Les liens entre la bande dessinée et le comics ne sont plus à démontrer, tant nombre de couvertures d’albums cultes ont été signées par des illustrateurs en vogue. Mais saviez-vous que le contraire est également vrai ?
De nombreuses personnalités musicales se sont essayées à l’écriture du côté du 9ème art, parfois avec un certain succès, particulièrement dans le monde du rock.
Fin janvier 2024, le célèbre rappeur Kid Kudi se retrouvera propulsé scénariste d’une ambitieuse série chez Image Comics, avec Moon Man, une aventure spatiale largement inspirée de son propre personnage scénique. Un récit qui s’annonce assez ambitieux, illustrée par Kyle Higgins (Radiant Black, Batman, Captain America…), et présentée en grande pompe par l’éditeur américain à la dernière Comic Con. Il faut dire que ce genre de stratégie consistant à prendre une star de la musique comme auteur de BD peut s’avérer payante : dans le monde du rock, c’est même une tradition bien ancrée.
Dès les années 90, faire rimer hard rock et comics
Il existe des exemples plus anciens. Néanmoins, c’est bien dans les années 90 que l’idée germe chez de nombreux musiciens de s’improviser auteur de comics. Il faut dire que l’époque s’y prête bien : à cette époque, la vente de BD est à la peine aux USA, et les éditeurs cherchent de nouveaux noms et de nouveaux concepts. Les vedettes de la musique, elles, en pleine ère de gloire de la starification façon MTV, multiplient les produits dérivés. Et beaucoup d’entre eux ont grandi avec des comics de super héros entre les mains.
C’est par exemple le cas de la légende du hard rock (et du cinéma d’épouvante) Rob Zombie, qui a très tôt utilisé sa notoriété pour s’improviser auteur de comics particulièrement gores, sortes de versions revisitées des Contes de la Crypte avec sa série Spookshow, largement inspiré de l’imaginaire horrifique développé dans ses chansons. Dans le même genre, on peut également citer les histoires courtes imaginées et dessinées à la fin des années 90 par Archer Prewitt (du groupe The Sea and The Cake) qui gagneront une certaine notoriété.
Il n’est donc à ce titre pas non plus surprenant de voir un spécialiste du marketing comme Gene Simmons (Kiss) signer dès le milieu des années 90 des BD à la gloire de son groupe. S’il s’agit au départ d’un “simple” prêt de son image livrée à d’autres scénaristes, le rocker a depuis signé de nombreuses œuvres sous son nom et via sa propre maison d’édition, oscillant entre le monde de l’horreur (House of Horrors) et des œuvres érotiques axées sur le monde du BDSM (Zipper, Dominatrix).
Entre autofiction et imagination
Dans les années 2000, ces initiatives se sont multipliées, avec des approches globalement plus variées qu’une mise en scène loufoque de la vie d’un groupe ou des nouvelles horrifiques cherchant à choquer. Plus libres, les rockers se tournent volontiers vers des formats plus singuliers. C’est par exemple le cas de Courtney Love, qui publie avec le concours de la dessinatrice Ai Yazawa le manga Princess Ai publié entre 2004 et 2008. Une œuvre largement autobiographique qui tranche avec les tentatives précédentes du genre.
Ou encore de la saga de science-fiction The Armory Wars, écrite par Claudio Sanchez (Coheed and Cambria) et publiée ponctuellement depuis 2002 pour assurer un lien thématique et scénaristique entre les albums du groupe.
Dans un registre assez différent mais tout aussi remarquable par sa liberté de ton et son originalité, citons le très étrange Umbrella Academy de Gerard Way (My Chemical Romance) publié à partir de 2009. Un récit fantasque revisitant les mythes de super-héros avec un ton plus gothique et mélancolique qui sera remarqué, puis adapté par Netflix dans une série télévisée à très gros budget.
Un peu moins remarqué, mais tout de même salué par la critique : le roman graphique One Model Nation, largement inspiré par l’histoire du groupe Kraftwerk et scénarisé par Courtney Taylor-Taloy (The Dandy Warhols) en 2009. Des réussites qui vont inciter des dizaines d’autres personnalités du rock américain à se lancer dans l’exercice dans les années suivantes.
Des exemples qui se multiplient, mais des succès rares
C’est au début des années 2010 que l’explosion du format à lieu : les maisons d’éditions de comics recrutent des chanteurs et des paroliers de rock à tour de bras, le plus souvent pour des mini-séries assez peu ambitieuses. C’est le cas de la série post-apocalyptique Orchid, scénarisée par Tom Morello (Rage Against The Machine) qui peinera à gagner de la notoriété à sa sortie en 2011.