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Certaines n’avaient jamais vu la mer : chroniques de l’exil

21 juin 2013
Par Sandrine
Certaines n’avaient jamais vu la mer : chroniques de l’exil
©DR

En 1919, un bateau quitte le Japon avec à son bord des dizaines de jeunes filles qui s’exilent pour aller épouser des japonais immigrés en Californie. C’est à San Francisco qu’elles rencontreront pour la première fois leurs maris dont elles n’ont qu’une photo et dont elles ne connaissent que le nom.
A partir de ce point de départ, le roman de Julie Otsuka raconte la nouvelle vie de ces femmes et leur combat pour s’adapter à ce nouveau pays qui les rejette. Ainsi que leur quotidien difficile.

Julie Otsuka est une écrivain américaine d’origine japonaise. Son deuxième roman, Certaines n’avaient jamais vu la mer, paru chez Phébus pour la rentrée littéraire lui a valu le prix Femina étranger en 2012. Il s’inspire de la vie d’une vague d’immigrants japonais arrivés en Californie peu avant 1920.

Julie Otsuka s’intéresse particulièrement à l’histoire de ces dizaines de femmes qui ont quitté le Japon pour les Etats-Unis où elles vont rencontrer pour la première fois leurs futurs maris dont elles ne savent rien et dont elles n’ont qu’une photo. Certaines n’avaient jamais vu la mer est un roman choral dans lequel Julie Otsuka donne la parole à ces femmes anonymes. Elle raconte l’exil, la résignation, leurs journées de travail et le quotidien de ces femmes d’immigrés dans un pays dont elles ne comprennent pas la langue. Elle raconte aussi leur première rencontre avec celui dont elles ont tant rêvé, leur nuit de noce, leur vie de femme et puis plus tard, la naissance des enfants. Aussi la relation de ces immigrés avec les blancs et les humiliations subies qui vont encore s’aggraver avec la Seconde Guerre mondiale : Après l’attaque de Pearl Harbor, les japonais vivant en Amérique seront alors considérés comme des traîtres par le gouvernement US. Les derniers chapitres abordent la convocation et le départ de ces immigrés pour les camps d’internement où seront déportés des milliers de citoyens américains d’origine japonaise jusqu’à la fin de la guerre. Certaines n’avaient jamais vu la mer se termine là où commençait le premier roman déjà très remarqué de Julie Otsuka. Dans Quand l’empereur était un dieu, publié en 2004 et encensé par la critique, l’auteur avait puisé dans l’histoire de ses grands parents pour dénoncer cette page oubliée de l’histoire.

Au premier abord, la narration d’Otsuka peut déstabiliser les lecteurs. En fait son écriture met en exergue le côté thématique et non linéaire de la narration. Une fois habitués on découvre que chaque chapitre est consacré à l’une des facettes de la vie ces femmes. Tous ces témoignages se confondent alors en une seule voix, puissante et résignée. Grâce à cela, l’auteur instaure une certaine distance entre le lecteur et les héroïnes de son roman et renforce avec intensité le sentiment d’injustice et de deshumanisation de ces femmes déracinées. Avec des phrases courtes pour décrire la dureté de leur quotidien, Julie Otsuka donne une force émouvante à cette litanie qui s’élève comme une incantation pour exorciser les peines et les espoirs déçus. Car malgré les obstacles et les peurs, toutes ces femmes ont continué à avancer avec détermination et l’on devine entre les lignes la solidarité qui les a unies.

Tel un haïku, le résultat est troublant mais intense et majestueux.

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Sandrine
Sandrine
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