Critique

Long Story Short : la nouvelle pépite animée de Netflix, entre absurdité et tendresse familiale

22 août 2025
Par Sarah Dupont
“Long Story Short”, le 22 août 2025 sur Netflix.
“Long Story Short”, le 22 août 2025 sur Netflix. ©Netflix

Disponible depuis le 22 août sur Netflix, la série d’animation explore les contradictions d’une famille juive sur plusieurs décennies. Un récit éclaté, traversé d’humour subversif, qui confirme le talent de son créateur, Raphael Bob-Waksberg.

Oubliez le cheval dépressif, ses bouteilles de whisky et ses aphorismes existentiels. Raphael Bob-Waksberg, le créateur de BoJack Horseman, revient cet été sans animaux parlants. Avec Long Story Short, disponible depuis le 22 août sur Netflix, le cinéaste s’attaque à une fresque familiale juive avec les Schwooper. Le résultat ? Une comédie en dix épisodes aussi lumineuse que drôle, qui assume son étrangeté.

Une narration éclatée et audacieuse

Chaque épisode emprunte une temporalité différente, voyageant des années 1950 à aujourd’hui, parfois au sein d’un même chapitre. Cette construction fragmentée évite l’écueil de la sitcom figée, façon Simpson. Ici, les personnages évoluent, vieillissent, trébuchent et on comprend à mesure qu’on avance combien les blessures du passé peuvent influencer le présent. Ce procédé original offre aux protagonistes une épaisseur certaine, malgré la brièveté de la série, et lui confère une intensité dramatique bienvenue.

Long Story Short.©Netflix

L’œuvre s’ouvre sur la bar-mitsvah du plus jeune enfant de la famille, Yoshi, premier aperçu de la pression religieuse et familiale qui traverse la production. La saga des Schwooper mêle rites, crises de foi, tensions conjugales et luttes identitaires. La religion n’y est pas que décorative : elle façonne les personnages, chacun oscillant entre attachement culturel, pratique fervente ou rejet assumé.

Les personnages de Jen et Avi Schwooper dans Long Story Short.©Netflix

Pour les spectateurs peu familiers des coutumes juives, l’expérience peut paraître parfois obscure, certaines blagues reposant sur des termes hébreux pas toujours traduits. Mais c’est précisément cette étrangeté qui séduit et nous place dans la même position que Jen, la petite amie non-juive d’Avi, l’aîné.

L’art de rire du malaise

Comme dans BoJack Horseman, Bob-Waksberg ne renonce pas à l’humour grinçant. Mais ici, le rire naît de l’embarras, tantôt du non-dit, tantôt des conversations de famille trop franches pour être confortables. L’humour d’observation, typiquement américain, s’allie au cringe pour désarçonner.

Les personnages de Shira, Yoshi et Iva dans Long Story Short.©Netflix

Les scènes absurdes – comme Yoshi qui se lance dans la vente de matelas enfermés dans des tubes explosifs, une école envahie par des loups sans que personne ne s’en inquiète, ou encore un personnage bloqué face à un reCAPTCHA – accentuent la dissonance entre comédie et gravité.

Les personnages de Naomi Schwartz, Jen et Shira Schwooper dans Long Story Short.©Netflix

Graphiquement, l’univers conçu par Lisa Hanawalt (déjà derrière l’identité visuelle de Tuca & Bertie) semble emprunté aux livres pour enfants : couleurs vives, lignes ondulantes, bidimensionnalité. Mais ce vernis candide ne fait que souligner l’âpreté des thématiques abordées – racisme, homosexualité, parentalité, appropriation culturelle… Comme souvent dans l’animation adulte, l’apparente douceur visuelle sert de contrepoint ironique.

Des prestations cinq étoiles

Impossible de passer à côté de Naomi Schwartz, la matriarche, interprétée avec brio par Lisa Edelstein. Déjà culte dans Dr House, l’actrice insuffle à son personnage toute la verve d’une mère juive excessive, critique et théâtrale, mais aussi une tendresse qui en fait le noyau émotionnel de la série.

Lisa Edelstein interprète Naomi Schwartz et Paul Reiser joue Elliot Cooper dans Long Story Short.©Netflix

Autre protagoniste coup de cœur : Yoshi, joué par le délicieux Max Greenfield (Schmidt dans New Girl), le benjamin maladroit et lunaire, irrésistible dans ses tentatives d’émancipation ratées. Autour d’eux, Ben Feldman (Superstore) et Abbi Jacobson (Broad City) prêtent leur voix aux autres enfants, complétés par Paul Reiser (Dingue de toi), Angelique Cabral (Life in Pieces) et Nicole Byer (Girl Code), dans une distribution cinq étoiles.

Un regard contemporain sur la judéité

La série embrasse pleinement sa dimension juive, sans crainte de dérouter. Elle illustre l’éventail des pratiques, du converti fervent à l’athée désabusé, mais montre surtout une culture omniprésente, qui unit la famille malgré les divergences.

Les personnages de Yoshi Schwooper et Danny dans Long Story Short.©Netflix

À une époque où l’antisémitisme se manifeste toujours sous des formes multiples, offrir ce portrait comique comme sensible résonne. Bob-Waksberg ne prêche pas : il raconte, met en scène la contradiction avec l’amour, l’héritage, la transmission. The Guardian parle d’une rencontre improbable « entre Bluey et Tolstoï », et la formule n’est pas exagérée.

Au-delà des rires plane une mélancolie douce-amère, comme si chaque trajectoire de vie portait sa part de beauté et de blessures. Si l’on rit franchement, on peut sortir secoué par des scènes d’une sincérité désarmante. En somme, Long Story Short ose le grand écart : Bob-Waksberg n’a peut-être plus de cheval alcoolique à nous offrir, mais il confirme, avec brio, que l’animation adulte peut encore surprendre.

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