Avec sa nouvelle série, Prime Video nous fait revivre les débuts de la téléréalité française. Produit par Alexia Laroche-Joubert, l’architecte même du Loft, le show oscille entre nostalgie et critique, brouillant la frontière entre hommage et réalité.
Une série sur les coulisses d’une autre série ? La mise en abyme attise immédiatement la curiosité. Ce vendredi 18 octobre, Prime Video nous invite à découvrir une nouvelle production qui s’empare de ce défi, délicat en apparence, mais qui s’avère plutôt maîtrisé. Imaginé par Matthieu Rumani et Nicolas Slomka, Culte retrace les origines de la téléréalité en France, avec la création de Loft Story, diffusé il y a 23 ans sur M6.
Cette émission, devenue emblématique, a non seulement marqué l’avènement d’un genre mêlant fiction et réalité, mais aussi le lancement d’une véritable industrie, soulevant des questions éthiques sur la dignité, l’intimité et les rivalités d’ego sur le petit écran. Culte nous plonge derrière les caméras, en braquant particulièrement les projecteurs sur une figure devenue iconique : Loana.
Une révolution télévisuelle
Certains s’en souviennent peut-être : c’était en 2001. Coupés du monde, dans une villa où toutes les pièces, à l’exception des toilettes, sont équipées de caméras et de micros, 11 célibataires se retrouvent à vivre ensemble, filmés 24 heures sur 24 – du moins dans la première saison. Leurs interactions, conflits et relations amoureuses sont au cœur du programme. L’objectif final ? Rester le plus longtemps possible dans le « Loft » en évitant les éliminations du public.
Un concept audacieux pour certains, gênant pour d’autres. Pourtant, l’émission fait un véritable carton. Dès le lancement, environ 5 millions de téléspectateurs sont au rendez-vous, représentant 26,1 % de part d’audience. Le succès ne fait que croître, atteignant un pic de 11,7 millions de spectateurs lors de la finale, soit 49,6 % de part de marché, des scores historiques pour la sixième chaîne de la TNT.
C’est officiel : la téléréalité française est née. Ce succès phénoménal ne repose pas uniquement sur la curiosité du public pour cette nouveauté télévisuelle, mais aussi sur la capacité de l’émission à susciter de vives réactions.
Loft Story devient rapidement un sujet de conversation incontournable. Les débats autour de la frontière entre vie privée et divertissement explosent, notamment en raison de l’étalage massif de l’intimité des participants. L’émission parvient ainsi à cristalliser une forme de voyeurisme de masse, tout en posant les jalons d’une nouvelle ère télévisuelle.
Loana, icône parmi les icônes
Loana incarne à elle seule les débuts d’une téléréalité française prête à tout pour capter l’attention des foules, au prix de l’intégrité de ses participants. En 2001, lorsqu’elle remporte Loft Story, elle devient instantanément une icône de la pop culture, la première véritable star d’un nouveau format qui divise les spectateurs.
Mais derrière son ascension spectaculaire se cache une réalité bien plus sombre : celle d’un système médiatique archaïque et profondément misogyne, qui tire profit de la fragilité et de l’exposition des individus. Très vite, Loana est réduite à un « cliché », celui de la bimbo blonde, vulnérable et fragile, façonnée pour correspondre à des stéréotypes sexistes. Sa vie privée, mise à nu par les médias, devient quant à elle une marchandise à part entière, pillée par la presse people.
Une émission pour célébrer une émission
Cependant, Culte n’a pas pour vocation de dévoiler les nombreuses zones d’ombre de la téléréalité, malgré leur présence manifeste. Produite par Alexia Laroche-Joubert (qui a orchestré Loft Story), la série cherche à retracer les débuts de cette aventure télévisuelle, les défis rencontrés lors de la production, et l’organisation complexe de l’émission, dans une optique plus nostalgique que véritablement critique.
Cette orientation soulève des questions sur l’essence même du projet. Comme l’a justement remarqué Le Monde, « il est difficile de démêler le vrai du faux, de trancher entre ce qui relève du documentaire et de l’entreprise de réhabilitation de ce genre télévisuel ». La série se déploie avec habileté sur cette frontière ambiguë, oscillant entre hommage et réflexion critique, sans jamais vraiment choisir son camp.
Pour autant, la presse s’accorde à saluer la qualité de la reconstitution, en grande partie grâce aux prestations des actrices. Marie Colomb y incarne une Loana bouleversante, tandis qu’Anaïde Rozam offre une excellente interprétation d’Isabelle, inspirée d’Alexia Laroche-Joubert. Culte deviendra-t-il aussi culte que le show dont il s’inspire ? Le public en sera le seul juge.
