Critique

La série Like a Dragon – Yakuza est-elle à la hauteur du jeu culte ?

24 octobre 2024
Par Valérie Précigout (Romendil)
“Like a Dragon : Yakuza”, le 24 octobre sur Prime Video.
“Like a Dragon : Yakuza”, le 24 octobre sur Prime Video. ©Prime Video / SEGA

C’était inscrit dans ses gènes. La saga de jeux vidéo Yakuza a toujours affiché des ambitions cinématographiques. À présent renommée Like a Dragon à l’international, la franchise va-t-elle se faire un nom aussi sur Prime Video ?

La perspective de visionner les six épisodes de la série Like a Dragon – Yakuza avant leur diffusion nous a logiquement poussés à replonger dans l’univers des jeux pour tenter de mettre en comparaison les deux médias. Car il s’agit avant tout d’une licence forte de SEGA, créée en 2005 à l’attention du public japonais avant de se faire un nom dans le monde entier.

Bande-annonce de la série Like a Dragon – Yakuza sur Prime Video.

Avec l’annonce de tout nouveaux projets ces derniers mois, la popularité de la franchise est au plus haut. Début 2024 déjà, le dernier volet baptisé Like a Dragon: Infinite Wealth avait été unanimement encensé par la presse et les joueurs.

Mais l’aspect tentaculaire de la franchise n’aide pas forcément les néophytes à savoir par quel biais l’appréhender. Et même si, aujourd’hui, tous les épisodes principaux sont disponibles sur les machines actuelles, l’idée d’une adaptation en live action offre une autre porte d’entrée intéressante à l’univers de la série.

Revisiter les origines de la saga Yakuza

Dans le premier jeu comme sur Prime Video, le présent de Like a Dragon – Yakuza se déroule en 2005, mais les faits qui y sont présentés sont liés à des événements survenus dix ans plus tôt. Plutôt que de proposer une retranscription directe de ce que connaissent déjà les joueurs, la série revendique un scénario original. L’histoire s’inspire donc des personnages et des éléments les plus indissociables des débuts de la franchise, mais elle les développe et les interprète à sa façon.

Le personnage de Kazuma Kiryû tel qu’il apparaît dans le remake du tout premier jeu.©SEGA (Yakuza Kiwami)

Les réalisateurs Masaharu Take et Kengo Takimoto ont choisi l’acteur charismatique Ryoma Takeuchi (Kamen Rider) pour endosser la personnalité complexe et déterminée de Kazuma Kiryû. Les flashbacks de l’année 1995 viennent logiquement combler les vides pour tenter d’expliquer comment cet orphelin et ses plus proches amis réussissent à se mettre à dos l’un des principaux clans de yakuzas du Japon. Leur destin n’est déjà plus entre leurs mains, chacun devant trouver un moyen de survivre et de s’affirmer dans un monde qui ne pardonne rien.

La bande de jeunes va vite réaliser qu’on ne plaisante pas avec le clan Dojima.©Prime Video / SEGA

Face à Kiryû, la figure de Nishiki (joué par l’acteur Kento Kaku) est celle qui évolue le plus drastiquement au fil de la série. Même si les interventions acérées de l’incontrôlable Goro Majima (Munetaka Aoki) font déjà forte impression.

Plongée au cœur du crime organisé

Ni dans les jeux ni dans la série, le but n’est d’idéaliser l’image véhiculée par le milieu des yakuzas. Faites de complots, de vengeances et de trahisons, les guerres de clans fascinent autant qu’elles révulsent. À travers le regard inébranlable de Kazuma Kiryû, l’appât du gain, l’ambition malsaine et la violence gratuite sont dénoncées au profit de valeurs telles que le code d’honneur ou le sens du devoir.

Une famille pleine de bonnes intentions…©Prime Video / SEGA

Une volonté que l’on retrouve même dans le dernier jeu de la saga qui n’hésite pas à mettre au tout premier plan un ancien yakuza résolu à trouver le moyen de réhabiliter les anciens gangsters repentis au sein de la société actuelle.

Kamurochô : entre fiction et authenticité

En imaginant le quartier fictif de Kamurochô comme clé de voûte des débuts de la saga, le producteur Toshihiro Nagoshi cherchait dès 2005 à proposer un environnement à la fois authentique et alternatif. Sur le plan technique, la série de jeux vidéo Yakuza a toujours affiché des ambitions cinématographiques en visant l’hyper-réalisme avec des graphismes à la pointe de la technologie.

La reproduction des lieux les plus emblématiques dans les jeux de la série est criante de réalisme.©SEGA (Yakuza Kiwami)

La franchise fut également précurseure dans sa manière de recréer l’agitation au sein d’un quartier chaud japonais inspiré d’environnements bien réels. Les rues, mais aussi l’intérieur des supérettes et des magasins, y étaient représentés avec un souci du détail saisissant, ce qui ne fera que s’accentuer au gré de la montée en puissance des nouvelles générations de consoles. Le portail emblématique de Kamurochô fait partie des plans incontournables que se devait d’inclure la série Prime Video.

La série prend le temps d’illustrer l’insouciance des jeunes protagonistes avant que la tragédie ne s’en mêle.©Prime Video / SEGA

Le contexte idéal pour une série live action ?

Bien avant l’avènement des mondes ouverts, les premiers jeux issus de la franchise Yakuza osaient offrir une déambulation libre dans des lieux urbains réellement crédibles. Pour beaucoup de joueurs, ils étaient aussi les héritiers de la saga Shenmue, autre chef-d’œuvre de SEGA, de par leur aspect « tranche de vie nippone » parsemée d’action.

