Après le Liban et le Quatrième mur, retour en France dans Le Jour d’avant de Sorj Chalandon. Dans les entrailles de la terre du nord de la France, dans les profondeurs de la mine de Saint-Amé, balayée par un coup de grisou un jour de décembre 1974. Une catastrophe meurtrière est l’occasion pour l’écrivain de rendre un vibrant hommage aux gueules noires, ces héros souterrains trop vite oubliés.
Grise mine
Au petit matin du 27 décembre 1974, à 6h30, 42 gueules noires restaient sous le carreau de la fosse 3 de la mine de Saint-Amé, à Liévin, avalés par la terre charbonneuse des Houillères du bassin du Nord-Pas-de-Calais. Parmi eux, Jojo. Joseph Flavent. La faute à qui ? À ce satané grisou, bien sûr. Encore que… Cette mine était épuisée, elle devait fermer. La catastrophe aurait pu être évitée. Michel, 16 ans, le jeune frère de Joseph, en est convaincu. Ce jour de décembre 1974 résonne alors comme la fin de son rêve – celui de descendre un jour « au fond », aux côtés de son frangin – et sera le premier du reste de sa vie, placée sous le signe de la colère sourde et de la vengeance. Il l’a promis à son père : « venge-nous de la mine », lui avait-il écrit avant de « partir » lui aussi…
Aux héros oubliés, la patrie non reconnaissante
Sorte de Germinal des temps modernes, Le Jour d’avant de Sorj Chalandon est le récit d’une lente mais inexorable descente. À la mine, d’abord, dont l’écrivain nous raconte l’univers avec une précision saisissante – on n’efface pas 34 ans de journalisme ! Mais aussi et surtout dans les enfers d’un deuil impossible et d’une douleur implacable. Avec la mort de son frère, Michel a vu son enfance vieillir d’un coup… On retrouve dans ce livre un peu de Mon Traitre, dans les descriptions de ces processions de gueules noires, dans ces cortèges funèbres de « copains » qu’on enterre. Il y a aussi de La Légende de nos pères dans cette nécessité pressante de sauver la dignité des héros oubliés, de combattre le mépris des vivants jusqu’à en perdre la raison. Chalandon pose ici encore la question du devoir de mémoire, de la transmission. Confronte vérité et ressenti, réalité et fiction…
Colère au poing
Discrètement mais sûrement, Sorj Chalandon continue avec Le Jour d’avant de dérouler sa formidable épopée au cœur d’une humanité malmenée, violentée et traumatisée. Mais toujours digne et superbe dans sa résilience. L’écriture est limpide, l’extrême douceur de la forme contrastant avec la violence du fond. La phrase est épurée, nettoyée de toute impureté. Le mot est à l’os. Précis, tranchant. Et le tout est une nouvelle fois d’une incroyable intensité. Un roman ouvrier en hommage au peuple du fond de la terre. Un roman rempli de larmes et de poings serrés, de désarroi et de rage.
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Paru le 16 août 2017 – 336 pages
