Dans son nouveau roman, Michel Bussi nous emmène en Guadeloupe et reste fidèle à ce qu’il sait faire de mieux : le thriller.
Un thriller sur fond de magie noire. C’est plus ou moins de cette façon que l’on pourrait présenter Les Assassins de l’aube. L’auteur d’Un avion sans elle ou d’Au soleil redouté nous plonge dans la moiteur de la Guadeloupe, quatre ans après avoir exploré les Marquises.
Au cœur de la Guadeloupe
Nous sommes en avril 2024 et, sur l’île, une série de meurtres est commise. Le commandant Valéric Kancel (sur lequel le roman se focalise très vite), épaulé par ses adjoints, doit trouver le coupable, mais également se questionner quant à ce qui pourrait lier les victimes. Car si, en apparence, ces dernières ne se connaissent pas, il s’agirait de comprendre pourquoi le mystérieux meurtrier les a choisies. Plus encore, il faut saisir pourquoi l’assassin tue à l’aube…
Pour cela, Valéric Kancel cherche à démêler le vrai du faux. Il se penche alors sur le passé de l’île et l’on commence à comprendre que le tueur sévit dans des « lieux de mémoire liés aux pires moments de l’histoire », notamment de l’esclavagisme.
« Les assassins peuvent-ils reposer en paix dans la terre ensanglantée par leur crime ? »
Michel Bussi
À partir de cela, Michel Bussi nous raconte un morceau de la Guadeloupe et apporte une texture inédite à son histoire. On découvre ainsi des récits que tout le monde ne maîtrise pas. Par exemple, celui des patronymes d’esclaves, choisis et inventés par les employés de l’état civil de l’époque.
Assez rapidement, Aimé Césaire est évoqué, comme une boussole qui éclaire le titre, lequel provient du poème Nouvelle bonté. À ce décor, Michel Bussi ajoute une toile de fond : la magie noire. On fait alors la connaissance d’un personnage de quimboiseur, autrement dit, aux Antilles, une sorte de sorcier.
« En 1848, près de 90000 esclaves ont été affranchis en Guadeloupe et les autorités locales ont reçu l’ordre de leur trouver un nom de famille. »
Michel Bussi
En mêlant les codes classiques du thriller à un décor en apparence paradisiaque, l’auteur normand met donc la mémoire coloniale en lumière et ne se limite pas. Il nous parle ainsi de colibris, d’acomat boucan (un arbre des Caraïbes), de balaous frits et de jupes madras. Car ici, la Guadeloupe se trouve ailleurs…
Un thriller de haute voltige
On le sait, Michel Bussi a l’art de transformer ses histoires en page turner. De toute évidence ici, il est fidèle à ce que l’on aime dans ses livres : se sentir emporté. En effet, Les Assassins de l’aube s’inscrit parfaitement dans ce genre de roman où, en une phrase, tout peut basculer. Et on le sait. À la moitié du roman, on se prend au jeu. Dès qu’un chapitre commence, on sait qu’il ne faut pas lire la fin, car les rebondissements peuvent être partout, à chaque coin de phrase. Le tout dans une forme d’harmonie notable et particulièrement plaisante à lire.
« Il cherche à évaluer la probabilité que cela puisse être un hasard, une coïncidence. Sauf que, dans une enquête, les coïncidences n’existent jamais. »
Michel Bussi
Car c’est là la force du roman : Michel Bussi use mais n’abuse pas des marqueurs du suspense. Il a l’art des points de suspension là où il le faut et maîtrise sur le bout des doigts l’alternance de temps forts et de récit plus classique. De ce fait, Les Assassins de l’aube garde un certain équilibre du début à la fin, notamment grâce au chapitrage, calibré en fonction des jours qui avancent, à la manière d’une éphéméride. Pour appuyer cette mise en forme, l’auteur précise les heures ainsi que les lieux, afin de mesurer le déroulé de la journée pour tous les personnages (plutôt nombreux).
Cette mise en exergue du temps qui passe rythme le récit, mais participe également à construire une ambiance de pur thriller. Pour le commandant Valéric Kancel, la course contre la montre est une affaire quotidienne et on ne sait jamais qui sera la prochaine victime sur la liste…
Au fond, comme tous les livres qui posent des questions plus qu’ils n’apportent de réponse, Les Assassins de l’aube est un plaisir de lecture qui, sous couvert de thriller, possède parfois la texture d’un document.
Les Assassins de l’aube, Michel Bussi, Presses de la Cité, en librairie le 10 octobre, 408 pages, 22,90€.
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