Le cabinet Newzoo dresse un constat étonnant sur la vertu du « Netflix du jeu vidéo ».
Un abonnement mensuel qui donne accès à des centaines de jeux sur sa console Xbox et son ordinateur, mais aussi en cloud sur smartphone, ça fait rêver, n’est-ce pas ? Pourtant, derrière ce modèle économique a priori avantageux pour les joueurs et les joueuses, se cacherait un programme avec lequel les gamers s’engagent peu, mais zappent beaucoup. Avant la publication de son rapport annuel sur le marché du jeu vidéo, un analyste de Newzoo décortique le modèle du Game Pass, et explique que ses bienfaits ne sont plus si évidents.
Les joueurs Xbox pas plus investis que les joueurs PlayStation
Dans un podcast en partenariat avec l’Interactive Games and Entertainment Association, l’analyste Emmanuel Rosier partage les découvertes de son cabinet en matière d’habitudes de consommation des joueurs et des joueuses. Il explique d’abord que, malgré le fait que l’écrasante majorité des possesseurs de Xbox Series (dont le nombre n’est pas connu) soit abonnée au Game Pass, ils et elles ne jouent pas à davantage de jeux que leurs homologues sur PlayStation 5 (80,3 millions de ventes au 30 juin 2025). Une plateforme moins associée à un système par abonnement — même si le PlayStation Plus Premium peut se rapprocher du Game Pass.
D’après lui, il n’y a donc clairement pas « d’effet Game Pass » dans le comportement des joueurs et des joueuses. Ou, plutôt, peut-être pas l’effet escompté par les principaux intéressés. « Nous montrons [dans notre rapport à paraître] que beaucoup de jeux sont essayés par les joueurs sur le Game Pass, mais qu’ils ne s’attardent pas ». À la manière de ces soirées passées sur Netflix à faire défiler la page d’accueil, le Game Pass invite les abonné·es à essayer beaucoup de titres, mais l’absence d’engagement ne les incite pas à persévérer dans leur découverte.
« Il y a tellement de choix dans le Game Pass que si vous n’êtes pas accrochés très rapidement, vous passez simplement au suivant, et ainsi de suite, jusqu’à ce que vous soyez accrochés », reprend l’analyste. Une observation partagée par le spécialiste de l’industrie du jeu vidéo, Simon Carless, qui dans une édition de sa newsletter sur le sujet, remarquait « qu’il y a effectivement beaucoup de joueurs qui viennent essayer votre jeu sur Game Pass, mais c’est plutôt dans une optique d‘y « goûter », comparé à de vrais joueurs qui ont dépensé plus de 50 $ pour l’acheter et qui sont donc plus susceptibles d’y jouer plus longtemps. »
Autrement dit, consommer un produit inclus « gratuitement » dans un abonnement est moins engageant que d’acheter ses jeux au détail et de pousser la découverte au-delà de sa première heure.
Une cannibalisation des ventes de jeux sur Xbox
Sorties en 2020 en même temps que la PS5, les Xbox Series X|S se vendent très mal. Suffisamment, en tout cas, pour que Microsoft ne daigne plus communiquer sur le nombre d’unités vendues. À ce rythme, il est fort probable que la toute récente Nintendo Switch 2, écoulée à presque 6 millions d’exemplaires en un mois, la dépasse. Mais l’instantanéité du Game Pass a également un gros impact sur les ventes de jeux Xbox. En effet, Microsoft a racheté une grande quantité de studios de développement ces dernières années, dans le but d’inclure leurs nouveautés dès leur sortie dans son service d’abonnement. Un programme proposé à partir de 12,99€ par mois, qui permet d’éviter d’avoir à dépenser 70€ pour s’offrir le dernier jeu du moment, forcément, cela paraît être une bonne affaire.
Toutefois, on peut se demander si Microsoft s’y retrouve en la matière. Selon Emmanuel Rosier, les ventes du dernier Call Of Duty: Black Ops 6 sont bien inférieures à celles des précédents volets sur Xbox, en raison de sa disponibilité dans le Game Pass. « Nous constatons clairement une cannibalisation des ventes de jeux triple-A [les blockbusters] sur Xbox à cause du Game Pass », confirme l’analyste.
En revanche, le Game Pass continue d’avoir un intérêt pour les studios indépendants et les développeurs de jeux dits AA (c’est-à-dire au budget moyen, comme le carton français Clair Obscur : Expedition 33). Pour eux, le Game Pass fonctionnerait comme un marché parallèle, confirme Simon Carless : « beaucoup d’abonnés au Game Pass n’étaient pas de grands acheteurs de jeux AA de toute façon », écrit-il dans son infolettre.