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Implant Neuralink, ou l’ambition folle d’Elon Musk d’augmenter les capacités de l’Homme

19 février 2022
Par Kesso Diallo
Neuralink, la start-up qui veut tester son implant sur des humains en 2022.
Neuralink, la start-up qui veut tester son implant sur des humains en 2022. ©Shutterstock

Après avoir testé son dispositif sur des animaux, la start-up créée par Elon Musk se prépare à réaliser des essais sur les humains dans le but d’aider les personnes malades pour, ensuite, proposer son dispositif aux sujets sains.

En décembre dernier, à l’occasion du sommet du Conseil des PDG du Wall Street Journal, Elon Musk s’est exprimé sur les projets de Neuralink pour 2022. Fondée en 2016 par l’homme d’affaires, cette entreprise dédiée aux neurotechnologies conçoit un implant neuronal censé permettre la communication entre le cerveau et un ordinateur ou un appareil numérique. Autrement dit, il s’agira là d’une interface cerveau-ordinateur qui devrait avoir diverses applications. Pour commencer, l’entreprise souhaite développer ce dispositif pour des personnes paralysées. Elle a pour premier objectif de les aider à retrouver leur autonomie, en contrôlant un ordinateur ou un appareil numérique.

Neuralink a déjà testé sa technologie sur des animaux. En 2021, elle a d’ailleurs publié une vidéo dans laquelle un singe équipé de l’implant était capable de jouer au jeu vidéo Pong par la pensée. « Nous espérons avoir cela chez nos premiers humains, qui seront des personnes atteintes de graves lésions de la moelle épinière », déclarait alors Elon Musk. L’entreprise veut désormais tester son dispositif sur l’homme et ce, dès cette année.

De premières implantations en 2022 ?

Depuis décembre, les ambitions d’Elon Musk ont été confirmées par Neuralink. La start-up cherche actuellement à recruter un directeur des essais cliniques. Une offre d’emploi publiée en janvier précise que le futur employé travaillera « avec les premiers participants aux essais cliniques de Neuralink ». Cependant, ce n’est pas parce que la société se prépare à réaliser des essais sur les humains qu’elle pourra forcément y parvenir cette année. Pour cela, elle doit encore obtenir l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA), l’organisme américain chargé d’autoriser la commercialisation des médicaments aux États-Unis. Elon Musk a d’ailleurs affirmé que les « normes d’implantation du dispositif sont considérablement plus élevées que ce que la FDA exige ».

Pourtant, un nouvel obstacle pourrait se dresser sur la route de Neuralink. Le 10 février, le Physicians Committee for Responsible Medicine (Comité des médecins pour une médecine responsable) a déposé une plainte contre l’Université de Californie à Davis (UC Davis), qui a été financée par l’entreprise pour mener des expériences sur les singes. Composée de 17 000 médecins, l’organisation à but non lucratif accuse l’université et Neuralink d’avoir causé la mort de plusieurs de ces animaux. Pour la plupart, des parties de leur crâne auraient été retirées afin d’implanter des électrodes dans leur cerveau dans le cadre du développement de l’interface cerveau-machine. Par ailleurs, l’UC Davis et la firme d’Elon Musk n’auraient pas fourni les soins vétérinaires adéquats aux singes mourants et auraient utilisé une substance non approuvée ayant provoqué leur mort en détruisant des parties de leur cerveau. Selon les informations de Business Insider, seulement 7 singes sur les 23 ont survécu et ont été transférés dans les locaux de Neuralink en 2020.

Pager, un des singes ayant survécu aux expériences et capable de jouer au Pong par la pensée.

La start-up a réagi en affirmant que « ces accusations émanent de personnes qui s’opposent à toute utilisation d’animaux dans la recherche », tout en rappelant qu’il est obligatoire de tester les dispositifs médicaux et traitements sur des animaux avant de mener des essais sur les humains. Dans son communiqué, elle explique en outre que les opérations ont, entre autres, été réalisées sur des singes « en procédure terminale ». Ils étaient ainsi sur le point d’être euthanasiés à cause de mauvaises conditions de santé préexistantes aux expériences de Neuralink.

Des applications potentielles pour les personnes malades

Si Neuralink va d’abord se concentrer sur les personnes tétraplégiques, en cherchant à leur redonner de l’autonomie, l’entreprise ambitionne d’aller plus loin. Elle souhaite, à terme, leur permettre de remarcher. « Je pense que nous avons une chance, je souligne, une chance, de pouvoir permettre à quelqu’un qui ne peut pas marcher ou utiliser ses bras de pouvoir marcher à nouveau », avait déclaré Elon Musk en décembre. Une ambition qui ne sera pas simple à tenir. « Marcher, c’est extrêmement compliqué, ça ne repose pas uniquement sur l’interface cerveau-machine, mais aussi sur les exosquelettes, sur de la robotique qui est encore loin d’être au point et qui est aussi très compliquée à contrôler », explique Perrine Seguin, médecin en rééducation et doctorante dans le domaine des interfaces cerveau- machine. Elle considère en outre que ces dispositifs ne sont pas encore assez avancés pour faire mieux que les moyens dont disposent les tétraplégiques actuellement et qui peuvent, par exemple, contrôler des choses avec la commande vocale.

