Décryptage

Le meilleur de Jirô Taniguchi

30 octobre 2024
Par Nathalie
Le meilleur de Jirô Taniguchi

Cachet européen certifié, talent indubitable, fresques réalistes et saisissantes : dans le domaine de la bande dessinée japonaise, Jirô Taniguchi est devenu au fil des ans un auteur de référence. Ses créations sont de véritables pépites littéraires et graphiques. Il a su faire du manga un art à part entière. On vous en dit plus sur le mangaka et son oeuvre.

Qui est Jirô Taniguchi ?

Jirô Taniguchi est né dans une famille sans grands revenus en 1947. Enfant à la santé fragile, Jirô a très vite aménagé son temps entre la lecture et le dessin. À l’âge de 4 ans, un incendie ravage la ville où il réside, calcinant les deux tiers de Tottori… dont la maison familiale. Cet événement le marque au fer rouge. Plus tard, il reviendra ce fait marquant dans Le Journal de mon père.

Durant son adolescence, son intérêt se porte très vite sur les seinen et gekiga (« dessins dramatiques »), sous l’influence de Yoshihiro Tatsumi. En effet, le jeune homme s’intéresse de près aux sujets « graves », faisant préoccupation auprès des adultes. La magazine Garo joue un rôle important dans la formation du mangaka qui étoffe son goût pour l’underground et les œuvres d’avant-garde.

C’est en 1969 qu’il décide officiellement de devenir mangaka après avoir exercé des emplois de bureau qui ne lui conviennent pas du tout. Pour cela, il monte à Tokyo et devient l’assistant de Kyuta Ishikawa pendant 5 ans. Cette histoire, vous pourrez d’ailleurs la retrouver dans sa superbe œuvre, Un zoo en hiver. Par la suite, il deviendra l’assistant de Kazuo Kamimura.

C’est à cette même période qu’il fait la fabuleuse découverte de la BD européenne dont le style va fortement l’influencer. Dans les années 1980, il prend son indépendance, et il faudra attendre les années 1990 pour que son intérêt s’étaye sur l’étude des faits de la vie quotidienne, des relations entre les êtres humains, ou encore avec les animaux.

Très peu valorisé au Japon pour son style jugé « simpliste », Jirô Taniguchi a trouvé son public dans les pays occidentaux. Comme une évidence, ses œuvres envahissent les foyers et sa notoriété n’est plus à prouver. Après avoir publié de nombreux romans graphiques et avoir pu concrétiser son rêve chaque jour un peu plus, Jiro Taniguchi s’éteint des suites d’une longue maladie, le 11 février 2017 à l’âge de 69 ans.

Quelles sont les influences de Jirô Taniguchi ?

Une forte influence européenne

À ses débuts, Jirô Taniguchi se tourne vers du roman noir américain à des fins de détournement humoristique sous forme de BD. Mais ce qui inspire également notre jeune mangaka, ce sont les romans animaliers, dont ceux d’Ernest Thompson Seton. Il lui rendra d’ailleurs hommage dans sa série Seton.

Beaucoup sont surpris par ses dessins qui se rapprochent grandement de la bande dessinée occidentale. En effet, Jiro admet lui-même ne trouver que peu d’inspiration parmi les auteurs japonais, au contraire des auteurs européens. Dans la liste, nous pouvons citer Jean Giraud (Alias Moebius) avec qui il publia Icare, François Schuiten et Tito.

Jirô Taniguchi admet également être influencé par le cinéaste Yasujiro Ozu. Chose que l’on remarque en effet dans le rythme et la simplicité qui se dégage des films et des bandes dessinées.

« Le paradoxe, c’est que tout en étant mangaka, mon style est assez proche de la bande dessinée à l’européenne et que je mets beaucoup d’éléments dans chaque image. Je me situe sans doute entre la BD et le manga de ce point de vue. Et c’est peut-être ce qui fait que pour certains lecteurs japonais mes mangas sont difficiles à lire… »   Jirô Taniguchi (Entretiens avec Benoît Peeters 2013)

Si au Japon, il est peu connu, en France et en Europe, c’est une tout autre histoire. Les Français portent une attention profonde à son travail, au dessin et au texte. En effet au Japon, les gens trouvent ses histoires trop sobres, trop « littéraires ». Comme le disait l’éditeur Pierre-Alain Szigeti, Jirô, « aux yeux des Japonais, […] est resté trop intimiste ». Mais ce « défaut » pointé par les japonais, est une qualité pour les occidentaux et notamment les non amateurs de mangas qui trouvent un plaisir facile à la découverte et lecture des œuvres de Jirô Taniguchi.

