[Rentrée littéraire 2025] Avec La peau dure, la journaliste et romancière Vanessa Schneider signe un récit consacré à son père, Michel Schneider, psychanalyste et écrivain disparu en 2022. Plus qu’une biographie, elle explore l’énigme paternelle et, à travers elle, le portrait d’une génération d’hommes marquée par les ruines de l’après-guerre et les illusions d’un nouveau monde.
On la connaît pour ses enquêtes publiées dans Le Monde, ses portraits au scalpel de grands patrons ou de figures politiques, mais aussi pour ses récits intimes. Après Tu t’appelais Maria Schneider, consacré à sa cousine actrice, Vanessa Schneider publiait ce 20 août chez Flammarion La peau dure.
La journaliste et romancière se tourne cette fois vers son propre père, Michel Schneider, psychanalyste, écrivain et haut fonctionnaire disparu en 2022. L’exercice n’a rien d’un hommage convenu : c’est un livre de vérité, sur un homme, une génération, où le deuil devient l’aiguillon de l’écriture.
Le portrait d’un homme insaisissable
Le récit s’ouvre dans une forêt boueuse alors que la narratrice s’apprête à disperser les cendres de son père. Cette image inaugurale annonce la couleur : l’autrice exhume une figure à la fois éclatante et opaque.
« Ce n’est pas tout à fait un inconnu, mais un père peut être une énigme », confie-t-elle au micro de France Inter. Élevé dans une enfance cabossée – mère alcoolique, paternité incertaine – Michel Schneider fut tour à tour haut fonctionnaire, psychanalyste, musicologue, professeur, critique littéraire. Un homme multiple, brillant et tourmenté, dont la fille cherche à recomposer le puzzle par fragments.
Héritages d’une génération
À travers ce portrait, Vanessa Schneider brosse aussi celui d’une époque. Celle des enfants du baby-boom, marquée d’abord par les rêves révolutionnaires de l’extrême gauche et les Trente Glorieuses. Puis par cette bascule vers la société de consommation et la désillusion de la fin du XXe siècle. « On fait souvent le procès de 68. Moi ce n’est pas ce que j’ai voulu faire : je pense qu’on est le produit de son époque, et mon père était l’enfant de son époque », explique-t-elle.
L’autrice ne se contente pas de dresser le portrait d’un intellectuel : elle tente d’explorer et de comprendre leur relation, ainsi que le regard qu’il portait sur elle, enfant et adulte. « Pourquoi on décide que dans une fratrie il y a l’enfant qui est considéré comme le fort, celui qui est rigolo, celui qui est fragile ? (…) On est un peu assigné à des caractéristiques, et ça crée des parcours : on a tendance à faire ce qu’on attend de nous », analyse-t-elle.
Une réception admirative
La critique salue un récit dense et sans concession. Le Point y voit « un livre intense et âpre », écrit sur la crête fragile du « je t’aime moi non plus », où père et fille se heurtent à leurs propres miroirs. ActuaLitté parle d’une « anatomie d’un chagrin lucide », nourrie d’archives et de notes, où l’émotion reste contenue mais jamais absente. Dans les deux cas, le constat est le même : Vanessa Schneider signe un texte de vérité, refusant la réconciliation automatique pour lui préférer une lucidité acide.