L’année 2024 a très bien commencé pour les passionnés de cinéma, de biopic et de musique avec Bob Marley: One Love, consacré à l’idole du reggae, et se poursuit en ce mois d’avril avec Back to Black. Sam Taylor-Johnson nous dresse le portrait de la chanteuse Amy Winehouse disparue en 2011. Exercice populaire, mais pas toujours simple, le biopic reste une valeur sûre du cinéma.
| Pour plonger dans les coulisses de l’histoire : Le Discours d’un Roi
Dans la monarchie anglaise contemporaine, on a souvent mis en lumière Élizabeth II, deuxième règne le plus long d’Europe, à l’image du film The Queen. Mais en 2010, Tom Hooper axe les projecteurs sur son père : George VI, qui régna notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. Une période où le Royaume-Uni se retrouve vite seul à lutter contre l’oppresseur allemand et qui a donc plus que jamais besoin d’un leader charismatique. Problème, le Prince Albert souffre de bégaiement depuis toujours et se retrouve contraint de monter sur le trône après l’abdication de son frère Édouard VII. Une situation d’autant plus complexe que le spectre du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale commence à pointer le bout de son nez.
Épisode longtemps méconnu de l’histoire britannique, Le Discours d’un Roi s’intéresse à la relation que mène le souverain avec un orthophoniste aux méthodes peu orthodoxes, Lionel Logue. Un Colin Firth souverain et futur Oscarisé face à un Geoffrey Rush taquin : la rencontre de deux mondes que tout oppose fait mouche dans un biopic puissant et émouvant.
| Pour taper du poing sur la table en musique : Bohemian Rhapsody
Après le Roi, place à Queen. Tout comme elle attire les fans par milliers lors des concerts, la musique fait aussi son effet dans les salles obscures. Si l’on ne compte plus les biopics consacrés à de grands noms de la chanson, impossible de ne pas citer l’un des phénomènes de ces dernières années : Bohemian Rhapsody. Consacré à la rock star Freddie Mercury, membre éminent du groupe Queen, le long-métrage est certes romancé et inexact par moments, mais n’en demeure pas moins un récit fascinant sur l’un des plus grands artistes et showmans du XXe siècle. Porté par la prestation habitée de Rami Malek, qui remportera logiquement l’Oscar du Meilleur Acteur, le film à la production chaotique est à savourer encore et encore, ne serait-ce que pour la bande-son qui donne envie de chanter et taper du poing devant l’écran.
Mention spéciale à la performance historique du groupe lors du Live Aid de 1985, reproduit dans sa quasi-intégralité et fascinant de mimétisme. Surtout, le film souligne avec brio ce qui a fait de Queen le groupe emblématique qu’il est : une volonté de communiquer avec son public et d’innover sans cesse, à l’image de l’intriguant (à l’époque), mais entêtant hit Bohemian Rhapsody.
| Pour assister à la naissance d’un phénomène : The Social Network
Comment une plateforme permettant aux étudiants d’Harvard de se connecter entre eux a-t-elle donné naissance à un réseau social rassemblant près de 3 milliards d’utilisateurs ? Comment, après une rupture, le jeune Mark Zuckerberg a-t-il bouleversé les rapports sociaux ?
Sous la houlette de David Fincher et du scénariste Aaron Sorkin, The Social Network fascine, par l’histoire d’un phénomène mondial né dans une chambre étudiante, autant qu’il fait froid dans le dos, à l’image de son “héros” insaisissable, focalisé sur sa réussite et hermétique aux événements. Véritable mythologie du XXIe siècle, le film glamourise la figure du geek, longtemps associée à la comédie voire à la moquerie, qui prend sa revanche sur les classes plus huppées.
| Pour mieux comprendre l’univers : Une merveilleuse histoire du temps
Le récent succès public et critique d’Oppenheimer l’a démontré : même la science peut se révéler être haletante. Tout comme le père de la bombe atomique, de nombreux scientifiques ont connu une vie si incroyable qu’un biopic permet de la faire découvrir au plus grand monde. Physicien théoricien, reconnu pour ses travaux sur l’étude des trous noirs, Stephen Hawking alla même jusqu’à recevoir la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile accordée aux États-Unis. Diagnostiqué très jeune d’une sclérose puis totalement paralysé, le scientifique apparu dans de nombreux shows fut le sujet du film Une merveilleuse histoire du temps, de James Marsh.