Des thématiques universelles et intimistes

Les thématiques universelles qu’il aborde, ce sont celles autour de la famille, du retour à l’enfance, des souvenirs, de la beauté de la nature, de la relation homme-animal… On y remarque aussi une forte part autobiographique. Dans le Journal de mon père, il y fait état du tragique incendie de Tottori, dans Un zoo en hiver, il raconte ses débuts en tant que mangaka, dans Terre de rêves et Nos compagnons, il parle de sa relation aux animaux…

« Si j’ai envie de raconter des petits riens de la vie quotidienne, c’est parce que j’attache de l’importance à l’expression des balancements, des incertitudes que les gens vivent au quotidien, de leurs sentiments profonds dans les relations avec les autres. […] Dans la vie quotidienne, on ne voit pas souvent des gens hurler ou pleurer en se roulant par terre. »   Jirô Taniguchi

Et c’est justement en parlant de ces « petits riens » que Jirô Taniguchi réussit à nous rapprocher les uns des autres. Par effet de transfert, nous adaptons son expérience à la nôtre et vivons en synergie avec les personnages de ses bandes dessinées.

Quels sont les meilleurs livres de Jiro Taniguchi ?

Autour du thème de l’Homme et de la nature, un moment de contemplation

L’Homme qui marche est un moment pour soi. Un retour vers les choses simples. Une balade au milieu de la nature à la redécouverte des plaisirs : grimper à un arbre, observer les oiseaux, sauter dans des flaques d’eau, sentir la pluie atterrir et couler sur son corps. Ça ne semble rien comme ça, mais je vous assure que ce livre silencieux, cette promenade entre les pages, ce bonheur, on le partage avec l’homme qui déambule. On entend avec lui le bruissement du vent sur les feuilles, le bruit lointain de la ville, le son des pas sur le sol. L’Homme qui marche, c’est cet appel à la lenteur dans une vie où tout va si vite. C’est dire stop au tourbillon, prendre le temps pour soi, entendre ses besoins profonds et s’y plonger. C’est celui qui n’écoute pas sa paresse, son flegme, son habitude, et qui prend le temps d’apprécier ce que la nature peut lui offrir.  C’est vous. C’est moi. C’est cette version de nous-même qui nous ramène à l’essentiel.

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Série incontournable de Jiro Taniguchi : Le Sommet des dieux. On aura plaisir de voir se développer sur 5 tomes cette fidèle adaptation du roman du même nom de Baku Yumemakura. En 2005, cela lui vaudra d’ailleurs de recevoir le Prix du Meilleur Dessin au festival d’Angoulême !

Ici, tout se passe à travers le regard et les souvenirs du photographe Fukamachi. Une entrée dans un monde où cohabitent la dure loi de la montagne et celle de la folle passion des hommes. Après avoir trouvé à Katmandou un appareil photo qui ressemble fortement à celui d’un alpiniste anglais disparu, George Mallory, Fukamachi entame une enquête quasi policière qui le lance sur les traces du grimpeur mythique Habu Jôji. Tout au long de sa quête, cette question reste en suspens : d’où vient ce besoin de gravir les montagnes, et plus spécifiquement l’Everest ? Une série très documentée sur l’alpinisme en conditions extrêmes, accompagnée d’un dessin simple et réaliste. En 2021, Patrick Imbert a adapté en animé Le Sommet des dieux

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Mais qui est le gourmet solitaire ? Cet homme qui travaille dans l’import-export et qui pourtant n’est pas pressé ; qui aime les femmes et qui pourtant préfère vivre seul ; qui est gastronome et qui pourtant apprécie particulièrement la cuisine simple des quartiers populaires. Un peu à la manière de L’Homme qui marcheLe Gourmet solitaire déploie chacune de ses histoires par l’acte de goûter un plat japonais, faisant renaître des souvenirs enfouis, émerger des pensées, amener à de furtives rencontres. Ne vous y méprenez pas, lecteurs. Cette bande dessinée est d’une profondeur sans pareil. Par un stratagème habile, Jiro Taniguchi montre à quel point cet homme qui a du mal à prendre des décisions gastronomiques a aussi du mal à faire des choix dans sa vie. Voilà ici un autre moyen de méditer sur la vie.

