[Rentrée littéraire] Le nouveau roman autobiographique de l’autrice et éditrice Geneviève Brisac vient de paraître, le 7 janvier dernier, aux éditions de l’Olivier.
Écrivaine particulièrement prolifique, Geneviève Brisac a publié plus d’une vingtaine de livres, du roman à l’essai en passant par les textes autobiographiques ; sans compter sa trentaine d’ouvrages de littérature jeunesse. Parmi ces nombreuses publications, on retient tout particulièrement Petite (L’Olivier, 1994), le récit autobiographique de l’anorexie de l’autrice – Nouk, dans le texte – et l’essai Sisyphe est une femme (L’Olivier, 2019), cet hommage aux femmes écrivaines, de Christiane Rochefort à Vivian Gornick en passant par Doris Lessing et Natalia Ginzburg.
Avec Les Enchanteurs, Geneviève Brisac revient au texte autobiographique : elle y raconte les débuts de sa vie professionnelle, c’est-à-dire ses débuts dans le monde de l’édition. Nouk vient d’être reçue à l’École Normale Supérieure ; elle fuit très vite le conformisme de l’École pour le militantisme – milieu dans lequel elle rencontre son premier compagnon, Berg. Elle passe l’agrégation de lettres avec succès, accouche de sa première fille, et se lance dans l’édition.
À l’époque du Pop Club avec José Arthur et des 4L, « au temps d’avant les ordinateurs et les portables », le monde du travail s’organise autour d’une misogynie particulièrement cruelle : son statut de mère sera violemment reproché à Nouk par ses employeurs successifs – « la grossesse est une faute professionnelle, tout le monde le sait ». Surtout, ces employeurs exerceront leur pouvoir pour profiter de la jeune femme, pour la harceler, la séduire, l’ensorceler. Et c’est évidemment au visage de Nouk que détonnera le cocktail explosif que forment le sexe et le pouvoir.
Originale, la narration alterne entre le « je » qui raconte ses souvenirs et le « elle » qu’on approche parfois de l’extérieur. De temps en temps, un.e interlocuteur.trice inconnu.e questionne la narratrice, comme pour mettre de l’ordre dans le récit, dans les souvenirs. Si les constats sont lucides et cinglants, ce roman d’une sincérité absolue est superbement porté par l’écriture poétique et fantaisiste de Geneviève Brisac. Et malgré les désillusions et la colère, l’autrice fait des Enchanteurs un texte de résistance. Puissant.