Thriller médiatico-politico-financier d’une efficacité redoutable, L’Enquête nous replonge dans « les » affaires Clearstream, avec en vedettes Denis Robert, le juge Van Ruymbeke, un corbeau et deux têtes d’affiches politiques. Quand la réalité dépasse de loin la fiction !…
Parce qu’on lui reproche des avis partiaux et non étayés dans ses papiers sur la corruption des plus hautes sphères, le journaliste Denis Robert quitte le quotidien Libération. Il continue pourtant de s’intéresser aux « affaires » et est bientôt contacté par un informateur qui le met sur la piste d’une banque luxembourgeoise aussi puissante que discrète, Clearstream. En enquêtant sur les transferts d’argent opaques auxquels se livre cet établissement, Denis Robert va voir s’abattre sur lui plusieurs scandales politico-financiers. Il n’y aura définitivement pas « une », mais « des » affaires Clearstream.
La toute première qualité de L’Enquête, nouveau film de Vincent Garenq qui nous avait déjà gratifié du terrassant Présumé Coupable, est de rendre limpide une affaire tentaculaire. S’il opte bien évidemment pour le point de vue du journaliste Denis Robert, qui dès 1999 pointait du doigt les agissements de cette « chambre de compensation », le film montre comment le scandale des rétro-commissions des frégates vendues à Taïwan et l’affaire du corbeau qui mena à la rivalité politique entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin sont venues se greffer comme autant de couches nauséabondes et inextricables sur le « premier » dossier Clearstream. Le mérite en revient bien évidemment au réalisateur Vincent Garenq et à son coscénariste Stéphane Cabel, qui en détricotant tous ces événements et leurs enjeux, ont su bâtir un sublime thriller médiatico-politico-financier digne des meilleurs films de Costa Gavras.
L’efficacité de L’Enquête tient évidemment à son rythme effréné qui prend soin de ne jamais se séparer de sa dimension à la fois pédagogique et captivante. Elle tient aussi à son unité de temps. Si les événements dépeints dans le film se déroulent sur près de dix ans, le long métrage avance lui à vive allure, enchainant les révélations, les réussites, les échecs, passant avec une aisance surréaliste de la petite maison de Denis Robert coincé au fond des bois, aux bureaux d’un grand marchand d’armes français, en passant par les cours des tribunaux jusqu’au Palais de l’Élysée. Ici, pas de « six mois plus tard » ou « trois ans plus tôt », l’impression de précipitation avec laquelle se déroule toute l’action du film ne fait qu’ajouter à la pression paranoïaque qui s’abat sur Denis Robert. Pas de répit pour le journaliste, pas de répit pour le spectateur.
Il faut également mentionner la qualité de la distribution : Gilles Lellouche confère à Denis Robert toute son opiniâtreté, son assurance et en même temps la fragilité d’un père de famille dans la tourmente. Charles Berling est un juge Van Ruymbeke plus vrai que nature. Laurent Capelluto et Eric Naggar incarnent respectivement des Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin tout à fait représentatifs du cynisme et du capitalisme sauvage qui constituent notre société contemporaine.
Après avoir été assommé pendant près de 15 ans par Clearstream et tout ce qui en a découlé (les plaintes, les avocats, les huissiers, la récupération politique, le corbeau…), Denis Robert peut aujourd’hui prétendre à l’apaisement, au soulagement. Ses enquêtes n’auront pas été inutiles, elles se seront même transformées en formidables œuvres de fiction (la BD hier, le film aujourd’hui). Et le plus paradoxal dans tout ça est de constater que L’Enquête, produit par Christophe Rossignon et Nord-Ouest Productions (déjà responsables de Présumé Coupable), a reçu des financements du Grand-Duché Luxembourgeois. Jouissif, non ?
L’Enquête, un film de Vincent Garenq avec Gilles Lellouche, Charles Berling, Laurent Capelluto, Florence Loiret Caille, Éric Naggar.
Sortie en salles le 11 février.
Découvrez la bande-annonce de L’Enquête :