Le génial acteur britannique à la carrière en pleine effervescence depuis des années joue dans la minisérie Gaslit. Il interprète un jeune conseiller juridique dévoré par l’ambition et happé tout entier dans l’un des plus grands scandales politico-médiatiques de l’histoire contemporaine. Rencontre.
En 1972, à Washington, un commando officieux d’hommes de main du parti Républicain tente de mettre sur écoute le parti Démocrate. Et Richard Nixon devra finalement démissionner de sa présidence. Avant Gaslit, que représentait le Watergate pour vous ?
C’est un événement très américain, mais aussi mondial. C’est l’un des premiers gros scandales médiatisés. Les conséquences ont été monumentales. Le Watergate mêle la politique et l’espionnage, et a mis un terme à une présidence ! Depuis, tous les gros scandales portent le suffixe “-gate”. Ma connaissance de l’événement se résumait au film Les Hommes du président et aux journalistes qui ont révélé l’affaire, avec l’angle de l’investigation. Je ne savais rien des personnes impliquées dans le scandale, dans le complot. Il y a un grand nombre d’histoires et de fils liés à l’affaire dont plein de personnes n’avaient jamais entendu parler… Elle a des décennies, mais elle est encore pleine de secrets pour beaucoup d’entre nous.
Comme Martha Mitchell, jouée par Julia Roberts, séquestrée par son propre mari…
Tout à fait. C’est dingue. Elle a été la première à vouloir révéler la vérité à propos du Watergate. À l’époque, c’était une personnalité très médiatique, franche et grande gueule. Elle divertissait beaucoup de monde ! Ceux qui se souviennent de cette époque se rappellent parfaitement d’elle. Elle avait une voix, et c’était inhabituel à cette époque pour la femme d’une personne haut placée à Washington. Elle exprimait haut et fort ses opinions. Et elle a été difficile à faire taire ! Ils ont pourtant tout fait pour.
Dans certaines scènes, comme les interrogatoires au QG du parti Républicain, la joie et le plaisir que vous ressentez à porter votre personnage avec malice transparaissent sincèrement. En quoi vous sentez-vous proche et éloigné de John Dean ?
C’est toujours intéressant de traiter le thème de l’ambition et la manière dont elle se caractérise d’un personnage à l’autre. Bien sûr, j’ai moi-même de l’ambition, mais c’est important de savoir la calibrer de temps en temps. De reconnaître quand c’est une bonne chose et quand ça ne l’est pas. John a perdu de vue le sens des réalités. Il a été aveuglé par elle. Il avait des rêves, puis il a été complètement englué dans l’affaire… Il y a des leçons intéressantes à en tirer.
Lesquelles ?
Il est toujours temps de bien agir, et il n’est jamais trop tard. Comme Martha Mitchell, il faut savoir confronter le pouvoir à la vérité. Même quand ce n’est pas populaire. Ce sont des démarches qu’il faut préserver, comme la liberté de la presse. Et il faut condamner ceux qui sont au pouvoir quand ils enfreignent la loi.
Sean Penn est méconnaissable. Comment avez-vous vécu le fait de travailler face à un acteur culte comme lui ?
C’était une formidable transformation. D’une certaine manière, ça m’a aidé ! Parce qu’une part de moi se disait : ”Ce n’est pas Sean Penn ! C’est juste John Mitchell, son personnage, et on joue une scène.” Parfois, il enlevait le maquillage quand la caméra n’était plus que sur moi et là, c’était bien Sean Penn face à moi… Mon Dieu !
Dans la série, votre personnage conduit une Porsche des années 1970 couleur moutarde, rugissante et flamboyante. Ça fait quoi de conduire une telle voiture ?
C’est une bonne question ! J’ai appris à conduire des voitures manuelles au Royaume-Uni. Mais ça faisait longtemps que je n’en avais pas eu une en main. Et ces voitures des années 1970 sont rigides ! Il faut faire de grands mouvements appuyés pour embrayer, changer de vitesse, braquer. Ça a l’air cool de l’extérieur… Mais ce qui se passe à l’intérieur l’est moins ! On sent bien la voiture et elle est sacrément belle, oui.
Pourquoi les États-Unis aiment-ils autant les acteurs britanniques ?
Ah bon ? Vous pensez qu’ils nous aiment ?
Oui ! Aujourd’hui, il y a un·e acteur·rice britannique dans chaque bonne série. Que pensez-vous apporter outre-Atlantique, avec vos compatriotes d’outre-Manche ?
Nous avons tous nos singularités. Mais je pense que beaucoup d’entre nous ont commencé au théâtre. C’est moins le cas aux États-Unis, où ils arrivent directement en télévision, au cinéma. Ils n’ont pas l’esprit de troupe. Les connaissances liées à ces dynamiques de groupe sont importantes pour reconnaître les apports de chacun, quel que soit le côté de la caméra ou de la scène où l’on se trouve. Les acteurs peuvent avoir un certain ego et c’est important de se rappeler que nous sommes toujours tous un rouage dans une grande équipe.
Votre filmographie est intimement liée à l’histoire, à la pop culture, et à une imbrication des deux : vous jouez dans Le Cinquième Pouvoir sur Wikileaks, votre rôle de Charles Dickens dans le film éponyme, celui de Sir Lancelot Du Lac dans La Nuit au musée 3, vous êtes le protagoniste dans Legion issu de l’univers de Marvel, vous jouez dans L’Appel de la forêt, adapté de Jack London, dans Raison et sentiments tiré de Jane Austen… Est-ce le hasard ou des choix actifs de votre part ?
Je n’y avais jamais pensé de cette façon. C’est une vision intéressante ! Je pense qu’avec les adaptations de romans et les grandes histoires qui existent déjà, on sait qu’on s’implique dans un projet fort.
Dernière question, non des moindres… Peut-on parler de la mort soudaine de Matthew, votre personnage d’une grande importance et très apprécié, dans Downton Abbey ? C’était un choc !
Pour moi aussi ! Au Royaume-Uni, l’épisode a été diffusé le jour de Noël. Et ça a été un triste Noël pour de nombreux Britanniques.
Gaslit, à partir du 24 avril sur StarzPlay