À l’issue d’un procès de cinq semaines, le fondateur de la plateforme d’échange de cryptomonnaies a été reconnu coupable des sept chefs d’accusation retenus contre lui.
Un rêve qui a tourné au cauchemar. Tout a commencé l’année dernière. Alors que FTX était la deuxième plateforme du monde crypto et que son fondateur, Sam Bankman-Fried, était milliardaire, le média CoinDesk révèle qu’une part considérable d’Alameda Research, société sœur de de la plateforme, est constituée de la cryptomonnaie créée par celle-ci, le FTT. Une révélation qui a provoqué la chute de ce cryptoactif et de l’empire du fondateur surnommé SBF.
Arrêté aux Bahamas en décembre, il est accusé de fraude, d’association de malfaiteurs et de blanchiment d’argent. Il vient d’être reconnu coupable des sept chefs d’accusation retenus contre lui.
Des crimes commis sans états d’âme
Sam Bankman-Fried n’est pas le seul impliqué dans cette affaire. Trois dirigeants clés de son empire ont plaidé coupable de fraude et accepté de collaborer avec la justice : Caroline Ellison, Gary Wang et Nishad Singh. Anciens associés et amis de SBF, ils ont livré des témoignages accablants lors du procès.
Ex-petite amie du fondateur de FTX, Caroline Ellison était la directrice générale d’Alameda Research de 2021 à 2022. Cette société est accusée d’avoir utilisé les fonds des clients de la plateforme en toute illégalité afin de financer des projets risqués. Au total, ce sont quelque 14 milliards de dollars qui ont été siphonnés sur les comptes de FTX, selon Caroline Ellison. Comme l’a rapporté l’AFP, lors du procès, elle a décrit Sam Bankman-Fried comme capable de puiser dans ces fonds sans états d’âme. « Il était le patron d’Alameda et le propriétaire d’Alameda et il m’a donné des instructions pour commettre ces crimes », a-t-elle déclaré.
« Sam est un personnage formidable, mais j’en suis venu à me méfier de lui ».
Nishad SinghAncien chef de l’ingénierie de FTX
Affirmant que SBF a mis en place le système ayant permis de pomper les fonds des clients, elle a fait savoir que même lorsqu’elle était à la tête d’Alameda, elle lui soumettait les décisions majeures. « Il était la personne à qui je rapportais (…) Il aurait pu me licencier, s’il l’avait voulu », a indiqué Caroline Ellison. Elle a également expliqué qu’outre les clients de FTX, des investisseurs de la plateforme et des créanciers d’Alameda ont aussi été trompés sur l’état des finances des deux sociétés.
SBF en charge de toutes les décisions
Alors que SBF a tenté de charger ses anciens collaborateurs, les accusant d’incompétence ou de l’avoir averti trop tard ou insuffisamment sur la situation financière d’Alameda, Gary Wang a affirmé qu’il avait continué à suivre de près le fonctionnement de la société, jusqu’au dépôt de bilan. Lors de son audition, le cofondateur de FTX a déclaré que SBF savait qu’Alameda avait volé 8 milliards de dollars aux clients. Il a reconnu avoir écrit le code informatique de la plateforme qui a permis à la société sœur de détourner les fonds des clients, avec Nishad Singh, à la demande de l’ancien milliardaire dès 2019, année où FTX a été fondée.
« Sam Bankman-Fried a commis l’une des plus grosses fraudes financières de l’histoire des États-Unis ».
Damian WilliamsProcureur fédéral de Manhattan
Ancien chef de l’ingénierie, Nishad Singh a déclaré que SBF avait entre autres utilisé cet argent pour acheter des biens immobiliers de luxe et pour payer des athlètes comme Tom Brady et Stephen Curry, qui étaient ambassadeurs de la plateforme. « Sam est un personnage formidable, mais j’en suis venu à me méfier de lui », a-t-il indiqué, expliquant avoir découvert l’« énorme » trou de 8 milliards de dollars deux mois avant la faillite de FTX, comme l’a rapporté le New York Times. Assurant avoir été « aveuglé et horrifié » par ce déficit, Nishad Singh a précisé qu’il ne s’était pas senti mieux après avoir discuté de la situation avec SBF lors de deux réunions privées. Lors de son audition, il a admis avoir eu des pensées suicidaires au moment de l’effondrement de l’empire FTX.
Un témoignage qui peine à convaincre
Continuant de nier les faits qui lui sont reprochés, Sam Bankman-Fried a été entendu par le jury après douze jours de procès. Se défendant en rejetant la faute sur ses anciens collaborateurs et d’autres personnes, il a reconnu quelques « erreurs », dont celle de ne pas avoir mis en place une équipe dédiée à la gestion des risques. Il s’est pourtant retrouvé en situation inconfortable lors de son audition technique – permettant de juger de la recevabilité de son témoignage – la veille, avec des hésitations et des trous de mémoire sur certaines conversations ou la signature de documents.
SBF n’a pas réussi à convaincre le jury, qui l’a reconnu coupable après cinq semaines de procès. Encourant jusqu’à 110 ans de prison pour les sept chefs d’accusation, sa peine sera prononcée en mars prochain. Le fondateur de FTX « clame son innocence et continuera de lutter vigoureusement contre les accusations portées contre lui », a fait savoir son avocat, Mark Cohen, précisant que l’équipe de défense respectait le verdict du jury. Mais, pour le procureur fédéral de Manhattan, Damian Williams, SBF reste celui qui « a commis l’une des plus grosses fraudes financières de l’histoire des États-Unis », avec « un stratagème à plusieurs milliards de dollars conçu pour faire de lui le roi des cryptos ». Affaire à suivre.