Élevée au rang d’icône, Cléopâtre a la réputation d’avoir usé de son sens de la politique et de son charme irrésistible pour asseoir son pouvoir. Malgré sa renommée, les historiens et les archéologues ont peu de certitudes sur Cléopâtre. Ce qui ne l’a pas empêché d’inspirer les auteurs, scénaristes et autres réalisateurs.
Ce que l’on sait, c’est qu’elle fut descendante d’un pharaon égyptien, Ptolémée XII Aulète, et d’une mère inconnue, qu’elle naquit en 69 avant J.-C. en tant que membre d’une ancienne dynastie grecque qui s’était emparée de l’Égypte et que sa vie fut inextricablement liée aux troubles affectant l’Égypte et à la politique de l’Empire romain. Mais qu’en est-il des autres “vérités” qui circulent à son sujet ? Que ce soit sa beauté, que l’on dit envoûtante, de ses relations amoureuses avec Jules César et Marc Antoine, ou de sa farouche ambition politique pour l’Égypte, nombreuses sont les interprétations et les avis de chacun. De même que les œuvres, aussi bien littéraires que cinématographiques, qui ont tenté de percer à jour le vrai visage de cette reine iconique à la mort tragique.
Des passions qui ont forcément inspiré le cinéma
Pour des générations de cinéphiles, il est une actrice qui vient immédiatement en tête lorsqu’il s’agit d’évoquer Cléopâtre : Elizabeth Taylor. Dans le film Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz sorti en 1963, on y suit la vie et les ambitions de celle devenue reine d’Égypte, au travers de ses relations avec Jules César, Marc Antoine et Octave. Encore aujourd’hui, ce film est celui de tous les superlatifs : une œuvre de quatre heures, au tournage titanesque et rocambolesque étalé sur deux ans, qui mit son studio au bord de la faillite, avec des moyens énormes, un casting prestigieux mais capricieux, de multiples reconstructions de décors, de nombreuses interruptions…
Au-delà du film, pourtant mal reçu à sa sortie, la médiatisation de la star Elizabeth Taylor et des soixante-cinq robes qu’elle porte à l’écran, sans compter ses amours avec son partenaire et futur époux Richard Burton, finissent d’associer le visage de l’actrice à celui de la reine d’Égypte.
Près de 40 ans plus tard, une autre actrice enfile les tenues hautes en couleur de Cléopâtre, dans un registre bien différent : Monica Bellucci. Devant la caméra d’Alain Chabat, l’actrice italienne est une reine d’Égypte aussi belle que puissante dans Astérix & Obélix Mission Cléopâtre. Une reine qui ne manque pas de subjuguer par sa voix et notamment son nez, “qu’elle a joli d’ailleurs” reconnaît Jules César tandis que Panoramix ne peut s’empêcher de l’appeler “Votre nez” au lieu de “Votre Majesté”.
Deux interprétations qui font honneur à la reine d’Égypte, pour qui l’écrivain grec antique Plutarque évoquait une femme “d’une beauté éclatante et à l’apogée de la puissance intellectuelle”. Dans un registre plus méconnu, il est amusant de noter que le tout premier long-métrage sur Cléopâtre remonte à 1899, et on le doit au réalisateur français Georges Méliès. Ce film muet raconte l’histoire d’un chasseur de trésor qui tombe sur le sarcophage de Cléopâtre et voit alors apparaître son fantôme, interprété par Jehanne D’Alcy, l’une des premières grandes actrices du cinéma français. Une véritable curiosité du 7ème Art malheureusement perdue à jamais, puisque la pellicule du film a disparu dans les années 1930.
Autre actrice française à se glisser dans les habits de la mythique reine d’Égypte : Claudette Colbert. Devant la caméra du réalisateur américain Cecil B. DeMille, ses relations avec les généraux Jules César et Marc Antoine fascinent déjà Hollywood, vingt-neuf ans avant le film culte avec Elizabeth Taylor. Salué pour ses décors grandioses et ses costumes somptueux, le film sera nommé dans cinq catégories aux Oscars, mais ne remportera finalement que la statuette de la meilleure photographie.
