Critique

Journal d’une fille larguée : une pépite suédoise sur les affres du dating moderne

09 septembre 2025
Par Marion Olité
“Journal d'une fille larguée”, le 11 septembre 2025 sur Netflix.
“Journal d'une fille larguée”, le 11 septembre 2025 sur Netflix. ©Netflix

Attendue le 11 septembre sur Netflix, cette série suit l’itinéraire d’Amanda, une trentenaire suédoise qui se lance dans une quête frénétique de l’amour. L’occasion de faire le point sur la scène du dating en 2025.

Adaptée d’un best-seller suédois signé Amanda Romare – dont la traduction littérale est « La moitié de Malmö est composée de mecs qui m’ont larguée » –, cette nouvelle série créée par Tove Eriksen Hillblom et Moa Herngren s’attaque à un sujet phare des romances contemporaines : les rencontres sur les applis de dating.

Hétérosexuelle et célibataire depuis plus de dix ans, en disette sexuelle depuis deux ans, Amanda (Carla Sehn), 31 ans, s’est fixé un but pour l’été : trouver l’amour à Malmö – ou au moins entamer une relation sérieuse. Pour relever ce challenge, elle peut compter sur le soutien de sa sœur Adina (Moah Madsen), avec laquelle elle entretient une relation du genre fusionnel, et ses copines Ronja (Zahraa Aldoujaili) et Lilleman (Malou Marnfeldt).

Applis de rencontre : la grande fatigue

Avec un titre qui commence par « Le journal de », la série s’inscrit sciemment dans la lignée des comédies romantiques centrées sur des femmes célibataires en quête d’amour. Si l’inoubliable Bridget Jones galérait déjà dans les années 1990, de nos jours, ses petites sœurs se noient dans un océan de possibilités, où les Daniel Cleaver sont bien plus nombreux que les Marc Darcy.

Carla Sehn dans Journal d’une fille larguée.©Netflix

Apparues au tournant des années 2010 avec le succès de Tinder, les applis de rencontre n’ont cessé de se démocratiser, au point de devenir la norme. Quinze ans après leur première apparition, l’expérience d’Amanda confirme ce que les premiers experts prédisaient : ces applis ont ubérisé l’amour et le sexe. Le corps est devenu un objet de consommation comme un autre, en particulier le corps féminin.

Beaucoup trop d’hommes utilisent aujourd’hui ces applis comme une sorte de « McDo du cul », sans aucune considération pour la personne avec laquelle ils ont des relations sexuelles. Au début, Amanda est ravie de réaliser qu’en prenant les choses en main, elle peut avoir accès à des relations sexuelles beaucoup plus facilement qu’elle ne le pensait.

Carla Sehn dans Journal d’une fille larguée.©Netflix

Mais cet empouvoirement ne dure malheureusement pas longtemps. La plupart du temps, elle doit se plier aux exigences sexuelles de ces messieurs, quand elle ne se prend pas des réflexions sexistes ou rabaissantes en pleine poire. Par exemple, son hilarant premier coup est un petit cousin de Patrick Bateman dans American Psycho : un mec riche, à fond dans la philosophie de Zlatan Ibrahimović (oui, il en a une !), qui lui ordonne de se contorsionner dans tous les sens, sans aucune considération pour son plaisir.

Tout juste lui demande-t-il à la fin du rapport l’inévitable : « T’as joui ? », question seulement destinée à le rassurer sur sa performance. Sous les atours de la comédie, la série fait un constat acide : les applis n’auraient-elles pas juste donné aux hommes un outil qui leur permet de mal se comporter ?

Adam Dahlström et Carla Sehn dans Journal d’une fille larguée.©Netflix

En continuant de swiper et de sortir dans les bars, Amanda va croiser la route de divers spécimens masculins et tomber sur le pire d’entre eux, le « fuck boy ». Un schéma toxique et trop bien connu des femmes se met en place : il la ghoste, elle est blessée, mais ne peut s’empêcher de lui courir après et d’espérer qu’il va changer.

Composée de sept épisodes qui se dévorent en un week-end et bénéficiant d’une photographie colorée et arty (les sœurs travaillent avec leur mère comme décoratrices dans un entrepôt aux allures de caverne d’Ali Baba moderne), Journal d’une fille larguée met le doigt sur une réalité : si les célibataires sont dépeintes comme « larguées » et peu sûres d’elles, c’est aussi que les interactions négatives répétées finissent par saper la confiance en soi.

Célibat et estime de soi

« Tu ne sais pas à quel point être célibataire est humiliant », affirme Amanda à sa sœur Adina, heureuse dans un couple avec un homme qui la comprend et la soutient. La relation touchante entre les deux sœurs – leurs interprètes Carla Sehn et Moah Madsen possèdent une belle alchimie – constitue l’une des forces de la série. Si elles se bouffent parfois le nez à force de tout faire ensemble, elles se soutiennent notamment face à un père lâche, qui a refait sa vie avec une autre femme et ne cesse de délaisser ses filles.

Carla Sehn et Moah Madsen dans Journal d’une fille larguée.©Netflix

Obsédée par sa peur de ne pas être « aimable », Amanda manque de recul sur son statut de célibataire qu’elle juge (sans nous le dire frontalement, mais on le comprend) infamant. Cela fait un peu mal au cœur : après #MeToo, on pensait avoir avancé sociétalement sur ce sujet. Heureusement, cette vision un peu old school de la célibataire désespérée est contrebalancée par la présence de ses copines, également célibataires et qui le vivent mieux.

La situation de notre héroïne tourne au cercle vicieux : ses dates foireux la conduisent à diminuer l’estime qu’elle a pour elle-même. Or, elle aura du mal à s’investir dans une relation saine si elle n’affirme pas ses besoins et sa personnalité. Amanda a beau avoir 30 ans, elle manque de maturité.

Carla Sehn, Dilan Apak, Zahraa Aldoujaili et Malou Marnfeldt dans Journal d’une fille larguée.©Netflix

Il lui faut repérer les schémas qui la transforment en dépendante affective et s’autoriser à aller vers des hommes qui lui veulent du bien. Cela dit, même dans ce cas-là, un texto mal interprété peut vite conduire à la désillusion. La série dépeint avec acuité le chaos des débuts d’une relation amoureuse, où une incompréhension peut tourner au drama et écourter une potentielle histoire.

Si Journal d’une fille larguée a des airs de comédie romantique, elle emprunte davantage au genre de la dramédie façon Girls ou Insecure. Ce mot-valise issu de la culture anglo-saxonne désigne des productions centrées sur des chroniques de vie. Le focus peut être sur les amitiés, les amours ou la vie professionnelle.

Johannes Lindkvist et Carla Sehn dans Journal d’une fille larguée.©Netflix

Avec son ton mi-comique, mi-réaliste et ses épisodes d’une demi-heure, Journal d’une fille larguée s’inscrit ainsi dans la lignée de You’re the Worst (2014-2019), Man Seeking Woman (2015-2017) ou encore Love (2016-2018). En plongeant dans le monde brutal des applis de rencontre actuelles, la série de Netflix dresse un constat peut-être plus amer que ses prédécesseures, mais pas dénué d’espoir non plus.

Finalement, le show nous rappelle l’essentiel : à une époque où l’on peut si facilement être rejeté et se replier sur soi, ce n’est pas simple de se montrer sincère et vulnérable. Mais c’est pourtant essentiel si l’on veut laisser la porte ouverte à une véritable histoire d’amour.

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