Après l’Union européenne et les Etats-Unis, le Royaume-Uni vient de rejeter la demande que l’intelligence artificielle appelée Dabus soit désignée comme inventeur lors d’un dépôt de brevet.
Une intelligence artificielle (IA) peut-elle être qualifiée d’inventrice ? Pour certains pays comme l’Australie et l’Afrique du Sud, la réponse est oui, mais pour de nombreux autres, la réponse est non. C’est notamment le cas du Royaume-Uni qui vient de refuser que l’IA baptisée Dabus soit reconnue comme inventrice. Bien qu’elle ait conçu un récipient alimentaire capable de mieux conserver la chaleur et une lampe torche d’urgence, ces deux inventions ne pourront pas être brevetées à son nom. « Seule une personne peut avoir des droits. Pas une machine », a tranché la juge Elisabeth Laing. La cour d’appel de Londres est ainsi allée dans le sens de l’Office des brevets britanniques qui avait rejeté les demandes de Stephen Thaler, chercheur américain Dabus, estimant qu’il était tenu par le droit des brevets d’identifier une « personne physique » comme inventeur.
Depuis 2019, l’équipe juridique The Artificial Inventor Project, menée par le juriste Ryan Abbot, tente de faire reconnaître Dabus comme inventeur d’un brevet. Seules l’Australie et l’Afrique du Sud ont accordé ce statut à l’IA. Aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, la demande émise par l’équipe a été rejetée. Début septembre, la juge Léonie Brinkema du tribunal de Virginie a confirmé la décision antérieure du Bureau américain des brevets basée sur l’US Patent Act. Cette convention qui régit la propriété intellectuelle précise que seule une personne physique peut être considérée comme inventeur.
L’intelligence artificielle dans l’Union européenne
En Europe, l’homologue du Bureau américain des brevets est sur la même longueur d’onde. En janvier 2020, l’Office européen des brevets (OEB) a expliqué sa décision de rejeter les deux demandes de brevet européen où un système d’IA avait été désigné comme inventeur. Ces dernières ont ainsi été rejetées car « elles ne remplissaient pas l’exigence juridique, établie par la Convention sur le brevet européen (CBE), selon laquelle un inventeur désigné dans une demande doit être un être humain et non une machine« . L’OEB a par ailleurs précisé que la désignation d’un inventeur est obligatoire car elle produit plusieurs effets juridiques comme le fait que l’inventeur bénéficie de droits associés quand les machines ou systèmes dotés d’intelligence artificielle ne disposent pas d’une personnalité juridique pour exercer de tels droits.
La question de la réglementation de l’IA est souvent étudiée dans l’Union européenne, mais on s’interroge davantage sur les risques que peuvent représenter les voitures autonomes ou la collecte des données, par exemple, plutôt que sur la question des brevets alors que la reconnaissance de paternité constitue un enjeu économique. La production d’une intelligence artificielle n’est en effet pas protégée lorsque l’on refuse la qualité d’inventeur à celle-ci, ce qui peut dissuader d’investir dans cette technologie comme l’a expliqué Robert Jehan, l’un des avocats de l’équipe. Cette dernière a d’ailleurs clarifié sa position. Bien qu’elle estime qu’une intelligence artificielle n’est généralement qu’un simple outil, elle considère qu’il est possible que la conception, soit l’acte qualifiant une personne d’inventeur, soit effectuée par une machine. « Dans ce cas, nous soutenons que la machine n’est pas « juste un outil », elle automatise l’invention ».