Critique

Avec From The Pyre, The Last Dinner Party réinvente le musical

16 octobre 2025
Par Lucyle Espieussas
The Last Dinner Party dévoile son nouvel album “From the Pyre”.
The Last Dinner Party dévoile son nouvel album “From the Pyre”. ©Cal McIntyre

Après Prelude to Ecstasy, les Britanniques de The Last Dinner Party reviennent avec From The Pyre, un second essai taillé pour les scènes du monde entier. Un album qu’on imagine aussi bien en festival qu’à l’opéra, et que l’on a pu découvrir à l’occasion d’une session d’écoute exclusive au cœur de la Fnac des Ternes.

« Am I enough for you to stay ? », chante Abigail Morris dans Agnus Dei, titre d’ouverture du second opus de The Last Dinner Party, From the Pyre. Et avec ce premier titre, les Britanniques parviennent à conquérir notre cœur et, bien sûr, à nous accrocher. Formé en 2021, le groupe composé d’Abigail Morris, Lizzie Mayland, Emily Roberts, Georgia Davies et Aurora Nishevci a pris le monde d’assaut. D’abord avec un premier single, Nothing Matters, en 2023, puis Prelude to Ecstasy, un premier album particulièrement attendu, en février 2024.

Un succès planétaire

Comme toutes les femmes qui ont du succès, elles ont d’abord été taxées d’industry plants, ces femmes que les labels mettent en avant et façonnent selon les attentes du public, sans avoir de réel talent – comme Wet Leg avant elles. Mais le succès public et critique de The Last Dinner Party est bien là, notamment depuis leur Brit Award en 2024, pour remettre à leurs places ceux qui doutent d’elles. Car leur musique se trouve à l’opposé de ce qu’on trouve sur la scène pop-rock actuelle, mélange d’indie rock, de glam rock et art rock, avec des touches de pop baroque, des harmonies et des chœurs qui prennent aux tripes. 

Sur scène, la théâtralité de leurs morceaux est exacerbée, accordant un soin particulier aux costumes, à la scénographie ainsi qu’aux échanges avec le public. Un travail qui leur a valu de remplir l’Olympia avec deux premières parties l’an dernier, un passage dans les plus grands festivals français et internationaux et une date très attendue au Zénith de Paris le 25 février prochain. Et si elles sont des industry plants, alors on en veut plus comme ça ! 

Du bûcher aux scènes du monde entier

Dans From the Pyre – qui signifie « depuis le bûcher » –, The Last Dinner Party joue une nouvelle fois avec l’image de la sorcière moderne, les codes de la féminité et les attentes de la société, leurs fans trouvant leur place dans les manifestations féministes et LGBTQ+ du monde entier. Mais le groupe réussit l’exploit de monter d’un cran comparé au premier album.

La théâtralité, les sonorités, la voix, les paroles… Tout est exacerbé, d’autant plus travaillé, chorégraphié, puisant dans le passé pour en faire des classiques modernes. C’est notamment le cas de leur premier single, This is the Killer Speaking, que les fans ont pu découvrir depuis un certain temps sur scène. En live, la chanson est chorégraphiée, et il en est de même sur l’album, celle-ci rappelant à la fois les slashers des années 1980, mais aussi l’univers de Queen.

This is the Killer Speaking, de The Last Dinner Party.

Dans Agnus Dei, qui ouvre l’album, elles s’interrogent sur la capacité d’en faire assez : pour une personne, pour les fans, pour ce qu’on attend d’elles ; dans une ballade qu’on imagine, comme le reste de l’album, en images. Car si les artistes ne cessent d’exploiter de nouveaux médias pour promouvoir leurs films, comme peuvent le faire Taylor Swift, Turnstile ou encore Kneecap, on rêve From the Pyre en long-métrage tiré d’une comédie musicale.

Count the Ways se fait plus rock et romantique, et même sensuelle, avec les références à la genèse (« Let the Snake Bite »), tandis que leur dernier single, Second Best, reprend les chœurs et rappelle de ne jamais penser qu’on n’est pas assez bien et qu’on mérite la seconde place, dans un univers à la Bohemian Rhapsody.

La pop au service de la paix

Arrive ensuite le théâtral et très rock This is the Killer Speaking, que l’on imagine chanté par cette chère Janet du Rocky Horror Picture Show, avant de nous laisser souffler sur Rifles. Mais que nenni, si la ballade peut nous laisser croire qu’on va respirer, le texte a bien l’intention de nous accrocher et de nous prendre aux tripes. Car Rifles s’adresse aux hommes et à leurs guerres incessantes, une illustration du pouvoir et de la domination contre laquelle The Last Dinner Party ne cesse de militer, demandant notamment aux fans de faire des dons à des ONG pendant leurs concerts. « Est-ce que ça fait du bien de verser du sang? », interroge la chanteuse, jouant avec sa voix et l’intensité de la chanson d’une façon qui fait donne aux mots « red » et « end » une profondeur nouvelle. 

Mais, comme on a pu le constater le 11 octobre dernier lors d’une écoute privée de l’album au cœur de la Fnac des Ternes, réservée à une poignée de fans qui ont pu rencontrer leurs idoles, cette chanson comporte de nombreuses surprises. Comme… un couplet en français ! Si, à la première écoute, celui-ci tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, celui-ci n’a pas manqué de faire verser quelques larmes aux fans, qui s’imaginaient déjà l’entendre en live en février prochain. Bouche bée, les fans relâchent la tension à la fin du morceau, dans un fou rire nerveux et contagieux. « La tension sur celle-là, c’est si intense ! On va toutes pleurer au Zénith ! », s’amuse une jeune fille, convaincue par le morceau.

La suite de l’album continue entre ballades, chœurs et harmonies, rappelant Ghuja, la chanson interprétée en albanais par Aurora Nishevci sur le premier album, comme au début de Woman is a Tree. The Scythe continue à aborder des thèmes difficiles et parle de deuil dans une version plus rock, histoire de ne pas trop déprimer, quand Inferno clôture l’album en beauté. Le piano redevient mélodique et donne irrémédiablement envie de danser, pour un final en apothéose. Les Londoniennes font à nouveau référence à la France, sur un rythme qui rappelle La flûte enchantée. Elles n’hésitent pas non plus à évoquer les Real Housewives dans leur texte. En écoutant cette divine comédie glam-rock, nul doute que Dante lui-même aurait été fan du groupe.

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