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Trois tomes. C’est le nombre de livres qu’il y aurait dû avoir pour la série La Forêt millénaire. Il n’y en aura qu’un. Juste après son élaboration, Jiro Taniguchi a pris a suivi une autre voie… De la même manière qu’Hiroshi dans Quartier lointain, finalement. Cette œuvre a donc une symbolique particulière. À la suite du divorce de ses parents et la maladie de sa mère, Wataru est accueilli chez ses grands-parents. Cette arrivée à la campagne est un bouleversement pour le jeune tokyoïte. Mais la forêt l’attire, l’impressionne, semble lui communiquer une force presque surnaturelle. C’est d’ailleurs de celle-ci qu’il puisera un courage intérieur lorsqu’il devra faire ses preuves face à un groupe d’enfants qui le met au défi. Les pages en couleurs sont appréciables et nous permettent d’accueillir avec plus de ferveur cette nature qui s’étend depuis le fonds des âges. Une belle invitation à redécouvrir ce que nos sens nous offrent.

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Autour du thème des relations entre l’humain et l’animal

Recueil de 5 histoires, Terre de rêves a reçu en 1992, au Japon, le Prix du Manga Shogakukan. Dans les 2 premières histoires, Jirô Taniguchi met en scène un jeune couple qui adopte un chien, puis une chatte et ses trois chatons. C’est d’ailleurs un clin d’œil à sa propre vie, à son chien et sa chatte persane nommée Boro. Il réutilise ce même couple pour narrer l’arrivée inopinée, pendant les vacances d’été, d’une jeune nièce de 12 ans. Dans la dernière histoire, nous voici plongés dans l’univers montagnard, à travers l’histoire d’un homme qui décide de se lancer une dernière fois à l’assaut de hauts sommets. Il évoquera également la panthère des neiges qui préfigure dans la bande dessinée Le Sommet des dieux. Avec Terre de rêves, l’auteur réussi avec brio à étaler par petites touches subtiles, ces petits bonheurs de la vie quotidienne. Il y parle du passage de l’enfance à l’âge adulte, les ressorts qui unissent un couple, l’amour sous toutes ses formes, la force de la nature. En somme, c’est une belle introduction pour se lancer ensuite dans la découverte des autres œuvres de l’auteur.

En parlant des animaux de compagnie, Nos compagnons est une œuvre sensible, terriblement profonde, où il vous sera bien difficile de ne pas verser une larme. Impossible de ne pas se reconnaître soi-même avec son animal dans ces planches attendrissantes et remplies d’amour que nous délivre Jirô Taniguchi. À la disparition de son chien, l’auteur ressent un immense vide. Ce n’est pas seulement la perte d’un animal. C’est plus que ça. Le deuil est bien présent, l’absence est assourdissante. Mais il faut avancer, laisser du temps au temps. Faire un pas après l’autre. Réflexe inné, étape logique dans son processus de deuil, Jirô se décide à prendre ses armes : crayon et stylo. Et c’est une fresque délicate et profonde qui se produit sous ses mains. Une œuvre à ne pas manquer.

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Autour du thème de la famille, de l’enfance et des souvenirs

Quartier Loin est une des œuvres les plus connues de Jirô. Et pour cause ! Elle en a obtenu des prix : le Prix d’Excellence du Festival des arts médias de l’Agence pour les affaires culturelles au Japon, le Prix des libraires de bande dessinée Canal BD au Festival d’Angoulême (2003), le Prix Micheluzzi, Alpha’Art du meilleur scénario, Prix Max et Moritz de la meilleure bande dessinée japonaise (2008). Sans oublier sa postérité en film et au théâtre !

Hiroshi est âgé de 48 ans. Le 9 avril 1998, il rentre d’un voyage d’affaire, mais alors qu’il tente de se remettre des abus d’alcool de la veille, il se trompe de trajet. Au lieu d’avoir pris le train qui devait le ramener chez lui, il se retrouve dans celui qui se dirige vers… Kurayoshi, la ville de son enfance. 48 ans. C’est aussi l’âge auquel sa mère est morte. Pris de nostalgie, il se dirige vers sa tombe. Là-bas, il perd connaissance. Lorsqu’il se réveille, Hiroshi se retrouve dans son corps d’adolescent de 14 ans… Mais pas que ! C’est littéralement un voyage dans le temps, retour vers le passé, qu’il vient de faire ! Pour lui, ce sera une occasion inespérée de revoir son père, sa mère et d’empêcher, peut-être, cet événement qui bientôt, viendra déchirer sa famille. Une œuvre poignante qui trouvera son public en chacun de nous. Une BD universelle.

