Portée par la voix soul de Beth Ditto, de son vrai nom Beth Patterson, Gossip vient rompre un long silence de 12 ans avec Real Power, un sixième album résolument pop et énergique, renfermant quelque ballades entêtantes et tubes disco-rock.
Fondé à Olympia, dans l’État de Washington, en 1999, par trois amis qui partageaient le même appartement – la chanteuse Beth Ditto, le guitariste Nathan Howdeshell et la batteuse Kathy Mendonca –, Gossip trouve l’inspiration dans des groupes comme Nirvana, Siouxsie ou The Raincoats. Imprégné de la mouvance punk-garage, le trio dévoile son premier album That’s not What I Heard, en 2001, puis Movement en 2003, à la suite duquel Hannah Blilie prend le relais de Kathy Mendonca à la batterie.
Dans ces deux opus bruts, de niche, la voix de Beth Ditto se distingue déjà. Mêlant rock et soul, elle s’épanouit totalement dans Standing in the Way of Control (2006), révélant toute son ampleur pour mieux résonner au-delà des frontières américaines, jusqu’en Europe. En insufflant dans ce disque des accents disco, le groupe entame un virage qui se radicalise avec la sortie en 2009 de Music for Men : un point de non-retour.
Issu de cet album, le tube Heavy Cross réussit un tour de force : rassembler les fans de grunge et d’Abba, et propulse Beth Ditto au rang de star, mais une star toute particulière qui assume ses rondeurs et son homosexualité, des thèmes récurrents dans ses chansons. S’ensuit sans surprise A Joyful Noise (2012), puis… silence radio !
Un retour inespéré
Mais voilà ! En 2024, sans prévenir ou presque, le groupe revient avec le single Real Power. Cet appel au lâcher-prise évoque la musicalité de KISS et rend hommage au Raw Power (1973) d’Iggy and the Stooges.
Beth Ditto y livre sa réaction positive face aux manifestations Black Lives Matter survenues à Portland – ville où elle a résidé un temps –, qui ont suivi le meurtre de George Floyd, le 25 mai 2020. Elle y célèbre le pouvoir de la famille, celle que nous choisissons et qui nous soutient quoi qu’il advienne.
La suite de Music for Men
Se présentant désormais à travers une esthétique visuelle trash évoquant ses débuts, le groupe poursuit pourtant dans la voie du disco-rock ouverte avec Standing in the Way of Control (2006), en y apportant une touche électro en plus.
Désormais, Beth, Nathan et Hannah ont franchi la barre des 40 ans et ont connu des divorces ou des deuils. Tous ces événements ont naturellement nourri l’enregistrement de cet opus malgré tout énergique et renfermant quelques tubes parmi lesquels l’électrique et poignant Turn the Card Slowly qui clôt l’album, ou le puissant et funky Give it up for Love, petit frère de Heavy cross.
Une belle liberté, mais peu de risques
Pourtant attendu au tournant, Gossip a composé et enregistré l’album à l’instinct, dans le studio de Rick Rubin, à Hawaï, face à l’océan, sans se soucier des codes des genres. Ainsi, il s’est autorisé quelques rares subtilités hawaïennes entendues à la radio.
Le titre d’ouverture Act of God brouille les pistes. La chanson ne marque en rien une conversion au puritanisme ambiant, Beth Ditto rectifie le tir en avouant ne pas croire en Dieu. Par métaphore, elle célèbre juste ces retrouvailles joyeuses en studio avec ses acolytes, qui relevaient selon elle du miracle. Empreint d’un son Motown psychédélique et rythmé par une batterie répétitive, il marque un furtif retour aux sources, mais le deuxième titre, Crazy Again vient démentir une telle orientation.
Real Power est résolument pop, au sens noble du terme. Beth Ditto y apparaît toutefois plus sage, dans ce titre notamment où la singularité de sa voix semble s’effacer. Heureusement, la chanteuse reprend son souffle avec Dont Be Afraid, puis surtout, dans Edge of the Sun, un titre étonnant dont la mélodie évoque la musique country et dans laquelle retentit, comme un clin d’œil au passé, ce fameux « Ou ou ou » de Heavy Cross.
Mélodique, l’album l’est assurément. Preuve en est avec la ballade Light It Up qui, à la première écoute passe presque inaperçue, mais qui au fil des écoutes se révèle parfaitement entêtante. Ces deux titres se distinguent de la discographie du trio par l’utilisation de chœurs surprenants, qui montrent bien que Gossip ne s’interdit rien et jouit d’une totale liberté.
Néanmoins, les Peace and Quiet et Tough un peu trop mous cassent le rythme, celui auquel nous avait habitué le groupe. Finalement, Gossip se révèle assez prévisible, plus posé. Sa fougue et sa hargne se sont un brin essoufflées, mais Real Power contient suffisamment de pépites pop pour ne pas être boudé.