Entretien

Mosimann : “J’ai l’impression qu’on m’écoute plus aujourd’hui”

26 novembre 2025
Par Agathe Renac
Le “Dream Tour” de Mosimann commencera en mars 2026.
Le “Dream Tour” de Mosimann commencera en mars 2026. ©Pierre Daschier

Six fois classé parmi les 100 meilleurs DJ mondiaux, Mosimann enchaîne tournées, dream tracks viraux, collaborations majeures et chroniques sur France Inter. Un artiste complet, au sommet de son énergie créative.

Sa vie file à 100 à l’heure. Entre clubs et festivals aux quatre coins de la planète, un Dream Tour qui commencera en mars 2026 (et se conclura par deux Zénith à Paris), un nouvel album en préparation et une chronique hebdomadaire sur France Inter, l’artiste répète en riant que « c’est la guerre » dans son agenda. Et pourtant, malgré une nouvelle nuit blanche, on a rencontré un Mosimann d’une douceur désarmante. Vrai, gentil, d’une bienveillance rare. On admirait déjà ses chroniques, chaque mercredi à 8h55 sur la chaîne du service public ; on a adoré la personne. Profondément humaine. Et capable d’illuminer une journée.

Lors du live Stream for Humanity, Michou – et de nombreux spectateurs – ont découvert que vous aviez remporté Star Academy en 2008. Que vous a apporté cette expérience en tant qu’artiste ?

C’est fou, cette histoire. En 2025, certains découvrent encore que j’ai gagné Star Academy – et je trouve ça très drôle. Qu’est-ce que ça m’a apporté ? Énormément. Cette émission m’a enseigné la base de ce métier, j’y ai appris que rien n’est jamais acquis. Ça m’a permis de réaliser que la musique est un milieu très compliqué et qu’il faut constamment se remettre en question. Ce n’est pas parce qu’on gagne une émission de télé que tout va bien se passer, au contraire. Les aléas de la vie et du travail font que l’on peut vite redescendre.

J’aime beaucoup cette phrase d’Orelsan, qui dit qu’il faut toujours dire bonjour aux gens quand tu montes les escaliers, parce que ce sont les mêmes que tu croises quand tu les redescends. C’est très vrai. J’ai monté et descendu ces escaliers plusieurs fois. Là, j’ai l’impression de les remonter avec ceux que j’ai salués au passage.

Pour être honnête, j’avais fait cette émission pour les mauvaises raisons : je voulais juste aider ma mère, parce qu’on était dans le besoin à ce moment-là. Je me disais : “Si je peux rester une semaine ou deux, gagner un peu d’argent, choper un deal…” Et finalement, Star Academy a changé ma vie et j’ai pris un plaisir immense à vivre cette expérience. Si c’était à refaire, je signerais tout de suite.

Aujourd’hui, on vous connaît aussi pour vos mashups, qui sont devenus viraux sur les réseaux sociaux. Quel est votre processus de création ? Ça part de quoi, finalement, un “dream track” de Mosimann ?

Parfois ça marche très bien, parfois, ça flop, mais ça part toujours d’une discussion, d’un échange et d’un peu de folie. C’est un exercice souvent plus compliqué à réaliser avec des personnes qui ne sont pas du milieu de la musique, mais, en même temps, ça apporte plus d’authenticité. Par exemple, Florent Manaudou m’a apporté des idées géniales parce qu’il pensait que tout était possible. À l’inverse, des musiciens comme Bob Sinclar savent exactement comment me piéger. [Rires]

Certains morceaux sont-ils incompatibles, ou toutes les chansons sont-elles faites pour se rencontrer ?

Je vous le confirme : il y a des chansons qui ne sont absolument pas compatibles ! [Rires] Si je n’interviens pas, certaines rencontres sont impossibles. Par exemple, Bob Sinclar m’a piégé en mettant des harmonies mineures sur des harmonies majeures et ça n’allait pas du tout ensemble d’un point de vue musical. Parfois, je galère vraiment. Et j’ai même déjà abandonné certains dream tracks. Ça m’est arrivé avec Ben Mazué, mais ce qui est magique avec lui, c’est qu’il ne renonce jamais. Il m’a dit : “Mosi, on se revoit, il faut qu’on le refasse.” Et on l’a refait – et c’était trop cool.

Parmi tous vos dream tracks, lequel avez-vous préféré créer ?

Je les aime tous. Vraiment. Mais j’ai particulièrement aimé celui d’Alain Chabat. C’était un rêve d’enfant de le rencontrer. Il représente une génération de fou pour moi. On a discuté, et il m’a demandé : “Tu veux faire quoi ?” Je lui ai répondu : “Si tu me laissais carte blanche, je voudrais réaliser tous mes fantasmes artistiques ; toutes les réfs que tu as créées et avec lesquelles j’ai grandi.” Et il m’a dit : “Vas-y, fonce.” C’était un bonheur.

