[Rentrée littéraire 2023] On résume souvent la rentrée littéraire à des romans. Mais cette période est également très riche lorsqu’on se penche sur les essais ! Entre une réflexion sur la maternité et une enquête sur les nuages, voici cinq essais qui ont retenu notre attention ces dernières semaines.
| Un si gros ventre, de Camille Froidevaux-Metterie
À la fois philosophe, chercheuse et romancière, Camille Froidevaux-Metterie a récemment publié Un corps à soi (en 2021), ou encore son premier roman, Pleine et Douce (en janvier 2023). Dans sa démarche globale d’écriture, l’autrice tente régulièrement de mettre le corps au centre de son chemin de pensée. C’est plus que jamais le cas ici, avec Un si gros ventre.
Camille Froidevaux-Metterie réfléchit ici à tout ce que l’expérience de la grossesse, mais aussi de la maternité, implique. Avec un regard tantôt sociologue, tantôt philosophique, elle évoque les nombreux paradoxes que cela soulève : certitude, doute, bonheur, douleur, etc. Car, plus que jamais, la maternité tient un rôle politique capital. Politique, mais aussi sociétal. Un si gros ventre est également une réflexion collective, étoffée par de nombreux témoignages recueillis en maternité par l’autrice. Grâce à ces paroles, le livre met en relief une certaine idée de la réappropriation de son corps, pour au fond, éclairer avec brio ce que la maternité signifie, et signifiera encore.
| La Fin des nuages, de Mathieu Simonet
La tendance de Mathieu Simonet à teinter ses livres d’autobiographie est le point de départ de ce livre-ci. À mi-chemin entre l’essai et le récit, La Fin des nuages se pose comme la défense d’un statut juridique des nuages. Une telle démarche n’est pas née du hasard : elle part de la mort de Benoît, le mari de Mathieu Simonet, responsable du festival Fnac Live. Chaque année, chaque été, la même question : va-t-il pleuvoir lors de l’événement ? Mathieu Simonet s’en souvient, il s’en souviendra toujours. Mais il va plus loin : est-ce que le dernier souffle de Benoît a eu un impact sur le monde ? Sur les nuages ?
À partir de sa réflexion, Mathieu Simonet développe des théories, mène une enquête fournie, et évoque des concepts clés, tels que la théorie du chaos ou celle de l’ensemencement (accélérer le processus de pluie), pour lesquelles on se prend d’un véritable intérêt. Au milieu de cette quête intime et collective, de plus en plus de questions se posent : peut-on manipuler les nuages ? Quels sont les enjeux politiques des nuages ? À qui appartiennent-ils ? Toutes ces réponses se rejoignent autour des efforts entrepris par l’auteur pour faire reconnaître juridiquement les nuages (notamment auprès de l’ONU et de l’Unesco), mais aussi pour créer la première journée internationale des nuages. Un livre aussi émouvant qu’inspirant.
| Respire, de Marielle Macé
Nous le faisons sans même y penser… Respirer… C’est autour de cette notion que Marielle Macé réfléchit dans ce petit livre. On y réalise notamment que le souffle a plusieurs dimensions, à commencer par une dimension sociale, mise en lumière par la pandémie ces dernières années. Mais, lorsqu’on va plus loin, on réalise que respirer pourrait vouloir dire quelque chose du monde.
Oui, la respiration serait politique, puisque l’air est naturellement partagé. L’air, celui des virus, celui des incendies, dit quelque chose des liens que l’on construit avec les autres. On respire ensemble, et il faut accepter ce constat, dans ses richesses comme dans ses limites. En écho à sa propre histoire, l’autrice de Nos cabanes (2019) mène une réflexion éclairante sur un fondement de la vie, sans jamais s’essouffler.
| En bons pères de famille, de Préparez-vous pour la bagarre/Rose Lamy
On connaît Rose Lamy pour son engagement, inscrit sur le papier avec son précédent livre Défaire le discours sexiste dans les médias (2021). Également connue sur Instagram sous le pseudo Préparez-vous pour la bagarre, elle revient ici avec un livre à la fois intime et politique. Car ce concept de « bon père de famille » reste celui qui, aujourd’hui encore – et parfois de façon surprenante –, structure notre société. Rose Lamy le découvre en comprenant que le terme même n’a disparu du Code civil qu’en 2014.
Comme une unité de mesure, le bon père de famille est donc cette figure par laquelle on pense le système. Celui de Rose Lamy est décédé lorsqu’elle était enfant. Elle qui l’a toujours pensé comme un mythe (par ce qu’on en disait) a finalement découvert qu’il était un homme violent dans le foyer. Mais comment défaire cette notion de « mythe » qui a tendance à minimiser les actes des hommes, à excuser les violences, à créer une classe sociale à part ? Le père de famille reste une représentation très ancrée dans l’imaginaire et dans la loi, et dit quelque chose de notre société patriarcale. Du foyer à la société, il n’y a qu’un pas. De l’intime au politique, aussi.
| Chantiers, je, de Dominique Blanc
Les amateurs et les amatrices de théâtre la connaissent, mais peut-être que certains lycéen·ne·s vont apprendre à la découvrir. Dominique Blanc fait partie de ces figures largement intégrées au paysage de La Comédie-Française. Elle en fait d’ailleurs partie, depuis 2016, et elle en est devenue la 538e sociétaire en 2021. Un moment clé dans son parcours, peut-être autant que celui où elle est devenue, pour la première fois, l’objet d’étude du baccalauréat (spécialité théâtre). En effet, cette année, le parcours et les rôles de Dominique Blanc sont observés, examinés, étudiés par la jeunesse.
C’est la raison pour laquelle la comédienne revient sur sa vie artistique dans Chantiers, je. Après une introduction éclairante sur ses débuts (pas toujours prometteurs), elle axe son livre sur trois pièces marquantes, à travers trois entretiens. De Phèdre à Suzanne (dans Le Mariage de Figaro), en passant par ses rôles dans Angels in America d’Arnaud Desplechin, Chantiers, je met en relief les rencontres, les doutes et les joies qui ont construit la grande comédienne que l’on connaît aujourd’hui.
