Entretien

Trois questions au maître français de la science-fiction, Pierre Bordage

21 décembre 2021
Par Stéphanie Chaptal
Trois questions au maître français de la science-fiction, Pierre Bordage
©ELB/Éditions La Branche/Jérôme Plon

Écrivain prolifique mais discret, Pierre Bordage est l’une des signatures les plus reconnues de la science-fiction française. Avec son prochain roman, l’auteur des Guerriers du Silence revient à son premier amour : le space opera et l’aventure par delà les étoiles. Rencontre.

Votre prochain livre paraît très bientôt aux éditions Scrineo. Pouvez-vous nous en parler ?

Il s’appelle Le Dixième vaisseau. La directrice de collection, Stéphanie Nicot, m’a incité à faire partie de la collection qu’elle créait et qui était consacrée au space opera – un sous-genre important de la science-fiction parce qu’il en représente l’aspect le plus merveilleux : ce sont des aventures qui se passent dans l’espace avec des planètes qui ont été découvertes, colonisées, des transports qui vont très vite d’un point à l’autre de l’univers. C’est un peu Star Wars ! Le Dixième vaisseau parle d’un vaisseau, comme le titre l’indique, dont le capitaine, Livio Squirell, a été condamné à la prison à vie. Un jour, le gouvernement de Brull, la planète où il est incarcéré, le convoque et lui propose un marché. Neuf vaisseaux ont été expédiés vers la galaxie du Triangle, d’où proviennent des signaux qui seraient des signes de vie intelligente. Sans réponse des autres, il se voit proposer de conduire le dixième vaisseau pour y aller, mais le gouvernement lui a inoculé un virus retard, qui lui laisse deux ans pour accomplir la mission. Si en deux ans, il n’y est pas parvenu, il mourra…

Le dixième vaisseau, de Pierre Bordage. À paraître le 06/01/2022.

Vous êtes connu pour vos œuvres en solitaire, mais également pour vos incursions dans des univers partagés comme Gigante avec Alain Grousset ou les Rive droite et Rive Gauche dans l’univers de Metro 2033. Comment vous glissez-vous dans l’imagination d’un autre ?

J’adore les expériences. Dmitry Glukhovsky, qui a créé les Metro 2033, m’a dit : « J’ouvre mon univers aux auteurs européens, et j’aimerais que ce soit toi qui fasses le métro parisien. De toute façon, je ne t’impose rien ». La seule consigne, c’est l’idée principale, qui est : la surface est devenue irrespirable, et les gens se sont réfugiés dans le métro, où ils survivent. Voilà, c’est la seule contrainte que j’avais. J’y ai vraiment pris du plaisir. L’histoire que j’ai écrite dans le métro à Paris – Rive gauche (Atalante, 2020) et Rive droite (Atalante, 2021) – n’a rien à voir avec la sienne, située beaucoup plus près du début de la catastrophe. Quant à Gigante (Atalante, 2013), c’est une création à deux avec Alain Grousset. Nous avons simplement créé la planète et les personnage, et ensuite, chacun a fait son aventure là-dedans, sachant que moi je pars avec le fils, et lui avec le père. Et, par un paradoxe qu’on ne retrouve d’ailleurs que dans la science-fiction, le fils est plus vieux que le père, en raison de la vitesse des voyages spatiaux.

Comment définiriez-vous votre place dans la science-fiction française ?

Je ne la connais absolument pas. Je veux dire, je fais des bouquins, je les édite, ils ont plus ou moins de succès. C’est vrai que ça fait trente ans que je suis sur la brèche et que je suis toujours là, donc on me regarde souvent comme un ancien de la science-fiction – comme un taulier en quelque sorte. Mais j’ai toujours le plaisir de faire des livres, et c’est tout ce qui compte. Le reste, c’est un peu accessoire. Je ne sais pas pourquoi je fais de la science-fiction. Souvent, j’ai besoin d’un décalage imaginaire pour pouvoir écrire. Il y a toujours un petit décalage imaginaire qui s’apparente à la vie, même si ce que j’écris n’est pas toujours de la pure science-fiction. Il y a une part de vie dans une science-fiction : vous y êtes instantanément décollés de votre quotidien et vous mettez les pieds dans des univers inconnus. Et j’adore cet effet de dépaysement. En outre, l’effet de dépaysement a un aspect intéressant : prendre un décalage espace-temps permet de mieux réfléchir sur le présent, de mieux observer le présent. En fait, j’ai l’impression qu’on entend jamais mieux parler du présent que dans les livres de science-fiction. Les auteurs se placent en sentinelle, en quelque sorte, du présent.

Le Dixième vaisseau, de Pierre Bordage, Scrinéo, 23 €. À paraître le 06/01/2022.

Article rédigé par
Stéphanie Chaptal
Stéphanie Chaptal
Journaliste