Jamais deux sans trois ! Le « kid » de Créteil au flow rétro et singulier, Eddy de Pretto, revient le poing levé et le cœur à découvert avec Crash Cœur, un nouvel album qui porte bien son nom, brillamment formaté et engagé. Critique.
« Dites-moi comment répondre à tous ceux qui font comme si ça n’existait pas ! / Aidez-moi à sortir l’arc-en-ciel qui sombre encore et toujours sous les gravats / Je les entends me parler, je les entends me crier. »
Encouragé par les œuvres et l’assurance de « Rimbaud, Verlaine, Elton, Genet, RuPaul, Frank, Freddie, ou Warhol« , Eddy de Pretto dévoile Crash Cœur, un concentré de chansons urbaines entêtantes, impudiques et accrocheuses.
Comme son nom l’indique, il y est question d’amour sous toutes ses formes : sucré, désespéré, lucratif, violent, fané… mais jamais mièvre. « Un peu de love et de tendresse / Pour essuyer le temps qui blesse / Pour rattraper le temps qui presse », ces vers issus de la chanson Love’n’tendresse résument assez bien l’état d’esprit de l’auteur sur cet album aussi intime qu’universel.
De la Fête de trop à Crash Cœur
« Sur les fêtes de trop / La mort sans retour / Sur tout ce qui nous sépare / J’irai cracher mon cœur. » Avec ces mots, la chanson Crash <3, un must de cet album, fait le pont entre ses débuts et aujourd’hui. Cette fameuse Fête de trop l’a révélé en juin 2017, avant que Le Kid, hymne audacieux qui déconstruit les clichés de la virilité masculine, ne suive en octobre. Eddy de Pretto y affichait sans complexe son homosexualité, le thème de son premier opus Cure (2018).
Pour autant, l’auteur refuse d’endosser le rôle de porte-drapeau de la communauté LGBT, mais tient à pouvoir raconter dans ses textes sa vie, sa réalité, comme n’importe quel autre artiste. La jeunesse francophone s’y retrouve et les reprend en chœur lors de ses concerts ou de ses apparitions dans de nombreux festivals.
Un cœur fait de sang
Avec ce nouvel opus, Eddy de Pretto explore le moindre de ses désirs, des sonorités R’n’B à des textes à la fois crus et écorchés, sur des rythmes parfaitement orchestrés. Cette liberté de ton, il la doit à son envol. En 2022, il écrit un nouveau chapitre en fondant son propre label, Otterped Records, soit de Pretto à l’envers. Affranchi des contraintes émanant des gros labels, en l’occurrence Romance, entité d’Universal Music France, il aborde sa fraîche indépendance dans le titre éponyme de l’album, Crash <3.
Un argument marketing ? Évidemment ! Mais Eddy de Pretto sait en jouer à merveille. Son Crash Cœur est certes formaté, entre autres pour les bandes FM, mais l’artiste a un talent inédit pour parler à tous, viser juste et nous toucher. Ce cœur, qui nous anime tous, bat la mesure. Fil conducteur de l’album, le mot y résonne de manière récurrente, comme une pulsation. Mais chez Eddy de Pretto, le cœur n’est pas édulcoré, il est vivant et fait de sang.
Ses chansons illustrent parfaitement l’aphorisme de Blaise Pascal, « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », à l’image des paroles de Maison : « Je t’ai donné le cœur, t’ai donné les mots / Même quelques rancœurs, si seulement c’était assez / Tu m’as donné le fouet, m’as dit que j’étais bon / Qu’à aimer dans la douleur, si seulement tu savais. » Ces mots bouleversent d’autant plus quand ils sont accompagnés du piano cher à Eddy de Pretto.
Le piano omniprésent
Le piano était justement au cœur de son spectacle Love Factory, une dystopie fascinante dévoilée en janvier 2023 à la Maison de la Radio, lors de l’Hyper Weekend Festival. Ici, il est omniprésent. Il se situe parfois en arrière-plan d’arrangements pop ou R’n’B’, d’autres fois sur le devant de la scène comme dans Crash <3, Heureux :))) et évidemment Eau de vie, un beau et malicieux duo avec Juliette Armanet, le seul du disque.
Le trentenaire ne s’est pas affranchi de son côté candide, il l’exploite même avec humour pour adoucir ses textes souvent crus, mais profonds. Désormais producteur et directeur artistique, l’auteur-compositeur-interprète jouit totalement de ses multifonctions. Ainsi, il use de nombreux artifices musicaux avec maîtrise, mais de peu d’esbroufe.