À l’époque de la sortie du premier Avatar, les étoiles se sont alignées pour James Cameron. Quinze ans plus tard, l’exploit semble compliqué à réitérer. Retour sur une licence qui a traversé les crises du cinéma américain.
Le 17 décembre, Avatar : De Feu et de Cendres de James Cameron est venu conclure une saga hors normes entamée il y a plus de quinze ans. Projet pharaonique, le premier Avatar a coûté très cher à produire, mais rapporté infiniment plus que sa mise, en devenant le premier film à amasser plus de deux milliards de dollars au box-office. Mais en 2025, les budgets ont explosé, les recettes cinématographiques se sont émoussées, et la saga de Pandora ressemble de plus en plus à une anomalie complète dans une industrie en pleine crise. Une anomalie qui pourrait ne pas durer.
Un film qui n’aurait pas dû exister
Même pour James Cameron, le projet Avatar est un miracle. Écrite en 1994, la première version du projet se heurte aux limitations techniques de son époque et au scepticisme des producteurs. Une nouvelle franchise de science-fiction avec un usage massif des images de synthèses et un message anti-colonial et écologique : le pari est extrêmement risqué, même après le triomphe international de Titanic en 1997, qui fait de Cameron le réalisateur le plus bankable du monde.
De plus, ce dernier va s’empêtrer tout au long des années 2000 dans l’interminable production de l’adaptation live du manga Gunnm, qui sera finalement confiée à Robert Rodriguez des années plus tard.
Et paradoxalement, les studios sont majoritairement frileux à l’idée de travailler avec un Cameron réputé mauvais gestionnaire et accumulant les retards et les dépassements de budget.

Ce dernier relance néanmoins le projet au milieu des années 2000, en misant énormément sur un nouveau script, les progrès de la technique, des caméras 3D et de l’animation en CGI. Le montage financier reste extrêmement compliqué, impliquant notamment une longue phase de tractation entre la Fox (productrice du film) et Disney (qui souhaitait monter le projet si la Fox l’abandonnait), mais Avatar finit par entrer en production mi-2007… Et accusera plus d’un an de retard, ne sortant qu’à la toute fin 2009. Les producteurs méfiants ne s’y étaient pas trompés : Cameron a pulvérisé le budget initialement prévu. Mais ce film à 237 millions de dollars (du jamais-vu alors) sera aussi un triomphe monumental qui va rapporter plus de dix fois sa mise initiale.
De l’ère des films milliardaires au déclin d’Hollywood
Si quelques films (dont Titanic) avaient alors timidement approché, voire légèrement franchi la barre du milliard de dollars de recettes, Avatar est le premier à doubler ce nombre pharaonique. Il faut dire qu’outre son intrigue (souvent considérée comme le point faible du film), il affiche des arguments spectaculaires : un monde entier modélisé en images numériques, des acteurs bénéficiant de techniques de motion capture révolutionnaires, et une version 3D qui restera pour longtemps une référence en la matière.

Avatar sonne le début d’une décennie dans laquelle les studios hollywoodiens vont surinvestir le genre du film d’action spectaculaire à gros spectacle et gros budget : le monde se couvre de cinémas 3D et de salles 4DX, le MCU puis le DCU marquent le début des grands univers de franchises de films de super-héros, et les studios deviennent gargantuesques à coup de rachats. Ironiquement, Avatar finit par tomber (partiellement) dans le giron de Disney, suite au rachat de la Fox en 2017.
Le succès du blockbuster assure à Cameron les mains libres (et un énorme contrat pour sa société de production) pour produire des suites à ce qui a toujours été conçu comme une saga étirée sur plusieurs films, séries, jeux vidéo et romans. La réalisation d’Avatar : la Voie de l’eau prendra 13 longues années, et coûtera plus de 450 millions de dollars. Là encore, c’est un immense succès au box-office, néanmoins, l’horizon de Hollywood s’est, lui, légèrement assombri entre temps.
La hausse des coûts de production, la fermeture des cinémas pendant la période de pandémie mondiale, l’immense concentration des médias ainsi que des phénomènes comme la Marvel Fatigue face à la multiplication des blockbusters de Disney ont progressivement rendu l’écosystème des films comme Avatar beaucoup plus hostile. Hors Cameron, plus personne n’est en mesure de faire financer des projets de ce type. Et comme il s’en est longuement expliqué dans des interviews récentes, lui-même est lourdement impacté par ce « déclin » Hollywoodien.
Avatar 3 peut-il être suffisamment rentable ?
Avatar 3 pourrait bien être le dernier de son espèce, de l’aveu même du réalisateur. Le budget du film est probablement voisin de celui du précédent volet, sans même évoquer les coûts liés aux marketings et à la distribution. En 2025, deux milliards de dollars ne suffisent plus à remplir les objectifs à court terme de ce type de productions. Or, Avatar : De feu et de cendres aura selon la plupart des analystes du mal à atteindre les scores des deux premiers épisodes. L’effondrement des recettes cinématographiques, et la (relative) désertion des salles, s’est poursuivi en 2024-2025. Tandis que l’intérêt de Disney pour la licence, lui, semble fléchir, dans un contexte de ralentissement généralisé du nombre de blockbusters mis en chantier.

Le paradoxe est que ce troisième volet pourrait à la fois rapporter quatre ou cinq fois sa mise de départ et toujours être considéré comme un flop digne d’enterrer pour de bon la planète Pandora, du moins sur grand écran. Le contexte pour d’éventuelles suites étant encore complexifié par le déménagement massif des tournages en dehors des États-Unis. Le contexte politique très défavorable et la concurrence des productions étrangères venues de Coré du Sud, d’Europe ou du Japon.
En somme, le premier Avatar, s’il a été un enfer à produire, est arrivé au bon endroit et au bon moment, devenant par là même une des rares licences originales à marquer durablement la pop culture depuis quinze ans. Le second a bénéficié de son statut de suite ultra-attendue et d’un moment d’injection massive de capitaux dans les blockbusters de son acabit. Ce troisième volet, lui, semble très mal parti pour réitérer ce double exploit… Et pourrait être, pour longtemps, la dernière production hollywoodienne du genre.