Critique

Pax Massilia : que vaut la nouvelle série Netflix qui se déroule à Marseille ?

06 décembre 2023
Par Thomas Laborde
“Pax Massilia” est disponible depuis le 6 décembre sur Netflix.
“Pax Massilia” est disponible depuis le 6 décembre sur Netflix. ©Netflix

Olivier Marchal, l’ancien flic, acteur-réalisateur depuis 30 ans, sort une nouvelle série en six épisodes. À Marseille, des flics que rien n’arrête traquent des gangsters que rien n’arrête. Au bord du précipice, les démons des uns des autres. Brutal et efficace, mais sans nouveauté ni finesse.

Son nom seul, déjà, porte en lui une fièvre. Une chaleur entre les humains comme entre ces derniers et les éléments naturels. Une générosité dans le phrasé, dans le verbe local, dans les cales des embarcations revenues d’une campagne de pêche au large. Des bruits. De klaxons, de moteurs, d’oiseaux, de noms d’oiseaux pour ponctuer les échanges. Les bruits de la rue et ceux du vent qui porte les voix de la Méditerranée ou les fumets de la Provence. Les bruits de ceux qui trinquent, qui traînent, qui commercent, qui commèrent, qui tracent, qui s’enlacent, qui s’agacent. Le bleu clair de la mer et celui des maillots de l’OM. Le jaune du Soleil et celui des pastis comme des panisses.

Le gris étincelant des écailles de poissons et celui du métal des chantiers navals. Marseille s’agite, Marseille palpite, Marseille excite. Et enveloppe d’une douce fièvre dont on voudrait tous être malades, réconfortés par la Bonne Mère qui, toujours, là-haut, veille. Marseille invite au voyage. Et au fantasme. Il y a ceux qui rêvent de s’y encanailler, d’y sentir le souffre.

Ceux qui craignent d’y poser le pied et de le perdre d’une balle perdue. Marseille, ville de flics troubles, territoire de gangsters sanguinaires, fief de notables cupides, tous insatiables. Les médias et la fiction, souvent plus que l’actualité, ont alimenté ces visions manichéennes d’une terre exaltante et complexe. Jusqu’à créer une mythologie terriblement ancrée dans l’imaginaire collectif.

Têtes brûlées et vies cramées

Un regard sombre et peu affiné que déploie l’auteur-réalisateur, Olivier Marchal, ancien de la PJ de Versailles lui-même, dans un certain nombre de ses créations, Marseille ou pas. Le voilà de retour sur Netflix et à Marseille – après Bronx, unitaire sorti sur la plateforme en 2020 –, cette fois avec Pax Massilia. Un mystérieux criminel sans foi, ni loi, ni nom met les quartiers de Marseille à feu et à sang et les inonde de cailloux de crack au détriment des organisations déjà en place, bientôt enragées.

©Netflix

Une équipe de flics – aux méthodes pour le moins interlopes, très soudée et convoquée toutes les cinq minutes par sa supérieure qui ne pourra bientôt plus rien pour elle – se met à traquer le gangster sauvage, quitte à arroser la ville entière de douilles de fusils mitrailleurs. Sur le chemin, des fantômes du passé, des démons à exorciser, des erreurs à expier, des transgressions à assumer.

Au milieu, des trahisons, des morts, des avocats véreux… En somme, le trombinoscope habituel du polar. Et la recette coutumière, efficace – disons-le – du grand flic du cinéma français : de l’action testostéronée, une narration nerveuse, des existences cassées, des gueules fracassées qui raclent le bitume et sentent la poudre. Et des punchlines. Trop de punchlines, lâchées de façon mécanique, à grand renfort d’expressions surannées comme « baveux » et « poulets ». L’auteur charge cette formidable langue marseillaise, vivante et emblématique, jusqu’à parfois l’enlaidir.

©Netflix

Qu’importe la conviction et l’énergie du casting, lui, très réussi : Tewfik Jallab (le chef de troupe ingérable, mais qui réussit – presque – toujours), Jeanne Goursaud (la petite nouvelle qui débarque et dont personne ne perçoit les réelles intentions), Idir Azougli (le mec connecté au quartier), Olivier Barthelemy (le gentil soldat), Lani Sogoyou (la bonne pote rock’n’roll), Moussa Maaskri (dont le personnage crie des « ferme ta gueule » toutes les deux phrases) et Nicolas Duvauchelle (visage creusé, animé par une vengeance aveugle, magnétique) – inoubliable et frénétique Wachevski dans Braquo, déjà d’Olivier Marchal.

Le personnage oublié

Difficile, cependant, de ne pas établir une symétrie avec la série tout aussi musclée de Canal+, BRI. Exemple, parmi tant d’autres : Emmanuelle Devos y jouait la patronne, ici, c’est Florence Thomassin. Mais Pax Massilia oublie son personnage principal, celui qui brille de mille feux, celui qui doit embarquer dans sa fièvre : Marseille. La ville s’efface au profit de relations artificielles entre collègues et frères ennemis. Les rues y sont vides et ne servent qu’à des règlements de compte furieux et déchaînés relativement peu discrets.

©Netflix

Chaque pavé se voit ou se verra indubitablement noyé du sang d’un type qui a beaucoup d’ennemis, d’un jeune qu’on a forcé à parler ou d’un enfant qui n’a, évidemment, rien demandé. Dégun la veut, en fait, cette pax (paix) à Massilia (Marseille). La série souffre d’un manque paradoxal : les personnages manquent de finesse et le décor, d’épaisseur. Marseille n’est qu’une toile de fond, éventuellement utilisée pour séduire le public étranger.

Il est probable que ça marche : Pax Massilia, malgré quelques rebondissements abusifs, se révèle parfois un divertissement tapageur, qui ravira les amateurs du genre.

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Article rédigé par
Thomas Laborde
Thomas Laborde
Journaliste