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La Ballade de Pern, une mélopée aux intonations entêtantes

17 septembre 2014
Par Gauthier
La Ballade de Pern, une mélopée aux intonations entêtantes
©DC

Sur Pern, seuls les chevaliers dragons sont capable de protéger la population des Fils. Mais cette menace est loin d’être la seule, car le principal ennemi de l’Homme reste encore lui-même. Plongez dans ce classique de la science fantasy, où les destins s’entrecroisent pour le pire, mais aussi pour le meilleur, dans un monde ou l’humanité a régressé à un niveau proche de notre moyen-âge.

Des colons humains ont colonisés Pern, planète isolée, pour développer une civilisation moins dépendante de la technologie. Mais l’astre subit une perturbation cyclique, les chutes des Fils, forme de vie primitive dévorant toute substance organique, qui surviennent environ tous les deux cent cinquante ans, et qui durent un demi-siècle. Une seule protection efficace, les dragons et leurs maîtres, qui anéantissent par le feu la menace. Mais dans une société revenue à un système féodal, les tensions sont nombreuses entre les seigneurs, les guildes et les chevaliers-dragons, or seule la coopération peut permettre d’éviter le désastre.

La Ballade de Pern est un des cycles majeurs de la Science-fantasy, qui mélangent les codes de la Science-fiction et de la Fantasy, avec La Romance de Ténébreuse, de Marion Zimmer Bradley et Terre mourante, de Jack Vance. Ecrite entre 1968 et 2009 par Anne McCaffrey, cette saga se distingue de nombre de ces consœurs par une intrigue non-linéaire. Plutôt que de suivre les aventures d’un héros ou d’un groupe de personnages sur une période donnée, l’auteur a choisi de faire vivre son univers en publiant des romans qui se suffisent en eux-mêmes, qui ont chacun leurs intrigues, tout en s’inscrivant dans la lutte des humains, et dragons, contre les Fils. De fait, les romans se situent parfois à des époques très éloignées, puisqu’ils couvrent une période d’environs 2600 ans, depuis la colonisation jusqu’au neuvième « Passage » des Fils, époque où sont situés la grande majorité des romans, dont les premiers publiés.

Cette configuration atypique donne toute la richesse et la cohérence de cet univers. Car depuis la colonisation de Pern jusqu’aux derniers romans dans l’ordre chronologique, le lecteur assiste à la lente mais irrémédiable transformation de la société, de la régression technologique, de la perte des savoirs, voire de pans entiers de l’histoire de la planète, faute de supports pérennes, de l’émergence de nouvelles traditions, de nouveaux modes d’organisation pour remplacer au mieux ce qui a été perdu. Nous nous retrouvons dans un système politique complètement moyenâgeux, avec des territoires dominés par des seigneurs héréditaires, à la tête de vastes domaines exploités par leurs féaux. Ces mêmes seigneurs sont vassaux d’un Weyr, forteresse repaire de chevaliers-dragons qui en échange d’une dîme, les protègent des Fils, et des guildes, indépendantes, regroupant toute sorte de profession, des soigneurs, éleveurs, pêcheurs, forgerons jusqu’aux harpistes, détenteurs du savoir. Comme les personnages de cette saga sont nombreux et d’origines diverses, chaque couche de cette société est explorée, jusqu’aux criminels.

Un autre aspect important de cet univers, ce sont bien évidemment les dragons. Anne McCaffrey s’est complètement approprié cette figure mythologique, lui donnant des origines et caractéristiques propres. En effet, cette créature est le fruit d’une manipulation génétique effectuée par les premiers colons sur des animaux originaires de Pern, les lézards de feu, qui sont généralement de la taille d’un rapace et doué d’un lien empathique fort. De fait, les dragons sont bien plus grands que leurs ancêtres, pouvant transporter jusqu’à une demi-douzaine d’humains pour les plus imposant, peuvent se téléporter via l’Interstice, un espace de vide et froid, et même se déplacer dans le temps par le même biais. Enfin, ils ne crachent pas de feu naturellement, ils doivent ingérer des pierres de feu, qui grâce à une réaction chimique, produit un gaz qui s’enflammera au contact de l’oxygène. Ils sont complètement dévoués à un humain qu’ils choisissent à l’éclosion de leur œuf, et un lien très fort uni les deux êtres. Si fort que lorsque son maître meurt, le dragon se suicidera dans l’Interstice, et si c’est le dragon qui décède, son maître ressent une telle perte qu’il se suicidera la plupart du temps également.

La Ballade de Pern

Enfin, autre caractéristique importante de ce cycle, c’est la part donné par Anne McCaffrey aux émotions et aux sentiments conférant à sa saga une aura particulière, peut-être moins épique que la Fantasy plus traditionnelle, mais s’attachant plus profondément à la psychologie des personnages. Elle apporte une certaine touche féminine à un genre qui à l’époque était l’apanage d’auteurs masculins, sans toutefois verser dans l’excès. De plus, il faut souligner la qualité de l’écriture et du rythme, qui donne toute son amplitude à l’œuvre, et rend difficile toute tentative du lecteur de poser le livre avant la fin. Anne McCaffrey est d’ailleurs la première femme à recevoir en 1968 un prix Hugo (pour Le Vol du dragon).

La Ballade de Pern est sans conteste une œuvre majeure de la littérature de l’imaginaire, à lire et à relire sans retenue. A noter que l’édition en intégrale chez Pocket ne correspond pas réellement à la chronologie du cycle, et je conseille vivement à ceux qui découvrent cette œuvre de laisser de côté le deuxième roman du premier recueil (Les Dauphins de Pern), ainsi que le troisième de l’intégrale deux (Les renégats de Pern) pour les lire après le quatrième tome des intégrales, afin de mieux en apprécier leur saveur. 

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Article rédigé par
Gauthier
Gauthier
libraire spécialisé Fantasy et Science-fiction à Fnac Parly 2
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