Concernant l’objectif initial de Neuralink, la doctorante estime que l’implant qu’elle souhaite développer serait surtout bénéfique aux personnes atteintes du syndrome d’enfermement, qui sont mises à tort dans la catégorie des tétraplégiques par certains. Étant totalement conscients, mais incapables de bouger ni parler, ils sont uniquement capables de communiquer avec leurs yeux.

Un implant pour aider les personnes malades.©JLStock / Neuralink

La société d’Elon Musk espère également parvenir à traiter des troubles neurologiques tels que la dépression et l’anxiété avec son dispositif dans les années à venir, mais cette application est, de même, très loin d’être réalisable. « Le cerveau est l’un des systèmes les plus complexes et les plus mystérieux que nous connaissions. Si l’on veut éviter de jouer les apprentis sorciers, parler de le stimuler pour guérir une maladie, modifier un comportement, nécessite de nombreuses études qui prendront encore beaucoup de temps, s’appuyant sur des hypothèses solides et des tests très contrôlés », indique Jérémie Mattout, chargé de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Pour Perrine Seguin, le petit appareil de Neuralink ne permettra pas de soigner ces pathologies qui sont très diffuses dans le cerveau étant donné que celui-ci serait implanté dans quelques millimètres de cortex alors que le cerveau comprend des milliards de neurones et de connexions. « Ils présentent ça comme si on allait appuyer sur un petit bouton dans le cerveau et que ça allait résoudre des pathologies étant de l’ordre mental. Mais, tout le cerveau est construit de manière différente, donc ce n’est pas mettant un petit implant qu’on peut changer ça ».

Un futur implant pour les personnes en bonne santé

Neuralink n’ambitionne pas seulement de construire un implant pour les personnes malades. L’entreprise a en effet pour objectif – à long terme – de créer des interfaces cerveau-ordinateur « suffisamment sûres et puissantes » pour que les personnes en bonne santé désirent en être équipées. Parmi les applications envisagées, Elon Musk avait évoqué sur Twitter en 2020 qu’il serait possible d’écouter de la musique directement à partir des implants.

Pour le moment, de telles applications relèvent plus de la science-fiction que de la réalité. « Quand il évoque des choses comme la symbiose avec l’intelligence artificielle ou d’étendre les capacités de mémoire, on est vraiment dans le fantasme, dans la science-fiction, comme dans la série Black Mirror. Il y a des questions techniques et scientifiques énormes à relever avant de pouvoir faire cela, en admettant que ce soit possible », déclare Jérémie Mattout. Il précise d’ailleurs que cela soulève aussi des questions bioéthiques importantes, tout comme les neurotechnologies de manière générale. Et ce n’est pas seulement la communauté scientifique qui s’en inquiète : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a ainsi publié une série de recommandations sur « l’innovation responsable dans le domaine des neurotechnologies » en 2019. Elle préconise d’encourager la recherche sur les dimensions éthique, juridique et sociétale ou encore d’anticiper et de promouvoir la mise en place de mécanismes pour anticiper et éviter les usages et impacts potentiellement nuisibles mais non intentionnels.

La question des risques encourus avec les implants est en outre à prendre en compte : « est-ce que vous iriez voir un neurochirurgien afin de vous faire implanter une puce pour pouvoir écouter de la musique dans votre cerveau si on vous explique bien qu’il y a des risques d’infection, des risques d’hémorragie ? », s’interroge Perrine Seguin. Elle indique également que le dispositif aura besoin d’être changé régulièrement car il est abîmé, ce qui détériore aussi la zone du cortex où il est installé à cause d’une inflammation réactionnelle. Autrement dit, le nouveau dispositif serait à poser dans une autre zone qui finirait, elle aussi, par être endommagée. La doctorante estime qu’il n’y a aucun intérêt pour un sujet sain actuellement et que même si cela se manifeste plus tard, il sera quand nécessaire de vérifier les éventuels effets négatifs.

L’implant de Neuralink est ainsi un appareil avec plusieurs bénéfices potentiels pour les personnes malades et en bonne santé, mais il comprend également des risques. Le problème étant que cette balance bénéfices-risques est encore à évaluer et que les recherches nécessitent beaucoup de temps. Raison pour laquelle des essais sont indispensables, mais il reste déjà à voir si l’entreprise va pouvoir – comme elle le projette – réaliser les premières implantations sur des humains cette année.

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Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste
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