimable et polie, vire très vite de l’étrange à l’absurde, de l’incompréhension jusqu’au cauchemar délirant à mesure que Matthieu s’enfonce dans d’inextricables explications our justifier l’absence de leur fille.

Elmoslino sous toutes ses facettes

Le succès comique de la pièce tient beaucoup au personnage de Mathieu qui sous des abords a priori sympathiques, se révèle assez vite cynique, intriguant, énigmatique, voire schizophrène. L’occasion pour Éric Elmoslino de faire étalage de toute sa palette de comédien. Magistral d’ambiguïté, de roublardise, le comédien signe sans doute l’une de ses plus belles prouesses théâtrales et parvient à décontenancer le spectateur autant que les personnages. N’oublions pas qu’Elmoslino donne la réplique à deux acteurs magnifiques, parmi les meilleurs de leur génération. L’accablement et les réactions exacerbées, violentes (ah les réjouissante « gueulantes » de Berléand) du couple parental excitent ce jeu jusqu’à la folie.

On rit énormément mais…

Pourquoi Matthieu torture-t-il ses beaux parents en ne leur disant pas tout de suite la vérité ? A-t-il des comptes à régler avec eux ? Ou alors sont-ce eux qui perdent les pédales et ne comprennent plus très bien les choses ? Les situations s’embrouillent, se compliquent, provoquent parfois nombre de sourires et de rires. Ces derniers croulent mais se crispent ou virent un peu jaunes, parfois jusqu’au malaise. D’abord intrigué et amusé, le spectateur ne pourra manquer de se sentir impliqué, malmené jusqu’au bout : qui manipule qui ? Mensonge ou vérité ? Lucidité ou folie ? Sébastien Thierry et les comédiens nous manipulent pour notre plus grand plaisir masochiste !

Je ne vous en dirai pas plus et vous invite à aller découvrir par vous-même les partis pris de la mise en scène audacieuse de Stéphane Hilliel. Le spectateur averti décelera rapidement dans Ramsès II la tendance « on y va à fond dans l’étrange, l’inattendu, le dérangeant » de Sébastien Thierry.

Article rédigé par
Dominique
Dominique
passionné de Théâtre