Ne vous fiez pas aux apparences. Ce récit dont le titre résonne comme une mélopée enfantine n’apaisera pas vos tourments mais vous glacera le sang. Après avoir exploré les méandres de la nymphomanie féminine dans un premier roman remarqué, Dans le jardin de l’ogre, Leïla Slimani poursuit brillamment, avec Chanson douce, son observation féroce du monde et de ses perversions. Chanson douce a reçu le prix Goncourt 2016 et le Grand Prix des Lectrices Elle 2017.
Nounou garderait enfants
Le point de départ ressemble à un sordide fait divers. « Le bébé est mort ». La première phrase, sèche, donne le ton. Quelques lignes plus loin, l’identité de la criminelle est révélée, sans équivoque. Deux enfants sont retrouvés sauvagement assassinés par leur nounou. Dès lors, le suspense et l’angoisse ne naissent pas de la catastrophe mais de l’attente, insoutenable, de celle-ci.
Le diable se cache dans les détails
Un flash-back minutieux et quasi clinique remonte alors le cours sinueux de la tragédie. Pour tenter d’accéder à l’origine du mal. En vain. Évidemment les apparences sont trompeuses et cette nounou était trop parfaite pour être vraie. Ses failles, émergeant par bribes au fil de la narration, jaillissent comme des coups de surin. Mais le mystère résiste. Le personnage nous échappe.
Chronique de la folie ordinaire
À partir d’un drame plutôt trivial, Leïla Slimani livre un récit fascinant sur la banalité du mal. Les mots sont crus, les phrases cinglantes, pour évoquer la misérable et crasse existence d’une femme à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Une âme triste, emprisonnée dans sa condition sociale, que la fréquentation intime d’un couple de bourgeois parisiens va précipiter vers l’irréparable. Malgré l’horreur, à aucun moment, l’auteure ne juge son héroïne. Face à cette fable moderne amputée de sa morale, le lecteur est mis en déroute, en proie à ses propres doutes. Un roman fort et subtil.
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Prix Goncourt 2016
Grand Prix des Lectrices Elle 2017
Paru le 18 août 2016 – 240 pages