Après Spectacle alimentaire en attendant la pension, Laurie Peret est de retour avec un nouveau seule-en-scène baptisé À bientôt, quelque part, dans lequel elle se dévoile avec humour et en musique. C’est dans les loges, en pleine session de maquillage, que L’Éclaireur a rencontré l’artiste pour discuter de cette nouvelle création intime.
Pourquoi revenir avec un second spectacle seulement un an après le premier ?
J’avais conscience que c’était compliqué de revenir sur un deuxième spectacle rapidement, parce que l’on t’attend, mais je me suis dit : “Plus je vais attendre, plus ça va être stressant.” Je voulais y retourner tout de suite, car je ne voulais pas perdre la dynamique dans laquelle j’étais avec le premier spectacle.
Comment s’est déroulé le processus créatif de ce nouveau spectacle ?
Il a été très angoissant parce que je me suis demandé ce que j’avais à raconter. J’ai une vie assez riche en rebondissements [rires]. Mais j’avais un peu ce syndrome de la page blanche, c’est pourquoi j’ai décidé d’en parler avec mes amis. Je ne savais pas par où commencer, mais mon entourage m’a conseillé de parler de ma vie.
C’était complètement possible, car dans mon premier spectacle j’incarnais un personnage, c’était de la fiction. Avant À bientôt, quelque part, on ne savait rien de ma vie, on ne savait pas qui j’étais. C’est venu comme une évidence, c’était une véritable page blanche.
J’ai écrit le premier spectacle très chronologiquement. J’écrivais un sketch, puis je me demandais ce que mon personnage allait dire. Je me disais : “Tiens, elle va raconter ça, puis raconter ça, et puis tout fabriquer comme ça.” Je n’ai pas fonctionné ainsi pour le deuxième spectacle. J’ai écrit quelque chose sur mes animaux de compagnie, puis sur ma maison, puis un autre sketch sur mes 40 ans et les infections urinaires… Tout cela s’est formé comme un puzzle.
Chez moi, j’avais un grand tableau blanc sur lequel j’écrivais tous les titres des sketchs, puis il a fallu les assembler avec des connecteurs. Si on reprend le spectacle, on réalise qu’il pourrait fonctionner même dans un autre sens. Il faut venir voir le show deux ou trois fois pour saisir à quel point certains passages résonnent entre eux ! Le moment où je parle de mes origines, c’est le seul sketch qui n’est pas encore parfaitement réglé.
Justement, c’est une partie du spectacle très forte. Vous dévoilez les circonstances de votre naissance. Comment l’avez-vous appréhendé durant l’écriture ?
J’ai fait un gros travail avec ce sketch. Je me suis demandé jusqu’où je voulais aller, car je ne voulais pas être impudique sur le fait que je sois née grâce à une insémination artificielle au black. Quand je suis montée sur scène la première fois en rodage, c’était difficile, et beaucoup trop long [rires]. Je m’arrêtais en plein milieu d’une phrase. Dans ma tête, en même temps, quelqu’un disait : “Laurie, on ne raconte pas ça !”
« Ça m’a fait du bien de me dire que je ne suis pas seule. Oui, c’est atypique, mais je ne suis pas seule. En voyant tous ces messages de remerciements, je me dis que ce sketch servait à quelque chose, sans forcément que je devienne un symbole. »
Laurie Peret
Est-ce un sujet difficile à aborder aujourd’hui sur scène ?
Dans la vraie vie, c’était difficile, car c’était un sujet qui me complexait beaucoup. Le fait d’en parler sur scène m’a fait beaucoup de bien, car ça ne complexait que moi. Bien sûr que tout le monde sera d’accord pour dire que c’est atypique, mais ils ne m’ont finalement jamais regardée comme une extraterrestre. Le public ne retient même pas ça du spectacle, ça devient anecdotique.
Avez-vous longtemps hésité à l’idée d’intégrer cette histoire intime dans le spectacle ?
Ce n’était pas du tout l’un des premiers thèmes mis sur le tableau, mais plusieurs choses sont sorties sur les réseaux, pas sur moi directement, mais sur la PMA [procréation médicalement assistée, ndlr], les personnes nées de la même manière que moi, ou encore des gens qui ont subi des violences gynécologiques. À ce moment-là, j’ai réalisé que quelqu’un pouvait un jour s’emparer de mon histoire. J’ai donc préféré prendre les devants et la raconter moi-même.
Espérez-vous que cette histoire personnelle puisse aider à sensibiliser le public, notamment à la notion de PMA ?
Je ne le vois pas forcément comme ça. Je ne veux pas non plus que l’on se focalise uniquement sur cette parole. Quand j’ai fait mon interview chez Quotidien, on m’en a beaucoup parlé sur le plateau et par la suite, sauf que je ne veux pas que l’on assimile cela à un aspect mercantile. Quand j’ai posté la vidéo de mon passage dans l’émission, je savais que ça allait faire beaucoup de bruit, mais j’ai reçu plein de messages en privé de gens qui me remerciaient et qui me racontaient leur histoire, leur naissance.
Ça m’a fait du bien de me dire que je n’étais pas seule. Oui, c’est atypique, mais je ne suis pas seule. En voyant tous ces messages de remerciements, je me dis que ce sketch sert à quelque chose, sans forcément que je devienne un symbole. Peut-être aussi que ça servira dans le futur, mais quand bien même ça s’arrêterait là, je suis contente que ça ait pu aider des gens. Je voulais aussi banaliser ce qui est chelou. On a pas besoin de connaître ses origines pour savoir qui l’on est. Au contraire, ça peut être une force. C’est peut-être ça, la morale de l’histoire !
