Entretien

Arabella McGuigan : “Still Up promettait de devenir une série moderne qui se démarque des autres”

22 septembre 2023
Par Agathe Renac
La série “Still Up” sort le 22 septembre sur Apple TV+.
La série “Still Up” sort le 22 septembre sur Apple TV+. ©Apple TV+

Les producteurs Phil Clarke, Paul Schlesinger et Arabella McGuigan, à qui l’on doit des séries à succès comme I May Destroy You, reviennent avec une nouvelle production : Still Up. Ils nous ont ouvert les coulisses du show à l’occasion de sa sortie sur Apple TV+, ce 22 septembre.

Commençons par la base : tout le monde a déjà entendu parler du métier de producteur ou de productrice sans savoir en quoi il consiste vraiment. Pouvez-vous nous éclairer ?

Paul Schlesinger : C’est une question difficile ! (rires) Ce qu’il faut retenir, c’est que nous travaillons tous ensemble, de manière collective. Par exemple, nous avons développé le scénario de Still Up en équipe, dans une “writing room” avec les scénaristes…

Arabella McGuigan : Nous avons aussi d’autres responsabilités, comme le fait d’être attentif au budget. On ne doit pas dépasser l’enveloppe que la boîte de production nous a confiée au départ – sinon, on se fait gronder (rires). Comme Paul l’a dit, on était tous très impliqués dans ce projet, dès le scénario. Ensuite, les grandes décisions, dont le casting, se sont faites de manière collaborative avec les équipes d’Apple TV+. C’était un plaisir de constituer cette équipe de professionnels et de la diriger pour faire de cette série une petite pépite.

Phil Clarke : Le travail du producteur se fait surtout dans la durée. On est les premiers à entrer dans le projet et les derniers à en sortir. Il y a toujours des (petits et gros) problèmes à gérer au quotidien. Les choses ne se déroulent jamais comme prévu, mais on doit toujours trouver des solutions pour que la production reste sur le bon chemin.

Qu’est-ce qui vous a plu dans Still Up, au point de vous lancer dans l’aventure et de produire la série ?

P. C. : Quand les scénaristes m’ont présenté leur projet, je me suis dit que je n’avais jamais vu une série comme celle-ci jusqu’à présent. C’est une “comédie presque romantique” sur deux amis insomniaques qui échangent durant la nuit. L’idée est juste géniale. Le show était très bien écrit, chaleureux, drôle et intrigant. J’ai donc décidé de me lancer dans cette aventure et de proposer cette série à Apple TV+, qui a pensé exactement la même chose que moi à son sujet.

« Je pense que la nuit attire les mauvaises pensées, c’est le moment où on est hanté par toutes nos peurs. »

Phil Clarke
Producteur

A. M. : Je suis complètement d’accord avec Phil ! Ce qui m’a le plus frappée à la lecture du projet, c’est la relation entre les protagonistes. Leurs conversations sont simples et détendues. Leur relation est très naturelle, mais on a aussi l’impression qu’ils cachent quelque chose. J’ai aussi été séduite par le contexte de tournage. Tout se déroule la nuit, alors que les personnages n’arrivent pas à dormir. Ça permet de réfléchir à des plans très intéressants d’un point de vue visuel et émotionnel. Dès le début, Still Up promettait de devenir une production moderne et qui se démarque des autres.

Vous l’avez dit : la série raconte l’histoire de deux insomniaques qui n’ont rien à voir au premier abord, mais qui vont se rapprocher durant la nuit, au fil des discussions nocturnes. Finalement, les échanges tardifs ne sont-ils pas les meilleurs ?

A. M. : C’est une bonne question. Je pense que ces échanges nocturnes changent surtout la nature de la relation. Dans la série, cette amitié platonique évolue timidement vers quelque chose de plus fort et les personnages réalisent peu à peu qu’ils ont développé des sentiments l’un pour l’autre sans le vouloir. Parfois, ces émotions les surprennent, ils culpabilisent et décident de prendre du recul. Danny est le premier à réaliser qu’il a des sentiments pour Lisa, mais elle préfère les ignorer et ne pas y penser, car l’évolution de leur relation pourrait provoquer un énorme bazar dans sa vie.

Craig Roberts dans Still Up.©Apple TV+

P. S. : Je suis complètement d’accord avec toi. Danny met ses sentiments de côté, car il ne veut pas faire de vagues ni mettre leur amitié en péril. De plus, il a été blessé dans le passé et je pense qu’il veut se protéger d’une nouvelle relation douloureuse. Au fil des épisodes, les personnages sont confrontés à des décisions de plus en plus difficiles qui ont un impact sur leur amitié et sur la relation qui les lie.

