Sérieux, le rock and roll ? Pas vraiment, si l’on en croit le nombre de groupes qui y ont, depuis toujours, injecté une sacré dose d’humour !
Dès son émergence dans les années 1950, le rock a été l’objet de disques parodiques, parfois moqueurs, parfois franchement méchants, destinés à ridiculiser un genre musical que l’on pensait alors n’être qu’une mode éphémère. Néanmoins, certains rockeurs eux-mêmes ont très vite décidé d’injecter une bonne dose d’humour à leurs productions, créant tout un courant musical généralement rassemblé sous le nom de comedy rock.
Ce dernier ne manque pas d’actualité : le groupe britannique The Darkness sort son très attendu huitième album Dreams on Toasts, tandis que le réalisateur Rob Reiner vient d’annoncer une suite à son film culte Spinal Tap, mettant en scène un groupe de métal parodique devenu bien réel grâce au succès du premier film. Des projets qui entretiennent une tradition bien ancrée mélangeant franche rigolades et bons gros riffs de guitare.
Des pastiches aux classiques
Les premiers groupes célèbres à injecter des blagues, jeux de mots et autres contrepèteries dans leurs tubes rock sont sans doute les chanteurs américains Stan Freberg et Sheb Wooley à la fin des années 1950. Les premiers, en tout cas, à avoir créé des chansons dans ce registre sans se situer uniquement dans le sarcasme, mais bien dans une volonté de mélanger humour et rock and roll. Aux États-Unis toujours, la musique psychédélique de Frank Zappa va souvent se teinter d’une coloration humoristique, certains de ses albums étant même considérés comme aux frontières du stand-up. Zappa a même été régulièrement surnommé « le père du comedy rock ».
Mais c’est du côté des Britanniques que va véritablement émerger le genre dans les années 1960 : en parallèle du succès tonitruant des Beatles et des Rolling Stones apparaissent des groupes à l’esthétique et aux paroles loufoques, n’hésitant pas à faire de leurs disques de véritables shows comiques. Certains d’entre eux, comme The Bonzo Dog Doo Dah Band et The Scaffold auront une carrière longue de plusieurs dizaines d’années et écouleront des millions d’albums, signant même quelques standards des playlists rock and roll.
Un sous-genre à part entière, avec ses vedettes
Dans les années 1970, la musique rock se fait plus sérieuse et plus académique : c’est l’ère du hard, du rock progressif, des morceaux contemplatifs de plus de dix minutes… Et les disques purement comiques se font plus rares. Même s’il faut noter qu’en parallèle de ce déclin relatif du comedy rock, un courant similaire apparaît en France avec des formations comme Martin Circus, Au bonheur des dames et Odeurs, qui connaîtront de gros succès sur scène.
Une décennie de morgue qui va se dérider dans les années 1980 où tout cet esprit de sérieux va se fissurer à mesure que le punk, le psychobilly et la nostalgie des années 1960 s’installent dans les charts. Une nouvelle génération d’artistes se lance avec des concepts humoristiques, comme « Weird Al » Yankovic et ses nombreux pastiches de classiques de la musique pop-rock, ou The Hee Hee Bee Gee Bees, qui connaîtra un gros succès au début des années 1980.

Ce renouveau s’accompagne d’une apparition du genre au cinéma et à la télévision, avec des projets comme The Rutles: All You Need Is Cash d’Eric Idle en 1978, Spinal Tap de Rob Reiner en 1984 ou Wayne’s World en 1992. Un mouvement qui va aussi permettre de lancer une vague de groupes capables d’alterner des disques de comedy rock et des productions plus classiques, sinon sérieuses, comme Blink-182, Weezer ou encore They Might Be Giants.
À l’inverse, certaines formations essentiellement comiques, comme les personnages de la série télévisée néo-zélandaise Flight of The Concords, vont profiter de leur succès pour lancer une véritable carrière musicale sur scène. Un parcours similaire à celui de Tenacious D, le groupe de Jack Black et Kyle Gass, révélé par une série télévisée avant de devenir un phénomène international capable de remplir des stades.
Une tradition désormais bien établie
Le comedy rock connaît une troisième vague depuis une dizaine d’années, avec de nouveaux groupes s’illustrant dans ce registre et jouant à fond la carte de la bizarrerie et de l’outrance. Tout le courant du geek rock, rassemblé chaque année dans le festival-croisière Joco Cruise, mise à fond sur les groupes axés autour de la pop cultures et des thématiques résolument nerd.
D’autres groupes, plus classiques, se situent aux frontières du sketch, de la parodie et de la musique plus sérieuse, et mènent des carrières mainstream : The Darkness, Ninja Sex Party, les faux hard-rockeurs glam metal de Steel Panther ou encore les frenchies décadents des Naïve New Beaters. Très peu de ces excellentes formations, cependant, se réclament ouvertement et directement de la scène comedy rock.
Contrairement à ce que l’on observait dans les années 1960 et 1970, il semble tout à fait admis que l’on puisse mettre une belle dose de fun dans sa musique sans la déprécier ou la ranger dans une case de pure boutade. D’autant plus à l’ère des réseaux sociaux, qui permettent de faire circuler des pistes musicales amusantes de manière virale. À l’image de ce qu’ont récemment pu faire des musiciens comme Ultra Vomit en France, Jazz Emu en Grande-Bretagne ou Tom Cardy en Australie. La relève est donc assurée !