BD ÉROTIQUE – Gênes, Italie, milieu des années 1960. Esmera, jeune fille en fleur, suit les cours du collège Sacro Cuore. Dans cette institution religieuse où les interdits sont légion, Esmera a pour camarade de chambre Rachele, une jeune femme délurée qui ne tarde pas à découvrir les plaisirs de la chair.
BD ÉROTIQUE – Gênes, Italie, milieu des années 1960. Esmera, jeune fille en fleur, suit les cours du collège Sacro Cuore. Dans cette institution religieuse où les interdits sont légion, Esmera a pour camarade de chambre Rachele, une jeune femme délurée qui ne tarde pas à découvrir les plaisirs de la chair. De l’éducation religieuse le jour, Esmera passe à l’éducation sexuelle le soir, première témoin de l’activité nocturne de son amie. Mais des atermoiements avec quelques garçons maladroits laissent Esmera frustrée. Rachele se chargera de faire découvrir les voies du plaisir à son amie et révélera dans le même temps la terrible nature d’Esmera : à chaque orgasme, la jeune femme change de genre, de sexe.
Condamnée à fuir telle une créature monstrueuse, Esmera va prendre le temps d’apprivoiser sa double nature au gré des rencontres et des déceptions amoureuses. Dans une Europe en pleine mutation, Esmera et son double, Marcello, vont pouvoir éprouver leur sexualité multiple.
Zep & Vince, une vieille complicité
En grand fan de Milo Manara, Zep est on le sait depuis longtemps attiré par la représentation du sexe en dessin. Son Happy Sex hilarant abordait la « chose » frontalement mais se contentait de brocarder, de décrypter et de désacraliser l’intimité des couples. On savait donc qu’il y reviendrait, restait à savoir par quel bout. Pour ce récit fantastique au dessin réaliste, Zep est allé proposer à son complice, Vince, de le mettre en images. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps, Vince et le binôme formé avec Stan ayant œuvré aux grandes heures du magazine « Tchô ! » et livré les Chronokids, scénarisé par Zep. Dans ses échanges avec Zep, Vince glisse souvent un dessin cru, appelons-le même « cul », au point que Zep s’était juré de revenir vers lui, un jour, avec un projet… Quand l’auteur de Titeuf trouva la trame de son Esmera, il la proposa à son comparse. Il ne leur restait plus qu’à passer à l’acte.
Inventifs et audacieux
Et autant dire que ces deux coquins ne tarissent pas d’imagination dès qu’il s’agit d’inventer des situations scabreuses, des positions équivoques et des images nourries de fantasmes. La belle Esmera et l’éphèbe Marcello, jumeaux condamnés à ne jamais se croiser, traversent les âges (ils vieillissent deux fois moins vite qu’un humain « normal ») en jouisseurs, dans tous les sens du terme. Quand Zep fait une nouvelle fois preuve avec éclat de son sens du rythme narratif et ne se gêne pas pour brocarder gentiment la libération sexuelle, Vince prend clairement son pied à dessiner l’acte sexuel, ses prémices humides et ses aboutissements libérateurs. L’enthousiasme du dessinateur sur ce projet tombé du ciel se sent à chaque planche, son trait d’une précision troublante enchaînant les cases chaudes qui prennent le lecteur à froid.
Entre jouissance et errance
Si les deux auteurs se lâchent, peuvent tout se permettre, ils prennent avant tout soin de rester dans le schéma narratif qu’ils se sont imposé, s’inscrivant dans un récit diaboliquement ludique, mais aussi thématiquement riche. À la fois anges jouisseurs et damnés sexuels, Esmera et Marcello traversent les époques condamnés par leur condition extraordinaire à n’être que les témoins passifs des brouhahas sociétaux. Mai 68, pour eux, tiendrait presque du mouvement conservateur… En avance perpétuelle sur leur époque, ils affichent une sexualité pour le moins avant-gardiste qui fait forcément peur ou fuir les différents amants auxquels ils s’attachent. De cette sexualité débridée naît finalement une forme de mélancolie qui confère à Esmera une véritable profondeur.
Extraits de planches © Vince & Zep – Glénat
En laborantin sexuel, Zep s’essaie même à la description des orgasmes masculins et, plus surprenant, féminins. Si on peut reprocher aux deux auteurs un point de vue essentiellement « mâle » (mais on ne se refait pas…), on leur saura gré d’avoir tenté, le temps d’une œuvre, de sortir la BD érotique du carcan spécialisé dans lequel elle est cantonnée. Esmera réussit à faire souffler un vent de fraîcheur sur l’univers de la BD et dans le même temps, au fil des pages, à faire sacrément grimper la température !
À réserver à un public averti
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Scénario Zep, dessin Vince
Parution le 25 novembre 2015 – 80 pages