Incarné par Eddie Redmayne, on y découvre sa jeunesse, sa lutte contre la maladie, ses premières découvertes et son histoire d’amour avec Jane, sa première épouse. Sans jamais verser dans le pathos, le long-métrage s’intéresse surtout à l’histoire d’un couple face aux difficultés du quotidien, qui n’a jamais lâché et s’est battu pour une chose plus précieuse que les découvertes et les récompenses : le temps.
| Pour honorer le patrimoine français : Gainsbourg, vie héroïque
Parce qu’il n’y a pas que les Américains ou les Britanniques qui peuvent s’enorgueillir d’avoir connu des artistes incroyables, la France sait aussi jouer au jeu du biopic musical. Un jeu dans lequel Olivier Dahan ou Florent Emilio-Siri se sont démarqués avec La Môme et Cloclo, portés par les prestations bluffantes, comme une réincarnation, d’Édith Piaf et Claude François. Et en parlant de réincarnation, impossible de ne pas citer celle de Serge Gainsbourg. L’auteur-compositeur et interprète, celui que l’on surnommait « L’Homme à la tête de chou », célèbre autant pour ses paroles cultissimes que pour ses frasques, se devait d’avoir son propre biopic. Et c’est devant la caméra de Joann Sfar que l’artiste reprend vie, mais dans une approche bien différente d’un biopic classique.
Apportant son amour pour la BD avec lui, Joann Sfar narre la vie de l’artiste, de son enfance à ses derniers succès, en l’accompagnant de son double maléfique, créature en carton-latex surnommée « La Gueule ». Comme un parfait sosie, Éric Elmosnino, qui décrochera dans la foulée le César du meilleur acteur, ne joue pas seulement Gainsbourg, il EST Gainsbourg.
À ses côtés, les plus grands artistes de son époque l’ayant côtoyé sont entraînés dans cette formidable odyssée, de Jane Birkin (Lucy Gordon) à Brigitte Bardot (Laëtitia Casta), en passant par Juliette Gréco (Anna Mouglalis) et Bambou (Mylène Jampanoï). Car, dans la tradition des films romantiques parisiens, Gainsbourg, vie héroïque n’oublie pas de mettre en lumière (et en chansons) le rapport passionné qu’eut Gainsbourg avec les femmes.
| Pour une leçon sur l’égalité : Harvey Milk
Ascension, politique et drame sont trois thèmes qui font généralement mouche dans un biopic efficace. Narrer le combat d’Harvey Milk, premier homme politique américain ouvertement gay à être élu à des fonctions officielles dans les année 1970, dont le combat pour la tolérance et l’intégration des communautés homosexuelles lui coûta la vie, est assurément de ceux-là.
Charismatique, reconnu pour son franc-parler, son énergie et ses compétences politiques, celui que l’on surnommait « le maire de Castro Street » mena notamment un projet de loi visant à interdire la discrimination en matière d’emploi, de logement et d’hébergement public fondée sur l’orientation sexuelle. Une loi adoptée en mars 1978 et encore aujourd’hui l’une des plus strictes du pays en matière de droits de la communauté homosexuelle.
| Pour se défouler : Raging Bull
L’histoire classique de l’homme qui gravit les échelons, arrive jusqu’au sommet, connaît enfin la gloire avant de dégringoler, emporté par ses démons, est terriblement efficace et forcément du pain béni pour un biopic. Bien avant Le Loup de Wall Street (plus bas), Martin Scorsese s’intéresse déjà à ce déroulé dans Raging Bull, biopic sur la vie du boxeur Jake LaMotta.
