De retour pour une deuxième saison, diffusée sur Apple TV + à compter du 6 août, la comédie Platonic poursuit son exploration des relations amicales entre femmes et hommes. Un sujet longtemps sous-exploité dans la pop culture.
Créée par Nicholas Stoller (Nos pires voisins, Bros) et Francesca Delbanco – duo à qui l’on doit un autre show sur l’amitié, Friends from college sur Netflix – et lancée en 2023 sur Apple TV+, la série Platonic suit les aventures de Sylvia, une épouse et mère au foyer qui renoue des liens avec son ex-meilleur ami, Will, gérant d’un bar à bière et adulescent attardé.
Après une première saison qui posait la dynamique comico-chaotique entre les deux personnages, incarnés par les excellents Rose Byrne et Seth Rogen, on retrouve avec plaisir nos deux quarantenaires excentriques dans de nouvelles aventures. Les premiers épisodes de cette deuxième livraison sont consacrés à l’organisation du mariage de Will avec Jenna (Rachel Rosenbloom), la nouvelle élue de son cœur. Et c’est Sylvia, récemment reconvertie en organisatrice d’événements, qui doit mener à bien les festivités. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu.
Le mariage de mon meilleur ami
Entre la valse hésitation des fiancés, l’hostilité de Jenna envers Sylvia et les incontournables du genre (fête de fiançailles, choix de la robe, enterrement de vie de garçon), les premiers épisodes de la saison 2 nous servent sur un plateau un reboot platonique de la rom com culte Le mariage de mon meilleur ami. Heureusement, la vision de l’amitié entre femmes et hommes hétérosexuels a évolué depuis 1997. Contrairement à Julia Roberts, Sylvia ne se rend pas compte qu’elle est follement amoureuse de son BFF.

Platonic tient la promesse de son titre et dément la fameuse réplique de Harry dans une autre comédie romantique culte, Quand Harry rencontre Sally : « Entre hommes et femmes, il ne peut pas y avoir d’amitié, parce que le sexe fait toujours barrage ! ». L’alchimie entre Rose Byrne et Seth Rogen crève l’écran, mais de façon plus comique que sensuelle.
Les questions se posent différemment avec ce duo amical : l’amitié de Sylvia et Will peut-elle survivre à ce mariage ? En plus de l’effet « lune de miel » du début des relations romantiques où on a tendance à oublier ses amis, Sylvia a peur que Jenna ne la prenne en grippe – et ça ne rate pas.

Si notre société a légèrement desserré l’étau de l’hétéronormativité, elle continue d’encourager la rivalité entre femmes et de regarder d’un œil perplexe les amitiés entre genres opposés, passé la vingtaine. Jenna se sent donc menacée par le lien qui unit Sylvia et Will (en première saison, c’était le mari de Sylvia).
On a alors peur que cette salve ne tourne en « crêpage de chignon » aux relents sexistes, mais les scénaristes ont le bon goût d’éviter ce trope narratif éculé. L’hostilité de Jenna s’en tient à quelques remarques désagréables. Will ne s’empresse pas de rassurer sa fiancée, la série prenant acte (consciemment ou non) du manque de communication claire des hommes hétérosexuels.
Une amitié à sens unique ?
« À mesure que nous vieillissons, nos vieux amis deviennent de plus en plus importants », explique Sylvia à son mari, Charlie (Luke Macfarlane). Ils représentent notre passé, notre présent et notre futur. Nous nous projetons aisément avec nos amis proches, tout en ayant avec eux et elles un réservoir infini de souvenirs à partager au coin du feu.

En revanche, cette amitié a tendance à tourner à l’avantage de Will dans cette saison. Il peut toujours compter sur Sylvia pour organiser son mariage, tout changer à la dernière minute pour aider son pote, puis l’héberger ou lui pardonner ses réactions les plus immatures. En plus de gérer les fiançailles bancales de Will, elle doit bientôt faire face à la crise existentielle de son mari.
Sylvia a beau avoir une amie, Katie (très fun Carla Gallo, en parodie de podcasteuse), elle est constamment immergée dans l’univers des hommes. Quand elle se moque de Will et d’un ami d’enfance qui avouent ne pas faire souvent l’amour avec leur partenaire et se vante de coucher avec son mari très souvent, elle flirte dangereusement avec le trope de la « pick me girl » (« choisis moi »).

