Négar Djavadi : un prénom et un nom qu’on n’est pas prêt d’oublier. Scénariste reconnue, cette française d’origine iranienne signe un très beau premier roman, entre conte oriental et autofiction intimiste. Un récit époustouflant, qui fait partie des 30 romans sélectionnés pour le Prix du Roman Fnac 2016.
Les cahots du passé
Kimiâ Sadr est une jeune lesbienne iranienne exilée en France qui souhaite avoir un enfant par insémination artificielle. Alors qu’elle patiente dans la salle d’attente, son esprit est submergé par un flot discontinu et désordonné de souvenirs. L’histoire de sa famille remonte peu à peu à la surface, celle de trois générations d’ancêtres flamboyants. À cette fresque familiale et fougueuse se mêle un témoignage sur l’Histoire : celle, convulsée, d’un Iran en mouvement, pétri de contradictions, ébranlé par la guerre et la succession des différents régimes. Une construction follement romanesque qui jette un pont entre le passé et le présent, l’Orient et l’Occident et laisse l’héroïne en équilibre…
Je est une autre
La narration très directe, à la première personne, et les nombreux échos avec la vie de l’écrivaine née à Téhéran dans une famille d’intellectuels et opposants politiques, sèment le doute dans l’esprit du lecteur. Négar Djavadi est-elle en train de nous raconter sa propre légende ? L’auteur, qui reconnaît avoir utilisé la réalité du cadre familial et historique comme canevas de départ, a pourtant tissé une fiction portée par une narratrice à mi-chemin entre Shéhérazade et Virginie Despentes.
Une vie à soi
Pour l’écrivaine, inconditionnelle de Virginia Woolf, ce qui est en jeu c’est la quête intime de soi. Le passé, puzzle originel à la reconstitution douloureuse, éclaire un présent souvent opaque et fugitif. L’écriture sinueuse épouse les pérégrinations intérieures de l’héroïne au destin disloqué par l’expérience de l’exil. Tiraillée entre ses influences – du punk échevelé au cinéma d’auteur, le poids des traditions, les blessures de l’Histoire et la question de l’identité – la jeune fille peine à grandir. Un roman résolument moderne qui traque les clichés et éveille les consciences. Une écriture dense, aussi accidentée que la vie elle-même. Un vrai moment de poésie et d’émotion. Indispensable.
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Parution le 25 août 2016 – 352 pages