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Morris aurait eu 100 ans cette année : histoire de la naissance d’une légende

10 janvier 2024
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Morris aurait eu 100 ans cette année : histoire de la naissance d’une légende
©Archives Franck Perry/AFP

Cela fait plus de 75 ans qu’il tire plus vite que son ombre et envoie les Dalton en prison. Cow-boy solitaire à l’humour aussi efficace que son pistolet, Lucky Luke est ce héros avec lequel de nombreuses générations ont grandi. Un personnage né de l’imagination d’un jeune Belge fan de Mickey et Tintin…

Certains auteurs collectionnent les chefs-d’œuvre comme on collectionne les billes à la récré. D’autres laissent une trace majeure dans leur domaine grâce à une seule œuvre, celle qui traverse les générations et continue d’inspirer plusieurs décennies après sa naissance. Maurice de Bevere, mieux connu sous le nom de Morris, est assurément de ceux-là.

Un passionné de l’animation

Son chef-d’œuvre à lui est un poor lonesome cowboy, un pauvre cow-boy solitaire flanqué de son fidèle cheval Jolly Jumper, et qui est réputé dans le Far West pour tirer plus vite que son ombre : le seul et l’unique Lucky Luke. Un héros créé par ce fils de fabricant de pipes, né le 1ᵉʳ décembre 1923 à Courtrai, en Belgique. Polyglotte, passionné par l’animation et qui travaille déjà, du haut de ses 20 ans, comme encreur puis illustrateur.

Des personnages qui ont dépassé les frontières de la bande dessinée… et de la Belgique.©Flickr

Car le dessin, c’est sa passion. Fan de Mickey, qu’il lit en anglais dans le Mickey Mouse Weekly, des Pieds nickelés et d’Hergé – à tel point qu’il redessine dans un cahier l’album Tintin au pays des Soviets –, le jeune Belge veut être dessinateur, ce que son père ne comprend pas, tant le métier est précaire. Mais, à force de persévérance, la réussite ne met pas longtemps à pointer le bout de son colt.

Au chômage après la fermeture du studio d’animation Compagnie belge d’actualités (CBA) en 1945, quelques mois seulement après son arrivée, il est rapidement embauché par les éditions Dupuis, pour lesquelles il a publié quelques dessins dans les hebdomadaires Le Moustique et Spirou, sous le pseudonyme de Morris. Il rejoint l’aventure avec ses amis André Franquin et Eddy Paape. L’un reprendra bientôt Spirou et Fantasio tandis que l’autre s’illustrera avec Les Aventures de Jean Valhardi.

Les rêves d’un cinéphile couchés sur papier

Mais le jeune Morris a une idée bien précise en tête : il veut créer son propre héros. Celui qu’il a imaginé lors de son passage à la CBA à travers quelques croquis. Grand, élastique, solitaire, toujours prêt à se battre avec son air de dur à cuire… Lucky Luke est né ! Physiquement différent de son créateur – et pas seulement parce qu’il n’a que quatre doigts –, celui qu’on appelle la gâchette la plus efficace de l’Ouest est donc un cow-boy qui fait ses débuts dans l’Almanach 47 du journal Spirou avec l’histoire Arizona 1880.

La raison derrière ce choix ? Le jeune Maurice de Bevere est passionné depuis toujours par les États-Unis et les westerns, lui qui rêvait, enfant, de vivre comme les garçons vachers. Les aventures de Lucky Luke sont ainsi un moyen pour l’auteur de partager et de coucher sur le papier ses rêves de grands espaces et de décors majestueux. Rythmées, ces péripéties sont aussi teintées d’humour, comme dans les films burlesques de Buster Keaton, de Charlot ou de Laurel et Hardy.

Quand le papa d’Astérix rencontre celui de Lucky Luke.©Peters, Hans/Anefo

En 1948, l’aventure Lucky Luke prend un grand tournant en devenant réelle… Morris part pour un grand voyage aux États-Unis. Aux côtés de Joseph Gillain, dit Jijé, maître à dessiner de Spirou, qui craint une troisième guerre mondiale en Europe, Morris y voit l’occasion de découvrir les décors et les méthodes de travail des auteurs aux États-Unis, qu’il considère comme le pays de la bande dessinée.

Après avoir sillonné le Far West, Morris prend la direction de Manhattan, où il s’installe. L’occasion de découvrir le rythme si particulier de la métropole, de fréquenter un cinéma spécialisé dans les dessins animés ou encore de dévorer des ouvrages sur l’histoire américaine à la New York Public Library, où il découvre notamment l’épopée tragique des frères Dalton.

Morris-Goscinny, la collaboration enrichissante

Bien plus qu’une source d’inspiration, ce chapitre américain est aussi l’occasion pour Morris de rencontrer un futur grand nom de la bande dessinée : René Goscinny. Celui qui se contente à l’époque de colorier à la main des cartes postales devient un compère de choix pour Morris, puisque Goscinny sera le scénariste de Lucky Luke à partir du neuvième album de la série, Des rails sur la prairie, publié en 1955. Cette même année, Morris fait son grand retour à Bruxelles.

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Mais l’aventure en terres américaines est décidément riche en rencontres, puisque Morris y fait la connaissance d’une bande de dessinateurs, Jack Davis, William Elder, John Severin et Harvey Kurtzman, qui sera à l’origine du magazine satirique MAD. Des artistes qui convainquent le papa de Lucky Luke de donner aux aventures du cow-boy un ton plus ironique et une technique autour de la couleur plus travaillée.

Une inspiration que Morris honore à sa manière, en donnant des noms proches de ceux des dessinateurs aux fameux frères Dalton : Joe, Jack, William et Averell. Alors que René Goscinny revisite avec humour l’histoire des États-Unis, comme il le fera avec la France et d’autres pays dans Astérix, Morris se consacre pleinement au dessin. Leur collaboration s’étale sur 40 albums, jusqu’au décès de René Goscinny en 1977.

Des aventures toujours plus savoureuses et pleines de détails.©Lucky Comics 2018

Mais qu’il s’agisse des huit premiers albums signés du seul Morris, de ceux de cette collaboration emblématique ou de ceux qui ont suivi, une chose n’a jamais changé : le succès. Depuis 1946, les aventures de Lucky Luke ont été publiées dans 80 albums, vendues à plus de 300 millions d’exemplaires et traduites en plus de 20 langues. En ajoutant également les adaptations en films et dessins animés, et les projets dérivés, le cow-boy imaginé par ce garçon fan de westerns n’a jamais cessé d’attirer les fans, génération après génération.

Et le générique de fin n’est pas pour tout de suite, comme le prouve la récente sortie du dernier album, Les Indomptés, dans lequel notre héros au chapeau affronte une famille de brigands. Pas si mal pour un lonesome cowboy

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