Fin septembre, Intel a dévoilé la puce neuromorphique Loihi 2. Fait pour ressembler dans son fonctionnement au cerveau humain, ce type de processeur attise la curiosité des chercheurs et des entreprises, qui y voient déjà des applications potentielles dans des domaines variés.
Comme son nom l’indique (ou pas), une puce neuromorphique mime le fonctionnement du système nerveux humain et notamment celui du cerveau. Un ordinateur traditionnel a une architecture dite « de Von Neumann », c’est-à-dire que la partie mémoire (le stockage) et la partie processeur (les calculs) sont séparées. Les informations sont traitées de manière séquentielle et synchrone, basée sur une fréquence d’horloge régulière. C’est un fonctionnement qui diffère du cerveau humain par sa rigidité.
Dans le cas d’un processeur neuromorphique, les différents « neurones » (un million pour Loihi 2) communiquent entre eux, permettant un traitement de l’information en parallèle, asynchrone et basé sur des événements. En clair, les processeurs neuromorphiques ayant la capacité de traiter les informations de manière irrégulière, ils ont une meilleure capacité d’adaptation aux événements. Au-delà d’une puissance accrue, cette puce a plusieurs avantages.
Plus puissante, plus rapide, moins énergivore
Le fait de pouvoir calculer en parallèle un grand nombre d’informations à n’importe quel moment est une évolution en termes de rapidité d’exécution des calculs et de la complexité de ceux-ci. L’utilisation d’algorithmes plus complexes pourra être jusqu’à dix fois plus rapide. L’ordinateur aura ainsi la possibilité d’apprendre et de s’adapter avec moins de latence, voire en temps réel.
Ce type de communication directement entre neurones artificiels est donc plus efficace que la communication des ordinateurs traditionnels, où les informations doivent sans cesse faire des allers-retours entre la mémoire et le processeur. Cette efficacité se traduit aussi par une consommation d’énergie moins importante.
Plusieurs projets déjà à l’étude
Parmi les secteurs intéressés par l’informatique neuromorphique, il y a d’abord la médecine. En 2020, Intel a soutenu un projet lancé par une université et un hôpital pédiatrique en Israël : un bras robotique monté sur un fauteuil roulant pour aider les personnes handicapées dans certaines tâches de la vie quotidienne. L’utilisation de la puce Loihi devrait permettre la création d’un bras robotique intelligent qui s’adapte à son utilisateur. La faible consommation d’énergie des puces neuromorphiques est un autre avantage de taille, puisqu’elle permettrait de diviser le prix par 10 et de recharger la batterie de l’appareil plus rapidement. D’autres utilisations médicales sont envisagées, tout particulièrement pour des prothèses, ou pour adapter le dosage de médicaments en temps réel en fonction de facteurs comme le taux de glucose ou d’insuline.
Toujours à l’affût des nouveautés technologiques, le domaine de la sécurité voit aussi plusieurs utilisations potentielles des processeurs neuromorphiques. Selon des chercheurs en robotique de l’université de Zurich, ils pourraient rendre les drones plus autonomes et plus précis, par exemple pour explorer une zone sinistrée et repérer des victimes.
En 2020, des chercheurs d’Intel Labs et de l’université de Cornell ont réussi à doter la première version de Loihi d’un « odorat » pour avertir de la présence de produits chimiques dangereux. Cette capacité pourrait être élargie à la recherche de drogues et d’explosifs ou pour diagnostiquer certaines maladies.
La cybersécurité n’est pas en reste, puisque la capacité d’apprentissage en temps réel serait d’une grande aide pour détecter les virus et autres malwares tout en consommant moins d’énergie. Une caractéristique qui a son importance pour ce type de logiciel, qui doit être actif en permanence.
L’industrie automobile pourrait aussi utiliser ce type de puces pour des raisons sécuritaires, notamment pour des systèmes de freinage d’urgence ou pour détecter si une pièce de la voiture est défectueuse.
Aujourd’hui, ces puces restent des prototypes et ne sont pas commercialisées. Intel a tout de même franchi un pas important dans cette direction avec Loihi 2, en mettant à disposition un logiciel libre pour les chercheurs et les développeurs.
Le fait qu’un ordinateur puisse avoir un fonctionnement semblable au cerveau humain, d’autant plus s’il commence à avoir des sens comme l’odorat et le toucher, peut inquiéter et soulever des problématiques sociales et bien entendu éthiques. Qu’on se rassure : il n’est pas question ici d’ordinateurs pourvus d’émotions, encore moins de conscience. Ils demeurent des ordinateurs, du moins pour le moment.