Entretien

Parcels pour Loved : “On adorerait jouer en première partie de Coldplay !”

19 septembre 2025
Par Thomas Ducres
Parcels.
Parcels. ©Marina Monaco

Avec leur troisième album Loved, les membres de Parcels prouvent encore une fois qu’ils sont bien plus qu’un simple groupe de surfeurs fans des Beach Boys. De passage à Paris pour un concert privé avec la Fnac, l’une des âmes du groupe le plus cool d’Australie, Patrick Hetherington, a pris le temps de revenir sur cette première décennie de succès. Au programme : les Daft Punk, l’intelligence artificielle et même… un fantasme sur Coldplay.

Lors de votre concert privé à l’Alhambra, vous avez commencé votre set par ce qui reste votre plus gros single, Overnight, produit par les Daft Punk. La légende raconte que c’est justement lors de votre premier concert parisien qu’ils vous ont découverts. Info ou intox ?

C’est absolument vrai. À l’époque, ils étaient en lien avec notre label (Kitsuné). Ils ont simplement entendu parler du concert et sont venus sans même qu’on soit au courant. Plutôt excitant, non ? C’est dur de savoir si on aurait fait la même carrière sans cette collaboration ; disons que c’est une suite de petites choses qui nous ont amenés jusque-là. C’est l’effet papillon. En se remettant dans le contexte de ces premières années en tant que Parcels, ç’a été une suite de premières fois assez dingues : premier disque, premiers concerts, etc.

Vous voilà au troisième disque studio, très différent du précédent, Day/Night. Sur Loved, on a l’impression que vous avez souhaité ne conserver que le côté lumineux de Parcels. Aviez-vous envie d’un disque plus facile, plus évident que le précédent ?

Day/Night était effectivement beaucoup plus conceptuel. Cette fois, on a préféré se laisser porter par la musique et ne pas trop réfléchir.

Dans la biographie promotionnelle qui accompagne Loved, on peut lire que votre objectif c’est “d’apporter de la joie au public”. Vous sentez-vous en mission avec le groupe ?

On ne peut pas le dire comme ça. Disons plutôt que nos concerts sont pensés pour faire vibrer les gens. Et c’est aussi vrai pour nous, sachant que nous passons une grande partie de l’année sur la route, loin de chez nous. Donc, nous avons également besoin de ressentir quelque chose de fort. Après, en studio, c’est différent, on pense d’abord à ce qu’il nous faut pour avoir ce fameux déclic. Sans ça, c’est impossible d’écrire de bonnes chansons. On est aussi influencés par des groupes comme les Beach Boys que par Supertramp, Pink Floyd, les Beatles, Herbie Hancock, Coltrane ou le Miles Davis “rock” de la fin des années 1960.

« Ça devient compliqué pour des groupes comme les nôtres, avec une grosse place accordée aux instruments enregistrés sans ordinateur ou programmation. »

Patrick Hetherington

Dans le titre qui clôture l’album, Iwanttobeyourlightagain, vous évoquez ces débuts insouciants où vous étiez ces cinq jeunes mecs qui vivaient en coloc à Berlin avec deux trousseaux de clefs. Est-ce intéressant, en tant qu’artiste, de puiser dans ces souvenirs des débuts pour sortir de bons morceaux ?

Oui, très intéressant. Cela donne des flashs, des bouts d’histoires qui remontent à la surface, des images du “nous” d’avant. C’est en écoutant la partie instrumentale, un peu dans le spleen, notamment avec la petite ligne de synthé, qu’on a été surpris de découvrir à quel point ça parlait de nous et de nos débuts, même sans mots.

Iwanttobeyourlightagain, de Parcels.

Quel rapport avez-vous aujourd’hui avec Byron Bay, la ville australienne où vous avez tous grandi ? Vu de loin, ça ressemble à un petit paradis terrestre.

En fait, pas tant que ça. Certes, on y a écrit certains des titres de Loved, et oui, il y a la mer, les crapauds, les collines… mais on a tous une vision différente de cet endroit. C’est magnifique, nous avons de superbes souvenirs, mais c’est toujours compliqué de retrouver un lieu qu’on a quitté. Personnellement, j’ai beaucoup de mal avec Byron Bay, la ville a été beaucoup trop changée par l’argent.

« Notre maison, en fait, c’est nous cinq ensemble. »

Patrick Hetherington 

Ce qui permet d’interroger votre relation au concept de maison : cette année, vous avez joué à Coachella, Glastonbury ou encore au Primavera. Vous êtes une partie de l’année sur la route. Avez-vous encore un “chez vous” ?

Bonne question. Une partie du groupe vit à Berlin ; j’y ai un appartement où je n’ai vécu que deux mois l’année dernière. D’autres membres préfèrent vivre en Australie, et j’y passe aussi pas mal de temps. Donc, la notion de famille se réduit pas mal aux membres du groupe, puisque nous passons un temps très important ensemble, loin de nos domiciles. Notre maison, en fait, c’est nous cinq ensemble. Ce qui est assez flippant quand on y pense, puisque Parcels c’est à la fois une bande d’amis, une famille et des partenaires de boulot.

À votre avis, le fait qu’il n’y ait aucun leader officiel dans le groupe aide-t-il Parcels à durer ?

Certainement. C’est très important pour plusieurs personnes dans le groupe de prendre en main un ou plusieurs aspects de la composition. Évidemment, cinq personnes ne peuvent pas TOUT contrôler en même temps, mais chacun a son moment, son espace. On a construit une espèce de safe zone où chacun a droit à la parole.

Leaveyourlove de Parcels.

C’est quoi le prochain objectif pour Parcels ?

Toujours plus de musique, toujours plus d’albums et encore plus de temps en studio. On aimerait notamment pouvoir collaborer davantage avec d’autres artistes en live. Le truc le plus marrant, ce serait de jouer en première partie d’un très gros groupe, comme on l’a fait il y a quelques années avec Phoenix. Mais voilà : ça fait très longtemps que nous n’avons pas joué en premier et je crois que ça nous manque qu’on n’ait pas à se battre pour convaincre le public. Quand tu joues en première partie, personne ne te connaît, personne n’a payé son billet pour venir te voir, tout est à faire. Donc, pour vous répondre, je rêve qu’on fasse l’ouverture d’un très gros concert dans un stade, par exemple pour Coldplay !

D’un autre côté, on accorde une très grande importance à la vie en studio, et on remarque à quel point ça devient compliqué pour des groupes comme les nôtres, avec une grosse place accordée aux instruments enregistrés sans ordinateur ou programmation. Ça devient très cher, ça prend beaucoup de temps, alors que la tendance est plutôt à l’immédiateté, d’autant plus avec l’importance prise par l’intelligence artificielle. Notre challenge, c’est d’arriver à apporter le maximum d’humanité dans tout ça.

Parcels est probablement l’un des derniers grands groupes d’humains de la décennie en cours. Un groupe de personnes se déplaçant de ville en ville avec de “vrais” instruments, c’est un concept qui semble sur le déclin.

Très juste. Et je comprends cette évolution, par ailleurs, car cela devient un peu illogique au regard de la situation économique. C’est pourquoi, avec Loved, on a tenu à mettre en avant nos voix. Si cet album a un concept, c’est bien celui-là : capter cinq mecs chantant autour d’un micro.

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