Dans votre précédent spectacle, vous incarniez un personnage, ici c’est votre intimité que vous dévoilez. Qu’est-ce qui est finalement le plus difficile ?
Le plus difficile c’est de se raconter, mais c’est le plus agréable aussi ! Bizarrement, j’ai créé un personnage parce que j’avais le trac. Aujourd’hui, j’ai moins de stress, alors que je ne me cache plus. C’est peut-être bizarre… Honnêtement, je prends plus de plaisir à jouer ce spectacle que le premier. À l’heure où on se parle, on est dans les loges, à quelques heures du spectacle, et je commence déjà à être excitée ! J’ai l’impression que je vais retrouver chaque soir des amis à qui j’ai de bonnes vannes à raconter.
Comment décririez-vous votre spectacle, en trois mots ?
Je trouve qu’il est rafraîchissant et qu’il fait du bien. C’est comme une thérapie pour moi. Il fait aussi du bien aux gens. Il est authentique, car je n’invente pas ma vie. Même si je pousse le curseur, j’ai quand même essayé de rester le plus proche de moi-même et de mes expériences. Quand je parle de ma période financière difficile, c’est vrai, quand je parle du fait qu’aujourd’hui j’ai une maison, c’est vrai aussi.
Beaucoup d’artistes ont d’ailleurs du mal à parler du fait qu’ils gagnent de l’argent, mais je trouve qu’il faut le dire. Bien sûr, nous ne sommes pas millionnaires et tous les humoristes travaillent beaucoup, mais, en même temps, je ne vais pas m’inventer une vie dans un HLM avec des galères du ghetto. Certains artistes ont eu du mal à évoquer ce step mais je trouve que c’est ça qui est intéressant. J’adore dire que je suis une ancienne “caillera” qui gagne bien sa vie, et que je vis dans une zone pavillonnaire avec des vieux codes de caillera. C’est tellement drôle à raconter !
Je dirais aussi que le spectacle est très rythmé. Mon débit de parole est une note vocale écoutée à la vitesse de 1,5 [rires]. Je suis très contente du rythme. Musicalement aussi, je suis fière de ma proposition. C’est à la fois joli et les textes sont travaillés.
En parlant de la musique, justement. De plus en plus d’artistes mélangent stand-up et musique. Comment pouvez-vous expliquer cette tendance ?
Je ne saurais pas l’expliquer, mais je pense que chacun doit trouver son authenticité ou son originalité. Au départ, j’étais très complexée de chanter sur scène, car pour certaines personnes le stand-up ne pouvait pas se mélanger avec le piano-voix. J’ai souvent songé à aller sur scène sans piano. Puis, j’ai réalisé que c’était ça que j’aimais faire. Je ne peux pas l’envisager sans !
« J’envisage vraiment ce spectacle comme un rencard durant lequel on va apprendre à se connaître. »
Laurie Peret
Qu’est-ce qui est le plus difficile : composer des chansons ou écrire un sketch ?
Je mets plus de temps à écrire un sketch qu’une chanson. Les chansons m’obsèdent et je peux rester toute une nuit dessus. Elles m’habitent dès que j’ai un air dans la tête. J’ai vraiment passé des soirées entières à composer. Par exemple, j’ai passé beaucoup de temps sur Amour et incarcération, parce que je voulais qu’elle soit très pointue et drôle. J’ai aussi beaucoup réfléchi à la dernière, À bientôt, quelque part, parce que je voulais qu’elle boucle le spectacle.
Cette dernière chanson fait d’ailleurs référence au titre du spectacle, comment vous est-il venu ?
J’étais chez moi avec une amie. Je répétais le spectacle devant elle, je lisais mes notes, on rigolait, on réfléchissait, et là, d’un coup, on a dit le titre en même temps : “À bientôt quelque part !” On s’est levées d’un coup, l’éclair de génie ! Ce titre rassemble tout ce que j’ai envie de raconter. J’envisage vraiment ce spectacle comme un rencard durant lequel on va apprendre à se connaître.
Qui sont les artistes qui vous inspirent aujourd’hui dans l’humour ?
Je n’ai pas vraiment de références, mais il y a des gens que j’adore. Par exemple, je suis très fan de Dave Chappelle, même si j’aime moins ses derniers spectacles. Finalement, les gens qui m’inspirent le plus sont ceux avec qui je traîne. J’ai des amis extrêmement marrants. Par exemple, quand j’écris des sketchs, dans ma manière d’écrire, je pense à mes copains. Ça rejoint ce que je disais tout à l’heure, ce spectacle, c’est comme une énorme blague que tu racontes à tes amis.
Quel est votre dernier coup de cœur culturel ?
Je voudrais faire un gros big-up à Aymeric Lompret et Benjamin Tranié ! J’ai tellement envie de voir leurs spectacles. Par contre, j’ai également vu le Cirque du Soleil, c’est formidable. Et sinon, en ce moment, je suis à fond sur la série De sang et d’argent.
À bientôt, quelque part, de Laurie Peret, à la Nouvelle Ève, à Paris jusqu’au 30 mars 2024 et en tournée dans toute la France, du 5 avril 2024 au 25 mars 2025.