Le souci du détail au sein des jeux est sidérant.©SEGA (Yakuza Kiwami)

Le fait de pouvoir entrer dans n’importe quel magasin, acheter une canette à un distributeur automatique, choisir un plat au restaurant ou vaquer à toutes sortes d’activités annexes était franchement révolutionnaire dans le contexte de l’époque.

Kiryû est loin d’être le seul protagoniste à être mis en avant dans le cadre de cette adaptation.©Prime Video / SEGA

Yakuza a aussi marqué durablement les joueurs pour ses intrigues construites comme des polars et ses cinématiques à rallonge. Des choix qui étaient pour le moins audacieux dans le cadre d’un jeu vidéo, mais qui se révèlent tout à fait adaptés au format sériel. L’adaptation diffusée sur Prime Video parvient d’ailleurs à trouver le ton juste pour approfondir tous les points de vue, quitte parfois à s’éloigner longuement de celui de Kiryû.

Une réinterprétation de l’histoire

Sur le papier, le soft de SEGA a toujours eu les arguments pour revendiquer une adaptation en drama ou en série. Le réalisateur Takashi Miike s’y était même attaqué en 2007 dans son film Yakuza : l’ordre du Dragon. La série Prime Video a l’avantage de la durée pour prendre le temps de développer les aspirations de chaque personnage, à la fois dans le présent de l’année 2005 et dix ans plus tôt.

L’intrigue jongle constamment entre le passé de 1995 et le présent de 2005.©Prime Video / SEGA

Le spectateur en apprend donc bien plus sur leur passé, même si cela bouleverse parfois les faits déjà établis. Tout commence d’ailleurs par un casse qui tourne mal, mais ce drame génère davantage de questions que de réponses. Et il faut attendre quasiment la fin de la série pour comprendre. L’un des moments les plus importants de l’histoire est ainsi complètement revisité sur le plan de la mise en scène et de la musique, dans un style qui ferait presque penser à celui de Tarantino.

Les personnages sont facilement identifiables pour ceux qui connaissent déjà les jeux.©Prime Video / SEGA

En cela, l’adaptation s’affranchit dès le début du fil rouge clairement établi dans le jeu vidéo, ce qui a le mérite de rendre l’intrigue difficilement prévisible, même pour les connaisseurs. Car les rebondissements sont légion, quitte à contredire parfois ce que l’on croyait savoir. Et les figures féminines occupent une place cruciale dans le développement de l’histoire, même si certains choix risquent de surprendre.

Des combats toujours aussi percutants ?

La série en prise de vues réelle ose ainsi s’approprier les événements clés sur lesquels repose la construction du personnage de Kazuma Kiryû pour en livrer sa propre définition. Le protagoniste y gagne une certaine fragilité tout en assumant sa fascination aveugle pour un monde qui ne fera pourtant que le priver de sa liberté. Sa montée en grade se fait évidemment au travers de confrontations aux poings dans des combats illégaux, mais les scènes d’action sont loin d’être aussi prédominantes que dans les jeux.

Les confrontations n’interviennent qu’avec parcimonie.©Prime Video / SEGA

On reconnaît tout de même certaines frappes signatures du futur « Dragon de Dojima » et une tendance à l’improvisation qui témoigne d’un sens inné du combat du jeune homme. Le tatouage qu’il arbore dans le dos est en passe d’être achevé, mais n’est-il pas déjà trop tard pour échapper à l’emprise d’un monde qui a juré sa perte ?

Toujours dans l’ombre de Kiryû, Nishiki souffre en silence de cette mise à l’écart qui finira par se muer en haine farouche. Moins présent que dans le film de Takashi Miike, le chien fou Goro Majima semble attendre son heure, sans doute pour ne pas éclipser l’instabilité de Nishiki, dont l’évolution constitue l’un des points les plus marquants de la série.

Le point de non-retour ?©Prime Video / SEGA

Les combats à grande échelle ne manquent pas de revisiter discrètement le principe des « Heat Actions » qui consistent dans les jeux à interagir avec les objets du décor pour varier les attaques avec des « finish moves » spectaculaires. La violence est aussi atténuée par la volonté de Kiryû de ne pas tuer, ses frappes n’étant jamais létales pour ses adversaires, en vertu du code d’honneur qu’il s’efforce de suivre à la lettre.

Fini de jouer

Afin de ne pas trahir l’esprit de l’œuvre originale, la série a dû trouver le ton juste pour s’adresser à un public adulte tout en restant moins subversive qu’un GTA (Grand Theft Auto). Il manque peut-être à cette adaptation en live action la pointe de comédie qui venait contrebalancer la cruauté du milieu du crime organisé au sein des jeux. Mais cet élément-là était finalement peu présent dans le tout premier volet, ce qui peut expliquer le choix du réalisateur de ne pas s’y risquer.

Comment les fans vont-ils accueillir l’ajout de certains éléments inédits ?©Prime Video / SEGA

De la même façon, les amateurs d’action auraient forcément aimé se délecter de davantage d’empoignades fantaisistes, avec l’utilisation d’éléments extérieurs saugrenus mettant K.O les malfrats dans les règles de l’art. Mais les combats proposés misent davantage sur un réalisme assumé pour ne pas perdre en crédibilité.

©Prime Video / SEGA

Une condition essentielle pour offrir une immersion authentique dans l’envers du Japon contemporain à travers une galerie de personnages immédiatement reconnaissables, ce qui n’empêche pas l’introduction d’éléments inédits. Voilà sans doute la principale valeur ajoutée de cette adaptation qui reste parfaitement recommandable à ceux qui ne connaîtraient aucun des volets de la franchise.

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