Critique

Alt-J et le trauma du 2ème album

11 septembre 2014
Par Gaël
Alt-J et le trauma du 2ème album

Rassurons nous tout de suite, les petits gars de Leeds ont évité avec brio la plantade magistrale du « toujours difficile 2nd album ». À vrai dire à l’écoute du disque on est presque tenté de penser qu’ils ont enregistré et loupé le 2nd disque chez eux, bien au chaud, et qu’ils nous délivrent directement le troisième ! En effet pas de redondances boursouflées comme c’est (relativement) souvent le cas dans cette situation, pas de délire franchement excessif simplement pour se démarquer…

Alt-J - Credit Laura CoulsonRassurons nous tout de suite, les petits gars de Leeds ont évité avec brio la plantade magistrale du « toujours difficile 2nd album ». À vrai dire à l’écoute du disque d’Alt-J, on est presque tenté de penser qu’ils ont enregistré et loupé le 2nd disque chez eux, bien au chaud, et qu’ils nous délivrent directement le troisième ! En effet pas de redondances boursouflées comme c’est (relativement) souvent le cas dans cette situation, pas de délire franchement excessif simplement pour se démarquer…

A contrario il est clair aussi que la délicieuse imprédictibilité schizophrénique du premier disque est ici mise de côté la plupart du temps. Pour plus de maîtrise certes, mais peut-être aussi moins d’envie, après le départ du bassiste Gwil Sainsbury début 2014 pour raisons personnelles.

This Is All Yours débute avec des harmonies vocales qui dévient lentement mais sûrement vers des contrées limites dubstep pour finir dans un trip néo psychédélique qui aurait mérité d’être un peu plus étoffé. Un peu plus de folie là dedans eut été particulièrement appréciable mais peut-être délicat à encaisser d’emblée. Disons que la solution du juste milieu a été adoptée, ce qui n’est pas forcément un mal.

L’album s’enchaine avec des petits arpèges délicats de guitare accompagnés d’un piano très sobre pour le morceau Arrival In Nara. Puis un peu avant les 2 mn une voix susurrée débarque, non sans rappeler un Robert Plant qui nous conterait à l’oreille des histoires de fées et d’elfes… Voilà un morceau incroyablement relaxant que les chœurs clôturent très sobrement. Le triptyque autour de Nara (une ville japonaise proche de Kyoto) continue avec la chanson Nara, trip assez bizarre voir franchement déstructuré malgré quelques points de repères récurrents. Assez étrange, le genre de chanson qui demande du temps pour bien l’intégrer mais qui, on le sent bien, cache des merveilles dans ses méandres. Le morceau suivant est le troisième single extrait de l’album, Every Other Freckle, avec des paroles quelques peu bizarres aussi.

« I want to turn you inside out and lick you like a crisp packet »

Drôle de compliment dans cette chanson qui n’est pas foncièrement inintéressante mais dont le clip contient un peu trop d’images de chats qui sautent pour être honnête. Ici la version Homme, pour les filles donc (galanterie tordue), la version Femme, pour les hommes donc, existe aussi…

 

Left Hand Free est nettement plus efficace, avec ses faux airs de Black Keys qui auraient un peu trop forcé sur la ligne de basse. Du bon vieux blues-rock-soul qui fait plaisir, comme c’est la mode ces temps-ci entre Benjamin Booker et autres Royal Blood. Très efficace, puis il faut bien avouer qu’une bonne grosse guitare électrique commençait à sérieusement manquer au paysage de cet album. Avec un clip façon colonies de vacances en bonus !

 

Après un interlude en mode musique de chambre avec Garden Of England, les choses sérieuses reprennent avec Choice Of Kingdom et ses nappes de claviers, ses percussions sourdes et ses harmonies vocales délicates. Un écho à la piste 2 Arrival In Nara, tout aussi relaxant. Mais voici qu’arrive le morceau de gloire de l’album, qui était aussi le premier single (pas de mystère…), Hunger Of The Pine. Sans doute un des morceaux les plus forts de toute la carrière d’Alt-J, ce titre écrit durant les heures sombres qui ont suivi le départ du bassiste Gwil Sainsbury est une merveille. Les beats entêtants relevés par les saillies de saxophone, le sample de Miley Cyrus fonctionnant à merveille (« I’m a female rebel« ) donnent à cette chanson quelque chose d’épique. Les paroles envisageant le manque d’un être cher sous l’angle de la souffrance physique sont assez fortes aussi, le tout constitue un clip franchement très réussi !

  

Pour ceux qui se poseraient la question légitime, de savoir ce qu’ils disent en français vers la fin de la chanson, voici la réponse :

« Une immense espérance a traversé la terre… » Alfred De Musset, dans L’Espoir En Dieu.

Nous avons donc affaire à des lettrés. C’est plutôt agréable pour le coup, et ça ne fait que rehausser l’intérêt pour cette chanson qui est clairement la clé de voûte de cet album.

Warm Foothills revient quand à elle à quelque chose de plus posé, c’est sans doute aussi bien, la digestion du morceau d’avant n’en étant que facilitée. Chœurs sobres, arpèges de guitare, timbre féminin qui double la voix de Joe Newman, petits sifflements à mi parcours et duo vocal jusqu’au bout avec les cordes qui rentrent en scène. Du beau boulot pour un des meilleurs morceaux de l’album à n’en pas douter… 

Nous arrivons doucement vers la fin de cet album, mais signalons toutefois l’avant dernier morceau Bloodflood Pt II avec ses cordes, l’intervention d’un cor et de plein de petits sons étranges qui collent parfaitement à l’ambiance. D’autre part on peut entendre distinctement le chanteur déclamer calmement « assassin de la police » au début du morceau (1:19)… Qui eut cru qu’Alt-J paierait son hommage à Suprême NTM et à Cut Killer en 2014 ?

Et enfin, pour conclure le tout, le cycle de Nara se termine avec Leaving Nara, onirique à souhait sur fond de petits beats déstructurés…

À l’heure du bilan, que dire ? Un bon album à coup sûr, mais été écrit pendant la tournée intensive qui a suivi le triomphal premier album. Dans ce genre de situation le groupe a souvent envie de se démarquer de ce qui a été fait précédemment, et de ce qu’ils jouent tous les soirs pendant des mois. Ne pas oublier cette vision des choses. Le morceau composé tranquillement, après la tempête, s’avère être le meilleur de l’album (Hunger Of The Pine), d’assez loin. Ces garçons ont besoin de laisser mûrir un peu ce qui leur passe par la tête, et en attendant la suite qui devrait être exaltante ne boudons pas notre plaisir à l’écoute de ce 2ème album. À (toujours) surveiller de très près !

Crédit photo : Laura Coulson

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Article rédigé par
Gaël
Gaël
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