Véritable tragédie shaekespearienne sur l’autodestruction, réalisée après un épisode sombre de la vie de Martin Scorsese, Raging Bull est un somptueux mélange entre le film sportif et celui de gangster, deux univers où la tension est souvent au plus haut – ce que l’on ressent parfaitement tout au long du film. Parmi les performances les plus marquantes de Robert De Niro, qui prit 20 kilos de muscles et 27 kilos de gras pour le film pour finalement décrocher l’Oscar du meilleur acteur, Raging Bull est saisissant de réalisme, comme souvent chez Scorsese. Bref, un véritable uppercut !
| Pour plonger dans la société américaine : Malcolm X
Tout comme Martin Luther King, lui aussi sujet à divers biopics, Malcolm X fait partie des grands noms de l’histoire américaine. Parmi les icônes des mouvements afro-américains pour abolir les discriminations raciales aux États-Unis, cet orateur et militant politique s’est battu toute sa vie pour une prise de conscience internationale sur la condition des Afro-Américains et une évolution favorable de cette condition. Un combat et une vie rendus d’autant plus mémorables par l’assassinat de ce dernier en 1965 en plein discours public.
Une figure que le réalisateur Spike Lee, dont la filmographie s’axe souvent autour de cette communauté et des problèmes sociaux et identitaires, a immortalisée dans un biopic poignant en 1992. Icône du nationalisme noir, brillant orateur, orphelin passé par le gangstérisme et la prison… Chaque étape-clé de la vie de Malcolm X est passée au crible et incarnée avec justesse par Denzel Washington.
| Pour tout comprendre à la finance : Le Loup de Wall Street
Gangs of New York, Aviator, Les Infiltrés, Shutter Island ou plus récemment Killers of the Flower Moon… Quand le tandem Martin Scorsese – Leonardo di Caprio s’associe pour un film, on tient généralement l’un des grands rendez-vous cinéma de l’année. Un fait qui se confirme à nouveau en 2013 avec Le Loup de Wall Street. Inspiré de l’histoire réelle du courtier en bourse Jordan Belfort, dont l’ascension fut aussi incroyable que la chute violente, le long-métrage a révélé au grand public Margot Robbie, devenue l’une des actrices les plus influentes d’Hollywood.
Surtout, le rôle de Jordan Belfort, golden boy prêt à tout pour gagner toujours plus, est l’occasion pour Leonardo di Caprio d’offrir une nouvelle performance habitée et totalement dingue, qui lui vaudra une nomination à l’Oscar du meilleur acteur. Monstre de vulgarité et d’avidité, le personnage de Jordan Belfort n’en demeure pas moins fascinant à suivre, et c’est peut-être là la plus grande réussite de ce film au casting exceptionnel (Jonah Hill, Kyle Chandler, Jon Bernthal, Jon Favreau, Matthew McConaughey et même Jean Dujardin).
| Pour ne jamais oublier les horreurs du passé : La Liste de Schindler
Parmi les plus grands noms du cinéma, Steven Spielberg est l’homme derrière des films cultes tels que Jurassic Park, Les Dents de la Mer, Rencontres du troisième type, E.T. L’Extra-terrestre, Il faut sauver le soldat Ryan, sans oublier la mythique saga Indiana Jones. Véritable touche-à-tout, le réalisateur américain a su s’illustrer aussi bien sur les films de science-fiction que sur les films d’aventure, mais aussi les drames historiques. Concernant ce dernier registre, son plus beau fait d’armes demeure assurément La Liste de Schindler, adaptation du roman biographique de Thomas Keneally.
L’évocation des années de guerre d’Oskar Schindler, fils d’industriel d’origine autrichienne ayant protégé des juifs en les faisant travailler dans sa fabrique et sauveur de 800 hommes et 300 femmes du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau demeure une véritable leçon d’humanité et de courage sur l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire. Dans ce qui reste certainement l’un de ses meilleurs rôles, Liam Neeson incarne avec justesse cet homme ambigu, tantôt occupé à sauver des Juifs, tantôt occupé à s’enrichir grâce à eux et sur le dos des Nazis.
Outre des scènes iconiques et la réalisation en noir et blanc rendant le propos encore plus important, le long-métrage, comme souvent avec Steven Spielberg, brille également par sa bande-son, que l’on doit à son fidèle collaborateur John Williams (Star Wars, Jurassic Park et Indiana Jones). Classé 8e dans le Top 100 du prestigieux American Film Institute, La Liste de Schindler est à la fois un classique du cinéma, un modèle de réalisation et une émouvante leçon d’histoire, pour ne jamais oublier cet épisode sombre.
