Alain Schifres s’insurge contre la société contemporaine du « sympa », un monde gentil de bisounours, où la population est bercée par un langage, des esthétiques, des concepts tout faits et inoffensifs. Manifeste ironique paru chez l’éditeur bien nommé Le Dilettante, Sympa propose une définition de cet état d’esprit par des exemples, tout en dénonçant les clichés et les dérives d’une population devenue mollassonne.
À bas le sympa !
Dans Sympa, tout le monde en prend pour son grade. L’auteur attaque sans faire de distinctions toutes les idées reçues appartenant à la catégorie du « sympa » : le goût du cool, l’équitable, le câlin, les marronniers de l’info, la mamie intemporelle, l’écologie, la nostalgie, etc. Des tendances actuelles aux expressions omniprésentes, Alain Schifres critique tout un pan du « prêt-à-penser », produit dérivé de notre société consommatrice, dont on repère aisément les symptômes, une fois alerté sur cette épidémie.
Et c’est tout un programme ! Il s’agit d’abord d’étudier les formes du « sympa », dans une première partie « Fortune du sympa et Triomphe du cliché », qui s’attaque à l’azurage des problèmes de société, aux beaux sentiments, à l’actualité continue, aux rituels de société et aux croyances. Puis, dans une seconde partie, « Les Ravis de la crèche et autres santons du pays sympa », Alain Schifres dépeint les personnages-stéréotypes de la société « sympa », en commençant par La Française et Les Français, puis le quadra, les Mousquetaires, l’animal politique, la génération, le ténor du barreau, et bien d’autres fidèles.
Une forme ludique
L’auteur prend un malin plaisir à présenter ses idées dans un format justement « sympa ». Tout d’abord, la couverture trompeuse, de toute évidence pensée pour attirer l’œil : un fond rose bonbon, une barbe à papa criarde, et une typographie jaune, comme dessinée. Alain Schifres et son éditeur chercheraient-ils à prendre au piège les lecteurs potentiels, amateurs de l’esthétique « sympa » ? Avec cette apparence qui rappelle les livres « feel-good », un quiproquo est si vite arrivé…
Sympa se consomme comme des bonbons. Alain Schifres enchaîne ses pensées en petits chapitres, une suite de fragments courts, donc très digestes. Habitué à recenser les expressions et tics linguistiques, il compose un lexique bien particulier. La seconde partie, où l’auteur fait le portrait de plusieurs personnages-types qui peuplent la société actuelle, s’apparente d’ailleurs à une interprétation moderne des Caractères de Jean de La Bruyère. Cette forme permet une certaine flexibilité de lecture, puisqu’on est libre de parcourir les fragments dans le désordre, de piocher ici et là dans les sujets qui intéressent le plus. Un choix d’édition qui est « plutôt sympa » !
Un auteur moqueur
Sympa s’inscrit tout naturellement dans la tracée d’autres essais légers d’Alain Schifres, qui adoptent le même ton goguenard, pour une approche sociologique et pseudo-anthropologique de la société française moderne. Auteur de lexiques et d’études de mœurs humoristiques dans la lignée du classique Les Carnets du major Thompson, il a ainsi créé une typologie et un portrait personnels des Français, à travers des œuvres comme Les Parisiens (1990), Les Hexagons (1994), Nouveau dictionnaire des idées reçues, des propos convenus et des tics de langage ou Le dîner sans peine (1998), Inventaire curieux des choses de la France (2009) – qui a obtenu le Prix Louis Barthou de l’Académie française – et plus récemment, My tailor is rich but my français is poor (2014).
—
Paru le 6 avril 2016 – 128 pages
Sympa, d’Alain Schifres (Le Dilettante), sur Fnac.com
Photo © Jean-Claude Simoen –Le Dilettante