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Le nouveau souffle des littératures nordiques

24 janvier 2024
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Le nouveau souffle des littératures nordiques
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Les autrices et auteurs scandinaves et islandais enchantent cette rentrée hivernale et bousculent les stéréotypes du polar sanglant.

Une longue nuit qui semble éternelle, de la neige à perte de vue, des tueurs aux procédés terrifiants et des inspecteurs torturés qui se débattent avec leurs fantômes : voilà à quoi, pendant des années, on a cantonné la littérature nordique en France. Jo Nesbø en Suède, Arnaldur Indriðason en Islande, Jussi Adler-Olsen au Danemark : tous les grands noms du roman islandais et scandinave officiaient dans le polar et le roman noir sanglant.

Mais depuis quelques années, de nouveaux venus se défont avec brio des stéréotypes pour emmener la littérature nordique vers d’autres territoires fictionnels. Tour d’horizon en cinq livres sublimes de cette rentrée d’hiver d’un éblouissant renouveau littéraire.

| Mon sous-marin jaune, de Jón Kalman Stefánsson

Le fer de lance de cette libération, de ce nouveau souffle, c’est lui. Depuis longtemps déjà, Jón Kalman Stefánsson détonne dans le paysage littéraire nordique. Révélé aux yeux du monde avec une trilogie romanesque composée d’Entre ciel et terre (2007), La Tristesse des anges (2011) et Le Cœur de l’homme (2013), l’écrivain islandais est devenu le fer de lance d’une littérature poétique et ésotérique qui mêle fresque envoûtante des paysages, récits familiaux empreints de folklore et de traditions, et réflexion méta sur l’écriture.

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Dans Ton Absence n’est que ténèbres, son précédent roman paru il y a deux ans, les Beatles servaient de bande-son à une ambitieuse chronique familiale se déroulant sur plus d’un siècle. Cette fois les Quatre garçons dans le vent deviennent un sujet à part entière et Paul McCartney, la figure centrale d’une troublante autofiction.

Août 2022. Un écrivain qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Jón Kalman Stefánsson aperçoit dans un parc de Londres son idole, le héros de sa jeunesse, le chanteur des Beatles. Il doit absolument aller lui parler. Mais, avant de réaliser son rêve, il doit mettre de l’ordre dans sa tête. C’est le début d’une déambulation mélancolique dans les souvenirs d’une vie vécue, parfois rêvée. Mon sous-marin jaune est un livre loufoque, audacieux, une confession autobiographique à la fois drôle et bouleversante.

| Les Détails, d’Ia Genberg

Et si c’était cela le pouvoir des grands livres : convoquer les souvenirs, se remémorer parfaitement l’instant où l’on a dévoré leurs pages ? Pour l’héroïne de la Suédoise Ia Genberg, c’est la relecture de La Trilogie New-Yorkaise qui va précipiter un voyage dans le temps ébouriffant. Clouée au lit, fiévreuse, elle se replonge dans l’œuvre de Paul Auster et voit débarquer les fantômes de sa vie d’avant. Sa vingtaine dans les années 1990 et ces quatre rencontres qui ont marqué à tout jamais sa vie.

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Promenade intime et touchante d’une jeune femme gagnée par la mélancolie : Les Détails rappelle par moments le film de Joachim Trier, Julie (en 12 chapitres) et résonne en écho avec Mon année de repos et de détente d’Ottessa Moshfegh. Dans une grande fresque vintage, la romancière salue avec nostalgie cette dernière décennie sans Internet, où les relations humaines étaient passagères, fiévreuses, instables et donc forcément inoubliables.

| Les Filles du chasseur d’ours, d’Anneli Jordhal

Elles sont sept sœurs, les sept filles d’un chasseur d’ours légendaire qui vivent depuis leur naissance au cœur de la forêt, déscolarisées, loin des villes et de la civilisation. En haillons, leur longue chevelure rousse au vent, le muscle saillant, elles passent leurs journées à arpenter les bois, se battre et chasser. Quand un jour, le père ne rentre pas de la chasse, un grain de sable vient se loger dans les rouages de cette vie sauvage et la violence s’immisce dans une fratrie féroce guidée par ses instincts. D’autant qu’on ne peut éternellement vivre coupé des autres et il suffit parfois d’un pas dans le « vrai » monde pour changer notre rapport à la nature, à soi et aux autres.

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Au cœur de la Finlande contemporaine, Anneli Jordahl nous emmène hors des sentiers battus, au pays des rites et des légendes. Roman noir mâtiné de nature writing, Les Filles du chasseur d’ours est un conte social et féministe vénéneux qui interroge notre part d’animalité et la confronte aux forces occultes de la sororité.

À la manière du Captain Fantastic de Matt Ross, le roman questionne le poids écrasant de l’éducation dans nos destinées et met en scène la fracture irrémédiable entre le sauvage et la civilisation.

| Magma, de Thóra Hjörleifsdóttir

144 pages. Des chapitres courts. Des phrases couchées à la hâte comme si elles étaient griffonnées dans un journal intime ou confiées dans l’urgence à une amie. Magma porte bien son nom, fruit d’une éruption intime, déchirante, courageuse. Sans tabou, avec une sincérité désarmante et des trémolos dans la voix, Lijla, une étudiante de 20 ans, nous raconte en instantanés sa relation toxique avec un homme plus âgé, beau et intelligent, passé maître dans l’emprise.

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Ce premier roman signé par l’Islandaise Thóra Hjörleifsdóttir est éprouvant parce qu’il raconte la descente aux enfers d’une jeune femme qui goûte pour la première fois à l’amour. Or, l’amour ne devrait pas avoir ce goût-là. Coupée du monde, sans cesse rabaissée, humiliée, Lijla se scarifie pour exorciser sa douleur. Elle choisit l’autodestruction lente. Et le pire dans tout cela, c’est qu’elle n’arrive pas à en vouloir à cet homme, elle lui serait même presque reconnaissante d’être toujours à ses côtés. Et le lecteur se met à bouillir, prêt à exploser, priant pour qu’elle prenne conscience de cette odieuse réalité. Rarement on avait disséqué les mécaniques de l’emprise avec autant de puissance et de vérité.

| Le Plus Petit Dénominateur commun, de Pirkko Saisio

On aurait pu parler ici de La Trilogie de Copenhague de Tove Ditlevsen, qui paraît depuis le mois de novembre aux éditions Globe, mais c’est finalement La Trilogie d’Helsinki de Pirkko Saisio qui remporte nos suffrages. Le Plus Petit Dénominateur commun est la première pierre d’un troublant édifice autofictionnel.

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À la mort de son père, la romancière, scénariste et dramaturge, une des figures de l’intelligentsia artistique finlandaise, décide de se confronter à ses souvenirs et de revisiter son enfance à l’aune de sa vie d’adulte. À la troisième personne, comme un symbole de la fluidité qui dicte sa vie, l’autrice raconte ses jeunes années et fait revivre cette petite fille qui se débat avec sa manière d’être au monde, qui se rêve en garçon. En toile de fond, elle dessine une grande fresque de la capitale finlandaise, ville riche mais complexe. Les mémoires touchantes d’une dure à queer.

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