Une femme de pouvoir qui fascine autant qu’elle
Malgré un certain manque d’informations sur la vie de Cléopâtre, la reine fait encore parler d’elle aujourd’hui. Tandis que deux films sont actuellement en projet, où elle serait incarnée par Zendaya (Dune, Spiderman : No Way Home) dans l’un et Gal Gadot (Wonder Woman, Meurtre sur le Nil) dans l’autre, la figure de Cléopâtre a beaucoup inspiré ces dernières années. De la tragédie shakespearienne au récent documentaire de Netflix, sa réputation de politicienne rusée dotée d’une capacité de séduction hors du commun est presque légendaire. S’inscrivant dans une lignée de productions cherchant à insuffler davantage de diversité dans leurs contenus, le documentaire Netflix “La Reine Cléopâtre” avait surtout fait parler de lui pour son choix d’une femme noire dans le rôle-titre. Pourtant, cette docu-fiction s’appuie sur l’idée, validée auprès de certains experts, que Cléopâtre était peut-être noire du côté de sa mère, alors que l’opinion communément répandue la présente comme une héroïne entièrement grecque. Comme souvent avec Cléopâtre : rien n’est sûr et les hypothèses abondent dans les deux sens. Au-delà de la polémique, la série Netflix s’appuie tout de même sur un panel étoffé de professeurs et d’académiciens, pour dépeindre la vie de la souveraine, preuve d’une démarche documentée. Un véritable travail de fond que l’on retrouve aussi dans certains ouvrages.
Depuis des siècles, les auteurs, les historiens et les artistes se sont logiquement penchés sur sa vie et son règne, chacun apportant une perspective différente. Accessible pour tous, la biographie de Cléopâtre par Alberto Angela nous emmène sur les traces d’une femme exceptionnelle qui, dans un monde dominé par les hommes, a permis à l’Égypte antique de connaître une expansion fulgurante. Souvent considérée comme une femme fatale, avide, cruelle et la maîtresse des hommes les plus puissants de Rome, Cléopâtre était en réalité la reine d’un royaume prestigieux, dernier vestige de l’empire d’Alexandre le Grand.
Dans Cléopâtre : Un rêve de puissance, Maurice Sartre, en utilisant des textes, des inscriptions, des images et des monnaies, écarte les mythes, brise les idées reçues et dresse ainsi le portrait d’une souveraine lucide et volontaire.
Sous l’œil et la plume de Victor Battaggion (Wyctor), rédacteur en chef adjoint du magazine Historia et scénariste de BD pour la collection “Ils ont fait l’Histoire”, Cléopâtre est l’héroïne de son propre tome. Son objectif principal est de restaurer la gloire passée de l’empire égyptien et, pour y parvenir, elle doit composer avec Rome… dont elle subit pourtant une forte propagande.
Haïe par les Romains et les Romaines, elle représente une menace pour la république chérie de Rome en tant que monarque riche et puissante, mais suscite également le mépris en tant que femme libre, elle qui jouit de libertés interdites aux Romaines : vivre seule, posséder des propriétés, hériter ou même divorcer.
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Légende : Diffusé en 2023, le docu-fiction La Reine Cléopâtre est un véritable travail de recherches masqué par les polémiques
Crédit : Netflix
Une exposition pour éclaircir cette frontière entre mythe et réalité
Elle a beau être l’une des figures les plus connues du monde antique, la réalité n’étaye pas toujours les nombreuses histoires que l’on raconte sur Cléopâtre. C’est dans cet état d’esprit que l’Institut du Monde Arabe propose depuis le 11 juin 2025 une fascinante exposition intitulée Le Mystère Cléopâtre. Puisqu’aucune biographie antique ne donne foi aux histoires racontées autour de Cléopâtre et que son règne est étudié à travers le prisme des regards occidentaux, il n’est pas évident de démêler le vrai du faux et de trouver la figure historique dans la légende. À travers cette exposition, accessible jusqu’au 11 janvier 2026, l’Institut du Monde Arabe entend dresser un portrait plus réaliste et documenté de la reine d’Egypte, loin des fantasmes et de la figure de fiction.
©Institut du Monde Arabe
Grâce aux dernières recherches historiques et archéologiques, l’exposition a pour but de rétablir la vérité autour de Cléopâtre VII et de décrypter le phénomène culturel, à travers un parcours divisé en deux grands axes : l’Histoire et le mythe. Tandis que l’on peut admirer des vestiges archéologiques dans la première partie, tels que des pièces de l’Egypte antique, des bijoux, des reliefs et sculptures ou encore des objets religieux de l’époque de Cléopâtre VII, l’Institut s’intéresse également à ces histoires largement fantasmées et adaptées en fonction des époques et des mœurs de la société. Tantôt Jeanne d’Arc, prête à se sacrifier pour ses idéau et sa liberté, elle est aussi la femme fatale, la figure d’un orientalisme sensuel et décadent. Une image bien évidemment popularisée par les comédiennes et les actrices qui lui ont redonné vie au théâtre ou au cinéma. Un fascinant parcours par ailleurs enrichi de créations d’artistes contemporains, qui offrent, là encore, un nouveau regard sur cette figure historique… qui n’a certainement pas fini de dévoiler tous ses mystères et donc de fasciner !
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