Ce concept désigne les femmes, dans un contexte de société patriarcale, qui vont adopter certaines attitudes pour montrer qu’elles se distinguent de la gente féminine, et ainsi obtenir la validation masculine. Elles aimeront par exemple parler de sexe, critiquer les femmes, effectuer des activités traditionnellement masculines et ne se plaindront jamais.
Sylvia fait tout pour correspondre à un idéal masculin de la quarantenaire hétéro : mariée, maman, pote cool et sexy. La série en a un peu conscience, et elle porte très souvent un masque social que Will parvient parfois à lui faire retirer. Les derniers épisodes – écrits par Francesca Delbanco – rétablissent la balance.

Quand Sylvia pointe du doigt le comportement misogyne de Mason, un jeune acteur sexiste qui se prend d’amitié pour Will, l’intrigue permet de mettre en lumière les difficultés des amitiés femmes/hommes. Quand ces derniers n’ont pas conscience de leur position dominante et ne font aucun effort pour comprendre ce que vivent leurs amies, cela peut conduire à de la frustration, et à terme, à la fin d’une amitié.
La deuxième partie de saison insiste sur le comportement problématique de Will, qui prend ses aises chez Sylvia et Charlie. Les deux amis, qualifiés de co-dépendants par leurs proches, tentent d’installer des limites entre eux, de façon aussi maladroite que comique. Et la série d’explorer un vrai sujet dans les relations amicales, celui des limites à poser. Tout dépend du type d’amitié, mais celle de Sylvia et Will, par moments très fusionnelle et immature, n’a pas encore trouvé le bon équilibre – et tant mieux, c’est ce qui fait tout le sel de cette production.
Plus de séries sur l’amitié
Malgré un manque d’unité, cette deuxième saison de Platonic reste plaisante à visionner. Elle nous offre un sacré lot de situations comiques irrésistibles (on est aussi là pour rire) et mine de rien, de réflexions sur l’amitié entre adultes. Et mis à part quelques exceptions comme Will & Grace (justifiée par l’homosexualité de Will), trop peu de séries ou de films ont vraiment exploré cette thématique.
La pourtant bien nommée Friends a passé plus de temps à établir des relations amoureuses et de l’ambiguïté entre les protagonistes, qu’à véritablement s’intéresser à leur amitié. C’est d’ailleurs dans ce show que le concept de la « friendzone » voit le jour. Dans un épisode, Joey se moque de la situation de Ross, qui pense aimer Rachel à sens unique. Il le qualifie de « maire de la friendzone ».
On peut certes tomber amoureux de ses amis, mais le concept a été détourné par le patriarcat pour devenir ce qui peut arriver de pire à un homme : être ami avec une femme avec laquelle il veut du sexe. Quand ça leur arrive, c’est une catastrophe inacceptable, mais quand il s’agit d’une femme, elle doit se faire une raison – et c’est tout le message du film Le mariage de mon meilleur ami.

En revalorisant les amitiés femmes/hommes sans ambiguïté dans un contexte hétérosexuel, une série comme Platonic permet à ces derniers de réaliser qu’ils peuvent avoir des relations passionnantes et diverses avec le genre opposé. À rebours des discours éculés et paresseux du genre « les hommes viennent de mars, les femmes de vénus », ces amitiés permettent de mieux comprendre le genre opposé et encouragent l’empathie.
C’est une façon de lutter contre le patriarcat, et on espère que le succès de Platonic ouvrira la voie à de nouvelles séries sur le même thème. L’amitié étant une forme d’amour plébiscitée par les nouvelles générations, c’est le moment ou jamais de créer de nouvelles histoires, loin des clichés genrés.