Entretien

Mirion Malle : “Faire de la bande dessinée, c’est ce que je préfère”

01 octobre 2025
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Mirion Malle : “Faire de la bande dessinée, c’est ce que je préfère”
©Francesca Mantovani

Confidences, colère et éclats de rire. Dans sa nouvelle BD Le problème avec les fantômes, Mirion Malle interroge les différentes manières de vivre le deuil. Après la dépression, l’emprise amoureuse et la colère, l’autrice poursuit son exploration des émotions humaines. Rencontre.

Le problème avec les fantômes, votre nouvelle bande dessinée, est la reprise d’un fanzine réalisé en 2017. Pourquoi se replonger dans cette histoire huit ans plus tard ?

À l’époque où je réalise ce fanzine, je ne faisais pas encore de bande dessinée à temps plein et j’avais plein de petits projets à côté. Mais cette histoire est restée dans un coin de ma tête. J’aimais la direction un peu décalée, à la limite du fantastique, de ce projet, à la différence de mes autres livres où je travaille sur le banal et ce qui fait le quotidien. C’était la première fois que je reprenais une histoire que j’avais déjà écrite. C’était un vrai défi, parce que je ne suis pas très patiente, et, lorsque j’écris, j’aime avoir en tête ce que je veux dire. Cette fois-ci, cela s’est fait progressivement.

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Au fil de l’écriture, ce que je voulais raconter m’est apparu comme une évidence. Dans Le problème avec les fantômes, je voulais interroger l’aspect fantastique du fantôme, explorer cette étrangeté tout en gardant le récit vraisemblable. À un moment, j’avais même songé à en faire un court-métrage, mais je me suis heurtée à la réalité des financements. J’ai donc repris ce fanzine et je l’ai étoffé. Une fois trouvée ma façon d’écrire et de raconter les choses en dessin, j’en ai fait un premier post Instagram, puis les éditions Glénat m’ont contactée. C’est comme ça qu’est née cette BD.

Cet album raconte la perte d’un ami et ses répercussions dans un groupe de quatre jeunes femmes. Comment avez-vous appréhendé les questionnements autour du deuil ?

Dans mes BD, je parle de choses que je connais, que j’ai vécues ou que j’ai pu observer, notamment au sein de mon propre groupe d’amis. J’avais envie de parler du deuil comme quelque chose d’universel, mais aussi de très singulier, puisque je crois qu’il y a de multiples manières de le vivre. Ici, le deuil est un mélange d’émotions diverses : la frustration, la tristesse, la colère, l’impression de ne pas avoir eu le temps alors qu’on pensait l’avoir. Que racontent toutes ces émotions ? Comment les appréhender ? C’est ça qui m’intéressait. Et puis, il y a la question du groupe. Comment, dans notre tristesse, peut-on blesser les autres ? Quels sont les endroits qui font mal, mais qu’on doit surpasser pour le bien-être commun ? C’est la traversée de l’inconfort pour, au final, aller mieux.

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Ici, le fantôme n’est pas simplement évoqué. Vous choisissez d’en faire une véritable présence auprès d’Irène, l’une des amies du groupe. Pourquoi ce choix ?

J’avais envie d’expérimenter cette figure du fantôme, de la réinterpréter. Je voulais qu’elle soit étrange, mais qu’elle ne fasse pas peur ou évoque la tristesse. Ce fantôme apparaît sous une forme humanoïde, avec une bouche, des yeux très bleus et un détail distinctif, celui de la boucle d’oreille, qui permet de reconnaitre la personne décédée. Mais la question n’est pas tant de savoir si le personnage voit le fantôme ou non, cela ne m’intéressait pas d’éclairer ce point-là. J’aime laisser cette part d’interprétation aux lecteur·rice·s. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir quelles émotions allaient traverser Irène et comment elle allait les surmonter. C’est ce que j’aime avec les histoires : plus elles sont ancrées dans un contexte, un quotidien, plus elles seront universelles et chacun·e pourra saisir des morceaux d’émotions et les appliquer à des situations individuelles. J’aime me dire que cette histoire peut résonner différemment selon les lecteur·rice·s.