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Vous travaillez actuellement sur un nouvel album, issu de ce concept de mashup. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

Je peux vous dire que c’est passionnant. C’est vraiment très enrichissant, parce que ça me permet de voyager, de rencontrer des artistes partout dans le monde, de discuter avec eux, de faire leur dream track… Mais cette fois en posant quelques règles, notamment liées aux droits d’auteur. D’habitude, je leur dis : “Faites absolument ce que vous voulez.” Là, je précise : “Faites ce que vous voulez, mais évitez de me mettre dans des situations où j’aurai besoin d’une armée d’avocats.” [Rires] On s’adapte, on discute, et ça crée des contraintes qui, paradoxalement, rendent le truc encore plus créatif.

©Alexandre Riche

Quel est votre rapport à la musique ? Êtes-vous l’écouteur compulsif, celui qui écoute des sons complètement inattendus ou celui qui voit la musique comme une béquille existentielle pour survivre ?

Je suis tout ça à la fois. Ça peut paraître cliché, mais la musique, c’est ma vie. Je vis pour ça. Je n’ai pas d’autres passions à côté. J’aimerais aller davantage au ciné, passer plus de temps avec mes potes, aller boire des coups… Mais je n’ai pas le temps et, surtout, je fais exactement ce que j’aime. Je suis absolument aligné avec ce que je fais.

Je consomme de la musique h24, j’en produis, quand je vais mal, j’écoute de vieilles chansons françaises, quand je vais bien, j’écoute les nouveaux titres de The Weeknd, quand je doute, c’est de la lo-fi, quand je dois me réveiller après une nuit blanche, j’essaie de trouver un son contemporain et électro qui va m’emmener ailleurs… On sous-estime le pouvoir de la musique.

Quelle bande-son résume votre vie actuellement ?

I’m So Excited, de The Pointer Sisters.

Excité par ce nouvel album et par cette tournée qui commence très bientôt ?

Absolument ! Quand je me réveille le matin, je chante “I’m so exciteeeed” ! [Rires] C’est ça, ma vie en ce moment : j’ouvre un œil et je découvre que la tournée est sold out, qu’on ajoute une date au Zénith de Paris, qu’on a dépassé les 700 000 abonnés… Je suis trop content !

Depuis cette rentrée, vous vous êtes lancé dans un nouvel exercice – qui est l’un de nos préférés : une chronique sur France Inter. C’est un rendez-vous à la fois doux, poétique et très beau, qui accompagne les auditeurs chaque mercredi matin. Aviez-vous imaginé avoir un tel talent pour la radio ?

Déjà, merci beaucoup. Mais non, je ne soupçonnais pas du tout ce talent-là. Je n’avais jamais fait de radio, c’était complètement nouveau pour moi. Je savais que j’avais des choses à raconter, que j’avais envie de m’exprimer, d’aller en profondeur sur des sujets qui nous touchent tous. J’avais besoin d’intellectualiser quelques propos et, si je pouvais me servir de l’excuse musicale pour le faire, c’était encore plus passionnant.

Sauf que je ne m’étais jamais autorisé à écrire, à me livrer, à passer le cap d’aller au bout d’un texte. Je bosse avec des auteurs incroyables, du coup, je n’osais pas écrire. Et puis, la boss de France Inter, Adèle Van Reeth, m’a appelé. Je lui ai dit : “Adèle, t’es folle, c’est risqué, même pour toi.” Elle m’a répondu : “Ok, je prends le risque.” Et je me suis lancé.

Vous partagez effectivement des aspects très personnels de vous-même dans ces chroniques. Est-ce un exercice difficile pour vous ?

Le fait de me livrer n’est pas l’aspect le plus difficile de cet exercice, car je le fais déjà en tant qu’artiste. J’ai l’habitude de parler et de partager ce que je pense et ressens dans mon travail. Le plus dur, c’est de condenser mes idées. Chaque mardi, à quatre heures du matin, j’écris, j’écris, j’écris, et parfois, je réalise que j’ai une chronique de dix minutes ! Sauf qu’elle ne peut pas en dépasser trois. Ça, c’est un vrai challenge.

Qu’est-ce que cette nouvelle expérience a changé dans votre relation à vous-même, aux autres et à la musique ?

J’ai l’impression qu’on m’écoute plus. Parce que c’est France Inter, parce que ça marche bien… J’ai le sentiment qu’on prend plus le temps de m’écouter. Quand j’étais plus jeune et que je sortais de la Star Ac, j’avais cette sensation qu’on ne me prenait pas vraiment au sérieux. L’industrie musicale, c’est comme une montagne que tu gravis. Plus tu avances, plus tu t’armes, plus tu changes, plus t’as l’impression d’être modéré dans ce que tu dis et plus tu es posé dans ton approche. Je dirais que je me sens mieux aujourd’hui.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste