Chester Bennington, l’écorché vif

Indissociable du groupe Linkin Park, dans lequel sa voix puissante faisait merveille, Chester Bennington était l’une des stars du néo-métal. Victime d’abus dans sa jeunesse, sujet à de nombreuses addictions, il a été retrouvé mort le jeudi 20 juillet à son domicile. Portrait d’un artiste aussi brillant que tourmenté.

La musique pour s’en sortir

Des drames, Chester Bennington en a connu plus d’un. Le premier a lieu lorsqu’il a 7 ans : un « ami de la famille » aurait commencé à abuser de lui à cette époque. Quatre ans plus tard, le divorce de ses parents le plonge dans une adolescence encore plus difficile, puisque c’est là qu’il commence à essayer les drogues. Harcelé au lycée, il travaille à partir de 17 ans dans un fast-food, mais se rêve en artiste. Et si dans sa jeunesse, les peintures et les poèmes ont été pour lui un refuge, c’est vers la musique qu’il se tourne. On le retrouve chanteur dans diverses petites formations de sa ville d’origine, Phoenix, en Arizona.

De Lincoln Park à Linkin Park

Au milieu des années 1990, en Californie, un groupe nommé Xero cherche à percer dans le monde de la musique. Aussi intéressé par le hip hop que par le metal et le rock industriel, les cinq musiciens qui le composent cherchent un chanteur, et leur éditeur musical proposent une audition à Chester Bennington. Le courant passe aussitôt, et le jeune homme de Phoenix, devenu papa, quitte sa ville d’origine et commence à répéter avec Xero. Bennington fait la paire avec Mike Shinoda, le rappeur du groupe, et commencent à créer la formule qui fera mouche : une alternance couplet rappé/refrain hurlé, application jusqu’au-boutiste du concept du néo-metal développé par des groupes comme Korn ou Limp Bizkit. Xero devient Hybrid Theory à la fin des années 1990, avant de se rebaptiser Linkin Park, en référence au Lincoln Park de Santa Monica.

Ascension fulgurante

Le groupe frappe très fort en 2000, signant chez Warner un premier album fondamental aujourd’hui : Hybrid Theory. Sur un lit de guitares saturées, la voix reconnaissable entre mille de Chester Bennington fait mouche. Capable de moments de calme mélodique comme de brusques phases de chant guttural, le chanteur ricoche à merveille sur les scansions de Shinoda. Avec des titres particulièrement efficaces (Crawling, In the end), ce premier disque permet au groupe de tourner inlassablement, l’opus finissant à plus de dix millions d’exemplaires vendus trois ans après sa sortie. L’osmose dans le groupe fonctionne parfaitement, aboutissant d’abord à un disque de remixes (Reanimation), à un deuxième album aussi fracassant que le premier, Meteora, puis à une collaboration avec le rappeur Jay-Z (Collision course).

Au sommet

À mesure que la musique de Linkin Park va évoluer, la place de Chester va confirmer sa stature de star. Frontman charismatique aux textes sombres, il accompagne parfaitement le changement vers une musique plus proche du rock indépendant et de la pop amorcé par l’album Minutes to Midnight en 2006, et confirmé avec A Thousand Suns et Living Things. En parallèle, Chester chante également au sein de Dead by Sunrise, et assure une pige avec Stone Temple Pilots en 2013. La même année, Linkin Park renoue avec la formule du néo-metal et enregistre The Hunting Party qui sort en 2014. Marié une deuxième fois avec une ancienne playmate, père de six enfants, Chester Bennington continue d’assurer ses parties chant avec beaucoup de charisme tout en étant une figure assez engagée politiquement. Alors que Linkin Park venait de sortir un nouvel album, très pop, en mai (One More Light), le chanteur a malheureusement subi de plein fouet le suicide de son ami Chris Cornell (chanteur de Soundgarden et d’Audioslave), à qui il avait rendu hommage.

Il est encore trop tôt pour connaître les raisons du geste fatal du leader de Linkin Park, mais il est d’ores et déjà admis qu’il manquera à jamais au rock contemporain.