Critique

Toutes les vagues de l’océan, raz-de-marée noir !

27 janvier 2015
Par Gauthier
Toutes les vagues de l’océan, raz-de-marée noir !
©DC

Fils d’une figure mythique de la résistance communiste espagnole, Gonzalo Gil n’a semble-t-il pas hérité du caractère de son géniteur. Mais le suicide de sa sœur, suspectée d’avoir tué un mafieux russe, va bouleverser son existence, menaçant l’équilibre très précaire de sa famille, l’entraîner vers le danger et surtout fouiller dans son passé, pour découvrir qui était réellement son père.

« Être un communiste non soviétique est suspect, même dans l’Union des républiques socialistes soviétiques. »

Barcelone, 2002. Gonzalo Gil, avocat sans grande envergure, va apprendre une nouvelle qui va faire basculer sa vie. Laura, sa sœur avec qui il n’avait plus aucun contact, s’est suicidée. Inspectrice enquêtant sur la mafia, elle était aussi la principale suspecte du meurtre de Zinoviev, un truand russe et assassin de son jeune fils. Contacté par un informateur de sa sœur, Gonzalo va devoir choisir entre protéger sa vie de famille, déjà déliquescente, et faire la lumière sur cette affaire, replongeant ainsi dans le passé familial où plane l’ombre omniprésente de son père, Elias, figure mythique de la résistance communiste en Espagne.

Révélé par La Tristesse du samouraï, prix du polar européen en 2012, Víctor del Árbol nous propose un nouveau roman captivant, intelligent et d’une grande noirceur. Entremêlant avec brio intrigue et roman social, l’auteur nous promène avec Toutes les vagues de l’océan dans une Espagne contemporaine où les stigmates de la dictature franquiste subsistent, mais aussi dans la Russie Stalinienne jusqu’à Nazino, « l’île aux cannibales », un des pires épisodes de histoire soviétique.

Une des grandes forces de ce livre est sans conteste les personnages qui le peuplent. Ils sont nombreux, mais chacun a son propre profil psychologique, soigné, fouillé. Gonzalo Gil est un homme banal au premier abord, pratiquant une profession qui ne le passionne pas, une famille au bord de l’implosion, il a tout du profil démissionnaire, mais va se battre malgré tout. Alcázar, policier ayant servi sous Franco, mangeant à plusieurs râteliers, mais gardant malgré tout une certaine ligne de conduite. Siaka, jeune Zimbabwéen, ancien enfant soldat, prostitué et homme de main de la mafia. Et que dire d’Eliás Gil, jeune communiste convaincu en arrivant dans la Russie de 1933, et dont les déboires vont le marquer à jamais, tout comme sa famille sur plusieurs générations ! Le risque étant de s’y perdre un peu parmi tous ces gens qui se croisent et se recroisent au fil du texte, mais on s’y fait plutôt bien au final, chacun apportant une contribution forte, donnant au roman toute son ampleur.

L’autre force est l’alternance des époques, révélant progressivement les zones d’ombre. D’un chapitre à l’autre, on suit les intrigues concernant Gonzalo Gil et ses contemporains à Barcelone en 2002, mais aussi le destin d’Eliás Gil, son père, partir servir la révolution russe dans les années 30, sa déportation à Nazino, où il fera la rencontre d’Irina, dont il tombera amoureux, et du cruel Igor Stern, et des évènements qui les marquèrent à jamais, ainsi que leurs descendants. Víctor del Árbol dépeint une véritable fresque noire d’une des pires périodes de l’humanité, où l’espoir n’est qu’une flamme vacillante, où la morale n’est qu’une illusion, où la postérité n’est au final que ce que l’on veut bien laisser paraître.

Troublant, captivant, implacable, Toutes les vagues de l’océan n’est clairement pas le roman à lire pour vous remonter le moral, mais pourtant, tout à une logique, rien n’est gratuit, si ce n’est le plaisir à le lire. Víctor del Árbol n’a rien à envier des grands noms du roman noir !

Toutes les vagues de l’océan, Víctor del Árbol (Actes Sud – Actes Noirs) sur Fnac.com

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Article rédigé par
Gauthier
Gauthier
libraire spécialisé Fantasy et Science-fiction à Fnac Parly 2
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