A. M. : Mais la série n’est pas déprimante pour autant ! Au contraire. Il y a un juste milieu entre des moments très drôles et d’autres, plus émouvants. Je pense que les épisodes 6, 7 et 8 marquent un tournant dans la série et nous poussent à nous poser de nombreuses questions.

La série est née lors d’une conversation tardive entre les deux créateurs du show, qui n’arrivaient pas à dormir et qui discutaient pour passer le temps. Quelle est la dernière idée brillante qui vous est venue durant la nuit ?

A. M : J’en ai eu quelques-unes durant le montage de Still Up ! Ce dernier nous a demandé beaucoup de temps – ce qui est normal. À la fin de la journée, nous quittions la salle avec des questions plein la tête et des problèmes à résoudre. Je me réveillais souvent à quatre heures du matin en me triturant l’esprit à ce sujet avant de finalement trouver la solution en me disant : “Ok, on va coller cette séquence avec cette séquence et ce sera réglé !” (rires)

P. S. : Beaucoup d’idées me viennent durant la nuit et je les trouve géniales sur le moment. Le matin venu, je regarde mes notes et je me dis : “Oh, mince, je ne dois jamais montrer ça à personne !” Je suis désolé, mais je ne peux pas vous partager de pensée exclusive ou brillante aujourd’hui.

Antonia Thomas dans Still Up.©Apple TV+

P. C. : Je pense que le développement d’une série implique nécessairement des nuits blanches. On ne peut pas y échapper. Piloter ce genre de production est comme un voyage. Au début, le projet est super excitant. Ensuite, vous commencez à travailler dessus et vous êtes à fond dedans. Puis vient le moment où vous vous remettez en question en vous disant que tout est nul et que c’était finalement une très mauvaise idée. Vous vous demandez pourquoi vous vous êtes lancé dedans, vous vous persuadez que ça va être un désastre. Finalement, à force de cogiter, vous finissez par vous dire que vous aviez raison dès le début et que ça va être un super show. Je pense que la nuit attire les mauvaises pensées, c’est le moment où on est hanté par toutes nos peurs. Mais cette expérience fait partie du processus de création et nous permet d’avancer !

Que retenez-vous de cette expérience ?

A. M. : Pour moi, ce sont les personnes avec qui nous avons travaillé ! Je suis dans le milieu depuis 25 ans, et je peux dire que l’équipe qui nous a accompagnés sur ce show était vraiment incroyable. Ils étaient tous très talentueux, mais surtout ultra-impliqués dans la série. On tournait en plein milieu de la nuit, tout le monde était épuisé, mais personne ne baissait les bras. Au contraire. Craig Roberts et Antonia Thomas, qui incarnent les personnages principaux, nous ont offert des performances fabuleuses, et notre réalisateur, John Addis, est resté humble et il a su s’effacer dans les bons moments. J’espère que cette belle énergie pourra se ressentir dans les épisodes.

Blake Harrison dans Still Up.©Apple TV+

P. S. : Le moment qui me vient en tête est une scène jouée par Antonia (qui incarne Lisa). Elle a très peu de répliques, mais son jeu est exemplaire. Elle écoute son mari – qui est l’homme le moins drôle du monde – lui raconter une blague, elle essaie de plonger dans son histoire, et c’est juste formidable. J’ai trouvé sa performance brillante et nuancée. Il y a des instants comme celui-ci, durant lesquels tu es tellement absorbé par le tournage et la qualité des acteurs que tu oublies tout.

P. C. : Pour ma part, ça a été le fait de visionner le projet final. Il y a eu tellement de scénarios, d’histoires, de rushs, de montages… C’était un travail monstre. Pourtant, quand j’ai regardé les épisodes, c’est comme si je les voyais pour la première fois. Je savais exactement ce qu’il allait se passer du début à la fin, mais j’avais une boule dans la gorge et j’étais très ému. Je me suis demandé comment on avait réussi à produire une série aussi géniale.

Depuis quelques années, les séries britanniques brillent à l’international et remportent de nombreux prix. Je pense notamment à I May Destroy You, Peaky Blinders ou encore Fleabag. Comment expliquez-vous ce succès ? Qu’est-ce que les Britanniques ont de plus que les autres ?

P. C. : Je ne pense pas que nous ayons quelque chose de plus ! Récemment, j’ai vu des films français et je les ai trouvés fantastiques. Je pense que le secret, c’est de créer des productions qui nous tiennent à cœur. Qu’on soit anglais, américain ou français, nous sommes tous des êtres humains, et nous vivons quasiment les mêmes expériences. Certaines thématiques sont à la fois très intimes et universelles. Elles peuvent donc séduire le monde entier. C’est le cas notamment de I May Destroy You, Fleabag ou Still Up.

Still Up est disponible sur Apple TV+ depuis le 22 septembre.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste