Escales estivales pour ceux qui voudraient associer leurs lectures à leur destination de vacances. Cette semaine, l’Italie.
Dévorer une incroyable saga familiale avec Les Lions de Sicile, de Stefania Auci
Dix ans après l’éclosion du phénomène littéraire planétaire L’Amie prodigieuse d’Elena Ferrante, on tient la nouvelle série romanesque événement venue d’Italie. Avec La Saga des Florio, Stefania Auci a battu tous les records de vente, cumulant plusieurs millions de lecteurs dans le monde. Une série télé ambitieuse, par les mêmes producteurs que L’Amie prodigieuse, est même déjà en cours de réalisation.
Entre réalité historique et fiction, l’écrivaine s’est inspirée d’une dynastie familiale bien réelle, la plus puissantes de Palerme aux XIXe et XXe siècles pour bâtir une fresque envoûtante au cœur de l’un des ports les plus florissants de Méditerranée. En 1799, après un énième tremblement de terre ravageur, Paolo et Ignazio Florio décident de quitter la Calabre pour réaliser leurs ambitions en Sicile. La romancière raconte alors l’ascension de ces deux frères virtuoses du commerce et la brillante relève assurée par le fils de Paolo, Vicenzo qui parviendra malgré le dédain et la pression de la noblesse locale à transformer un modeste magasin d’épices et d’herbes médicinales en un empire commercial et industriel sans précédent.
Tous les ingrédients du soap sont réunis. Histoires d’amours, trahison, vengeance, rédemption : Stefania Auci décrit avec un incroyable souffle romanesque le délitement d’une famille confrontée à une richesse et une puissance qui la dépassent. Cette saga fascinante n’est pas sans rappeler un autre fauve emblématique de l’île, Le Guépard. Si le roman de Lampedusa dévoilait l’autre côté du miroir et racontait le désenchantement de la noblesse palermitaine, il décrivait de la même manière l’effervescence et l’atmosphère sulfureuse qui régnait alors. De cette épopée sicilienne s’échappe un parfum enivrant qui embaumera à coup sûr votre été littéraire.
Trouver refuge dans les Alpes italiennes avec La Félicité du loup, de Paolo Cognetti
Il est une des voix les plus majestueuses de la littérature italienne. Découvert en France avec Le Garçon sauvage, un texte rédigé sous forme de carnet où il rendait hommage à la montagne et aux écrivains qui l’ont sublimée, c’est avec Les Huit Montagnes que Paolo Cognetti a accédé à la renommée mondiale. Couronné du prestigieux Prix Strega (le Goncourt italien), il remporte en France le Médicis étranger. Avec son dernier livre, La Félicité du loup, paru il y a deux ans, il creuse un peu plus loin son sillon littéraire et se place en héritier d’Henry David Thoreau ou de son compatriote Mario Rigoni Stern.
Parce qu’elle est tout entière empreinte des bouleversements de son existence et de ses choix, son œuvre est aussi touchante qu’inspirante. Quelques mois avant ses 30 ans, rongé par un profond mal-être, Paolo Cognetti a préféré renoncer aux excès de nos civilisations urbaines et quitter Milan pour trouver refuge dans les monts escarpés du Val d’Aoste. En véritable chantre de la montagne, ses romans racontent en creux ce basculement et le retour initiatique qu’il a entrepris sur les terres de ses ancêtres.
Sa littérature simple, authentique, épurée, envoûte et apaise. Oubliez les intrigues alambiquées, les dialogues grandiloquents ou les péripéties rocambolesques, l’écrivain italien touche au cœur en effleurant d’une douce caresse la vérité nue des choses, des hommes et des sentiments. Hymnes à l’amour, odes à la nature et à ceux qui peuplent les hauteurs, Les Huit Montagnes comme La Félicité du loup sont des exercices de contemplation réconfortant, loin de la fureur du monde. Comme une invitation adressée au lecteur à fermer les yeux et à se laisser envahir par l’ivresse des cimes.
Renouer avec ses racines italiennes avec Borgo Sud, de Donatella Di Pietrantonio
Avec Borgo Sud, Donatella Di Pietrantonio renoue avec la narratrice déchirante de La Revenue, son sublime précédent roman. Une jeune fille de 13 ans qui nous contait le départ soudain du foyer idyllique de sa famille d’adoption pour retrouver ses parents biologiques et sa sœur Adriana au cœur d’un quartier populaire de Pescara, dans les Abruzzes. Des années plus tard, la narratrice vit en France, s’est mariée et est devenue professeure. Sa sœur, elle, est restée solidement ancrée dans ce port de pêche où elle a eu un fils.
Elles sont presque devenues des étrangères, victimes des secrets et des non-dits. Mais, quand Adriana tombe dans le coma suite à un mystérieux accident, une seconde chance leur est offerte et la narratrice retourne en Italie pour réparer les erreurs du passé. Avec une plume remplie de mélancolie et de rage de vivre, Donatella Di Pietrantonio met en scène un fabuleux roman des origines et adresse une déchirante déclaration d’amour aux lieux qui nous habitent autant que nous les habitons.
Plonger dans les zones d’ombre de l’histoire italienne avec Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri, de Valerio Varesi
C’est le propre du polar de nous faire aimer ses héros récurrents. Quel plaisir de croiser à nouveau la route du commissaire Soneri. Pour sa huitième enquête sous la plume de Valerio Varesi, le vieux flic parmesan a pris quelques cheveux blancs, mais il est toujours aussi attachant avec ce cœur pur et cette nostalgie tenace. À cheval sur sa vieille vespa, comme un vestige de l’ancien temps, aux côtés d’Angelina qu’il aime éperdument, il a ce quelque chose de l’Italie qui le rend irrésistible.
Pourtant, l’heure est grave. Alors qu’une pluie d’hiver s’abat inlassablement sur la ville, un corps est retrouvé frappé sauvagement d’une vingtaine de coups de couteau. Il s’agit d’Elmo Boselli, ancien leader militant d’extrême gauche de la fin des années 1960, qui semblait pourtant avoir raccroché. Au même moment, un jeune homme est retrouvé pendu dans un hôtel abandonné, sans rien pour l’identifier à part une valise Vuitton à ses pieds. Se peut-il que ces deux affaires soient liées ?
Aux côtés d’un commissaire Soneri à l’ancienne, tout en calme, en réflexion, en instinct, on s’enfonce dans les heures sombres de l’histoire italienne, dans les vestiges d’une époque faite de luttes politiques virulentes, de conflits sociaux et d’utopies étudiantes brisées. Un pays n’échappe pas à son passé et certains sont destinés à payer les pots cassés.
Découvrir une Rome sombre, bien loin des cartes postales, avec La Ville des vivants, de Nicola Lagioia
Un matin de printemps 2016, Manuel Foffo, fils d’un riche entrepreneur romain, se livre à la police pour confesser un crime. Avec son ami Marco Pratto, ils ont sauvagement assassiné un homme choisi au hasard. Le corps de Luca Varani est découvert dans une mare de sang. Qu’est-ce qui a pu pousser ses deux jeunes hommes de bonne famille, prétendus hétéros, à payer un jeune homme pour du sexe tarifé et à le droguer avant de le poignarder et de le fracasser à grands coups de marteau ?
Vengeance, cruauté qui dépasse l’entendement, cas de possession… Dans une hystérie générale, police, médias et badauds tentent de percer à jour ce duo diabolique qui a voulu tuer pour « voir ce que ça fait ». En parallèle, Nicolas Lagioia mène l’enquête. À la manière du génial film noir Suburra, il déchire le voile reluisant qui recouvre depuis toujours la Rome des cartes postales et nous entraîne dans les recoins les plus sombres de la cité éternelle. Dans les pas des papes du true crime Truman Capote et Philippe Jaenada, le prix Strega 2015 s’empare grâce au pouvoir de la fiction d’un fait divers qui a déchaîné les passions et plonge loin dans les entrailles du mal.