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Autre bande dessinée dont vous avez déjà entendu parler, même sans connaître Jirô Taniguchi : Le Journal de mon père. Cela fait bien plus de 10 ans que Yoichi n’est pas revenu dans sa ville natale, trouvant toujours différents prétextes pour repousser l’échéance. Il faudra attendre la mort de son père pour qu’il se décide enfin à faire le trajet. Et là, tous les souvenirs de son enfance remontent, comme cet après-midi de printemps qu’il avait passé à jouer sur le plancher du salon de coiffure de son père ou encore cet incendie tragique qui ravagea sa ville en 1952. Un récit intimiste et profond, d’un dessin et d’une écriture mêlés de pudeur et de finesse. Une pure œuvre sur l’introspection, sensible et émouvante. À découvrir !

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Un terrible accident a lieu dans une rue de la banlieue de Tokyo, par une chaude nuit d’été. Les protagonistes ? Un motard et une fourgonnette. 10 jours après le drame, Kazuhiro Kubota, le conducteur de la fourgonnette, meurt sans avoir repris connaissance, à l’âge de 42 ans. Au même moment, se passe quelque chose d’irréel : l’encéphalogramme du motard Takuya Onodera, 17 ans, montre à nouveau des signes de vie, lui qui était en état de mort cérébrale. Presque un mois plus tard, le miracle est assuré : Takuya est en voie de guérison. Seulement… si le corps est bien celui du jeune motard, l’esprit est celui de Kazuhiro. Mais l’horloge tourne et l’esprit de Takuya commence à se réveiller petit à petit. Pour Kazuhiro, il s’agira dans ses derniers instants de transmettre à sa femme et sa fille de 8 ans qu’il les aime et qu’il regrette de les avoir souvent négligées… Un ciel radieux est construit sur le même schéma narratif que Quartier lointain : un point de départ surréaliste pour s’appesantir sur un sujet profondément humain et réaliste. Accrochez-vous, la lecture ne sera pas de tout repos.

Autour du thème des relations humaines

C’est dans un café où elle a ses habitudes que Tsukiko découvre un homme solitaire, élégant… et qu’elle connait bien. Pour preuve, il fut autrefois son professeur de japonais. Tsukiko est une jeune trentenaire célibataire alors que lui est un veuf de 60 ans. Progressivement, une connivence s‘établit, puis une profonde affection. Les Années douces ou l’amour sans âge, deux êtres qui se rencontrent comme une évidence, des décennies plus tard. Une œuvre légère.

Elle s’appelait Tomoji est une histoire vraie qui met en scène une rencontre entre deux adolescents dans le Japon de l’entre-deux-guerres (1925-1932) : Tomoji Uchida et Fumiaki Itô. L’histoire début pendant l’ère Taishô en 1925, revient en 1912 et se termine en avril 1932, dépeignant avec réalisme la vie paisible et rurale de la préfecture de Yamanashi. On suivra le quotidien de Tomoji de sa naissance à son mariage avec le jeune photographe Fumiaki. Pour l’anecdote, cette histoire fut commandée à Jiro Taniguchi par le temple bouddhiste qui a été fondé par ces deux personnages.

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Nous sommes en 1966, au Japon. Hamaguchi a 18 ans lorsqu’il quitte Kyoto pour Tokyo afin de devenir l’assistant d’un mangaka. Avec Un zoo en hiver, l’auteur réalise une véritable œuvre initiatique sur le parcours d’un jeune homme porté par sa passion du dessin. Dans le Tokyo des années 1960, il va découvrir les facettes difficiles du métier et les doutes. Mais il pourra compter sur les rencontres sur son chemin pour trouver sa voie.

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Vous l’aurez certainement compris après avoir lu cet article, les œuvres de Taniguchi sont des créations aux traits simples, mais où l’émotion provoquée est profonde et omniprésente. Chacune des planches vient toucher le domaine de l’intime. Pour ceux qui ont déjà une appétence développée pour l’univers de la bande dessinée, Jiro Taniguchi est un auteur à découvrir. C’est tout l’intérêt d’un auteur universel : réunir tout le monde dans une belle symphonie.

Article rédigé par
Nathalie
Nathalie
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