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Y a-t-il une autre œuvre qui vous a marquée sur le sujet du deuil ?

Il y en a beaucoup. Et c’est drôle, chaque fois que je commence à écrire sur un sujet, je remarque que beaucoup d’œuvres y font écho de différentes façons. L’œuvre qui m’a principalement accompagnée, c’est l’album Grafignes du chanteur québécois Gab Bouchard. Le deuil dont il parle dans ses chansons n’est pas du tout celui que j’aborde dans la BD, mais j’aimais son approche. Il ne donne presque aucun détail, ne parle pas de qui il a perdu, et je trouvais justement intéressant que l’album existe ainsi. Cela permet de mieux se l’approprier.

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J’avais aussi été happée par le livre Privé S.V.P de l’autrice française Maud Lübeck, dans lequel elle plonge dans un deuil adolescent, celui d’une fille dont elle était amoureuse à 13 ans, morte dans un accident, qu’elle ne connaissait pas vraiment. L’autrice s’interroge sur le mélange de l’intensité de l’adolescence avec un événement dramatique et l’impact sur sa vie actuelle.

Le processus de guérison est un thème récurrent dans vos albums. L’écriture de bandes dessinées vous aide-t-elle à guérir ?

Faire de la bande dessinée, c’est ce que je préfère. Donc c’est évident que ça me fait beaucoup de bien. En tant qu’artiste, mais aussi en tant que personne, la question de la guérison m’intéresse beaucoup. D’ailleurs, c’est le fil qui relie mes trois derniers livres, C’est comme ça que je disparais (2020), Adieu triste amour (2022) et Clémence en colère (2024), conçus comme un triptyque autour de la guérison.

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J’aime l’art quand on y trouve de l’espoir et, avec la BD, je suis à la recherche des morceaux lumineux dans des situations qui ne le sont pas forcément. Les dynamiques de groupe m’apportent aussi ça. Dans mes livres, j’aime mettre en scène des collectifs qui aident à avancer et à guérir. Je pense que le lien est là.

Au-delà du deuil, cette histoire pose aussi la question de l’amitié. Quelle place occupe l’amitié dans vos livres ?

Le problème avec les fantômes, c’est l’histoire d’un deuil, mais c’est aussi, et surtout, une histoire d’amitié. Dans mes BD, comme dans ma vie, l’amitié tient une place très importante. Quand j’ai écrit C’est comme ça que je disparais, dont le récit tourne autour de la dépression, je n’ai pas réalisé sur le moment que c’était aussi une histoire d’amitié. Même dans mes premiers fanzines, j’ai remarqué que je parlais beaucoup d’amitié. C’est quelque chose qui a toujours été là. Je le retrouve aussi dans mes lectures. J’avais adoré Un désir démesuré d’amitié d’Hélène Giannecchini, qui pose la question de notre volonté collective de faire groupe et de placer l’amitié au centre de nos vies.

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Dans vos BD, la palette de couleurs révèle toujours beaucoup de choses sur les personnages. Comment avez-vous pensé le style graphique dans ce nouvel album ?

Le fanzine d’origine était en noir et blanc. C’était une époque où je cherchais encore mon style, ma façon de dessiner. Quand j’ai réinvesti l’histoire, j’ai trouvé que le crayon à papier, avec des couleurs pastel, parfois un peu terreuses, apportait une certaine mélancolie. Pour le personnage du fantôme, j’ai longtemps cherché la bonne couleur. J’ai trouvé un jaune pâle légèrement fluo, qui se remarque tout en conservant l’impression de légère étrangeté. Cette BD, c’est aussi le premier album que je faisais entièrement sur tablette. C’est quelque chose que je voulais essayer. J’avais déjà fait une BD entièrement au crayon de couleur… J’aime expérimenter différentes techniques.

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